Annulation ou résolution du contrat de vente
M. et Mme C. fondent leur action sur l'article 1116 du Code civil qui permet d'annuler une convention quand le consentement d'une partie a été surpris par le dol qui vise toute tromperie ou tout agissement tendant à créer une fausse apparence ou le mensonge voire le silence dissimulant intentionnellement un fait dans le dessin d'induire en erreur, qui émane d'un co-contractant et qui a déterminé l'autre à s'engager.
Les éléments objectifs versés aux débats permettent de caractériser un tel vice du consentement dont la charge de la preuve pèse sur celui qui l'invoque, étant précisé qu'il ne se présume pas et qu'il s'apprécie à la date de l'acte litigieux.
La Sci Le Moulin de Boly n'a jamais eu l'intention de construire le bien promis, aucun chantier de rénovation n'ayant été ouvert dans l'immeuble acquis par elle.
Les articles de presse produits en date du 22 et 23 août 2010 font état d'un incendie de l'hôtel d'Anvers à Lourdes, décrit comme un immeuble désaffecté et squatté, sinistre qui a détruit une chambre et endommagé une petite partie de la toiture.
La Sci Le Moulin de Boly a informé les acquéreurs d'un retard de travaux, d'abord le 2 juillet 2010, sous la signature de la Sarl Docomo Compagnie avec engagement de cette dernière de payer les intérêts intercalaires, en invoquant la découverte de problèmes de structure de l'immeuble à rénover annonçant un report de livraison jusqu'à la fin de 2011 décrit comme nécessaire pour que la maîtrise d''uvre et les bureaux d'étude technique puissent refaire intégralement les études techniques en vue de permettre à l'architecte d'éditer le nouveau cahier des charges induisant un nouvel appel d'offres, puis le 29 avril 2011 en se prévalant de l'édition de nouvelles normes techniques concernant les personnes à mobilité réduite nécessitant une transformation totale des espaces entraînant une réduction du nombre des appartements de 78 à 44 et un changement de superficie du lot n° 41 passant de 16,60 à 17,70, tout en affirmant que l'immeuble était clos et couvert puis se trouvait au stade du cloisonnement avec un état d'avancement à 90 % et enfin le 20 septembre 2011 en annonçant la reprise des travaux dès la mi-octobre 2011 après leur interdiction générale par la ville de Lourdes pendant la saison des pèlerinages.
Dès le 16 décembre 2011 elle a été placée en redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire par nouvelle décision du 3 juillet 2012.
Le programme immobilier promis n'a donc pas été entrepris.
La Sci Le Moulin de Boly a trompé les acquéreurs sur sa volonté réelle de le réaliser commettant ainsi un dol en faisant croire à la réalité d'une entreprise fausse ou fictive dans le seul but de se faire remettre des fonds.
Cette dissimulation intentionnelle a induit en erreur M. et Mme C. et vicié leur consentement car s'ils avaient su que l'immeuble n'était pas en réalité destiné à être rénové, ils n'en auraient jamais acquis un lot.
Elle entraîne l'annulation du contrat de vente en l'état futur achèvement par application de l'article 1116 du code civil, sans qu'il y ait eu lieu de statuer sur les autres moyens de nullité tirés de l'erreur sur la substance de l'article 1109 du code civil ou les dispositions propres au code de la construction et de l'habitation ni d'examiner les demandes subsidiaires de résolution du contrat au visa des articles 1184 et 1610 du code civilpour manquement du vendeur à ses obligations et notamment à l'obligation de délivrance, devenues par la même sans objet.
Cette nullité prend effet à la date de conclusion du contrat de vente soit le 28 août 2009 et non à la date de la décision du 5 mars 2012 qui a suspendu le remboursement de l'emprunt souscrit par les acquéreurs en vue de son financement, comme décidé par le jugement qui sera réformé sur ce dernier point.
Annulation du contrat de crédit
Par application de l'article L 312-12 alinéa 1 du Code de la consommation, d'ordre public, l'annulation du contrat de vente en l'état futur d'achèvement entraîne également l'annulation de plein droit du contrat de prêt immobilier à la date de l'acceptation de l'offre de crédit soit le 6 juillet 2009.
En raison de l'effet rétroactif attaché à la nullité de l'acte de vente immobilière, ce contrat est réputé n'avoir jamais été conclu et donc ne pas l'avoir été dans le délai de 4 mois fixé par ce texte aux termes duquel "l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non conclusion, dans le délai de 4 mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé".
La nullité du contrat principal de prêt n'entraîne pas pour autant la nullité du cautionnement consenti qui subsiste tant que l'obligation de restituer, inhérente au contrat principal n'est pas éteinte car cette dernière demeure valable tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée ; l'emprunteur ne sera libéré que lorsque ces restitutions seront intégralement opérées.
Le jugement est confirmé sur ces deux points.
- Cour d'appel de Toulouse, 1re chambre, 1re section, 11 janvier 2021, RG n° 16/05577