Monsieur et madame sont locataires de locaux d’habitation consistant en un appartement situé dans un immeuble situé à..., suivant contrat de bail du 19 juin 1991, et d’un garage situé au sous-sol situé à la même adresse, suivant contrat de bail du 18 décembre 1991.
L’immeuble a été acquis le 27 juin 2002 par lune société foncière qui a fait établir un règlement de copropriété et un état descriptif de division, publiés le 15 janvier 2003, et qui a chargé un agent immobilier de procéder à la mise en vente de l’immeuble par lots.
Par lettre recommandée en date du 6 mars 2003, l'agent immobilier a notifié au locataire une offre de vente au prix de 1 525 000 EUR ; le 11 septembre 2003, elle a également notifié à la locataire une offre de vente, au même prix.
Madame, par lettre du 15 février 2004, a proposé d’acquérir le bien au prix de 1 150 000 EUR. Son offre a été refusée le 26 février 2004.
Le 1er juillet 2005, le bien a été vendu à une SCI au prix de 1 525 000 EUR.
Les époux locataires ont conclu à la nullité de cette vente au motif de ce que leur droit de préemption n’aurait pas été régulièrement purgé.
Il ressort des dispositions de l’art. 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 applicable à l’espèce que :
"I-Préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l’indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu’il occupe. Cette notification vaut offre de vente au profit de son destinataire.
"L’offre est valable pendant une durée de deux mois à compter de sa réception. Le locataire qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si dans sa réponse, il notifie au bailleur son intention de recourir à un prêt, son acceptation de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et, en ce cas, le délai de réalisation est porté à quatre mois. Passé le délai de réalisation de l’acte de vente, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est nulle de plein droit."
Dans cette affaire, il ressort des pièces versées aux débats que par lettre recommandée en date du 6 mars 2003, l'agent immobilier a notifié au locataire une offre de vente au prix de 1 525 000 EUR qui subordonnait son acceptation au versement de 10 % du prix de vente ; l’art. 10 de la loi du 31 décembre 1975 susvisé accorde au locataire, pour réaliser la vente et donc réunir les fonds nécessaires au paiement du prix, un délai de deux mois ou de quatre mois en cas de recours à un prêt ; il s’en déduit qu’en faisant obligation au locataire, en cas d’acceptation de l’offre de vente, de verser lors de cette acceptation, 10 % du prix de vente, l’offre faite par l'agent immobilier est irrégulière, le droit de préemption du locataire ne pouvant être regardé comme régulièrement purgé ; il convient donc d’infirmer le jugement entrepris sur ce point, et statuant de nouveau de déclarer irrégulière l’offre de vente et de déclarer nulle la vente intervenue le 1er juillet 2005 au profit de la SCI.
La nullité de la vente d’un bien immobilier emporte anéantissement rétroactif du contrat et a pour conséquence d’obliger les parties à rendre les prestations qu’elles ont effectivement reçues et d’obliger notamment l’acquéreur à restituer le prix de vente au vendeur.
- Cour d’appel de Paris, pôle 4 - chambre 1, 28 octobre 2016, N° de RG : 14/03222