L'option du conjoint survivant pour l'exercice de son droit viager au logement ne peut être déduite de son seul maintien dans les lieux où il réside au moment du décès de son époux.
Si la Cour de cassation n'exclut pas que la manifestation de volonté pour pouvoir bénéficier du droit viager au logement puisse être tacite, il apparaît préférable :
— soit de mentionner dans l'acte de notoriété (Dr. famille 2022, dossier 4, obs. N. Couzigou-Suhas) et/ou dans l'attestation notariée (JCP N 2022, n° 9, 1100, obs. S. Lamiaux) l'option du conjoint survivant quant à l'exercice du droit viager au logement ;
— soit, si le conjoint survivant refuse de signer ledit acte, ce refus ne faisant pas obstacle à son établissement (JCP N 2002, n° 13, 1221, obs. M. Dagot), ou ne souhaite pas opter immédiatement, de l'y informer sur la nécessité de manifester sa volonté pour pouvoir bénéficier du droit viager au logement dans un délai d'un an courant à compter du décès.
Arrêt de la Cour de cassation, 1re Chambre civ. 2 mars 2022, n° 20-16.674, B : JurisData n° 2022-002834
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Le conjoint survivant, héritier à part (Ch. Goldie-Genicon, Les droits légaux du conjoint survivant : JCP N 2018, n° 42, 1317. - S. Ferré-André, Le rapport à succession et le conjoint survivant : JCP N 2018, n° 42, 1322), peut voir ses droits dans la succession de l'époux prédécédé réduits. Ainsi, il est parfaitement possible, lorsqu'il n'a pas la qualité d'héritier réservataire, qu'il ne se voit attribuer aucun bien en pleine propriété ou en usufruit dans la succession. Pour prémunir le conjoint survivant contre une exhérédation totale et pour lui assurer le maintien de ses conditions d'existence, la loi n° 2011-1135 du 3 décembre 2001 a instauré des droits successoraux impératifs ou quasi impératifs, autrement dit des droits qui ne peuvent lui être ôtés par la volonté du défunt ou qui ne peuvent l'être qu'à des conditions de forme particulièrement rigoureuses et dissuasives.
Parmi ces droits successoraux, figurent en bonne place les droits au logement du conjoint survivant (F. Vauvillé, Les droits au logement du conjoint survivant : DEF 30 oct. 2002, p. 1277. - F. Sauvage, Les dispositions de la réforme des successions immédiatement applicables pour la pratique notariale : Bull. Cridon Paris, 1er-15 déc. 2001, n° 23, p. 269. - F. Sauvage, Le logement de la veuve : Dr. & patr. mensuel, n° 111, p. 36). Ces droits se déclinent en un droit temporaire au logement et en un droit viager au logement. C'est le droit viager au logement, droit réel à caractère personnel, ne jouant pas automatiquement, qui est au cœur de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 mars 2022.
Dans l'espèce qui lui était soumise, le conjoint survivant, époux commun en biens, occupait, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement dépendant de la communauté. Ce dernier a continué à occuper le logement pendant plus d'un an après le décès. Cette occupation, selon le conjoint survivant, caractérisait sa manifestation de volonté de bénéficier du droit viager au logement, ce à quoi s'est opposé l'enfant du premier lit.
Pour les juges d'appel, sauf cas de renonciation expresse, le fait de se maintenir dans les lieux un an après le décès suffit à permettre au conjoint survivant de bénéficier du droit viager au logement. Ce maintien doit s'analyser comme une demande tacite de bénéficier du droit viager au logement.
Au double visa des articles 764 et 765-1 du Code civil, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel en posant le principe suivant lequel « si la manifestation de volonté du conjoint survivant pour bénéficier du droit viager au logement peut être tacite, elle ne peut résulter du seul maintien dans les lieux », contredisant ainsi une partie de la doctrine en sens contraire (C. Pérès et Ch. Vernières, Droit des successions : PUF, 2018, n° 267. - M. Nicod, Les choix du conjoint survivant : quelle place pour la volonté tacite ? : Dr. famille 2019, repère 5).
Ce faisant, la Cour de cassation confirme deux précédents arrêts du 11 mai 2016 (Cass. 1re civ., 11 mai 2016, n° 15-16.116) et du 13 février 2019 (Cass. 1re civ., 13 févr. 2019, n° 18-10.171 : JurisData n° 2019-001940 ; JCP N 2019, n° 10, act. 280, obs. D. Epailly ; Dr. famille 2019, repère 5, M. Nicod ; DEF 3 mai 2019, n° 148n9, p. 29, obs. S. Gaudemet) où elle avait également admis que la manifestation de volonté du conjoint survivant de bénéficier du droit viager au logement pouvait être tacite.
Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :
— le seul maintien dans les lieux n'est pas suffisant pour manifester la volonté du conjoint survivant de bénéficier de son droit viager au logement ;
— la manifestation de volonté de bénéficier du droit viager au logement peut être tacite.
Ces enseignements sont développés dans l'étude citée.
- Succession - Option du conjoint survivant et droit viager au logement - Commentaire par Vivien Zalewski-SicardLa Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 19, 13 Mai 2022, 1161