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Le 16 juin 2020

 

La société VERY THAI qui conclut à l'infirmation du jugement entrepris, soutient que la vente est nulle pour défaut de purge du droit de préférence dont elle bénéficiait en sa qualité de titulaire d'un bail commercial, portant sur un local à usage commercial, la cession étant intervenue postérieurement à l'entrée en application de l'article L 145-46-1 du Code de commerce. Elle soutient que l'exception figurant au dernier alinéa de l'article L 145-16-1 dont se prévalent à la fois le vendeur et l'acquéreur, n'est pas applicable en l'espèce, les exceptions étant d'interprétations strictes ; en effet, la cession porte sur un local unique et non sur des locaux commerciaux distincts ; la régularisation par le bailleur de deux baux dans un unique local commercial n'est pas de nature à créer des locaux commerciaux distincts, cette division effectuée par une simple cloison, n'a pas été suivie d'une division en deux lots de copropriété distincts. Elle soutient en outre, que le local commercial unique a été coupé en deux par une cloison, de sorte qu'existe d'une part une boutique sur rue et d'autre part, un bureau ayant pour accès unique une porte donnant sur les parties communes, que ce second local ne dispose d'aucun des attributs de la commercialité et que la soumission volontaire au statut des baux commerciaux, de ce second bail consenti pour une activité de psychologue, est insuffisante pour caractériser l'existence d'un local commercial distinct. Elle soutient que la nature commerciale dépend de l'activité effectivement exercée dans les lieux et que les locaux à usage professionnels ou de bureaux, en sont exclus.

Maître P, ès qualités de liquidateur de la SCI R., conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il soutient que le droit de préemption n'existe pas au profit du locataire lorsque la vente porte sur un ensemble plus vaste que les locaux pris à bail ; qu'un copropriétaire peut librement diviser son lot en vue de sa location; que l'article L145-2 I 7° du Code de commerce permet expressément pour les locaux à usage exclusivement professionnel, que les parties adoptent conventionnellement le statut des baux commerciaux, en qu'l'espèce, il y a bien cession unique de deux locaux commerciaux distincts, qu'il importe peu que Mme D, psychologue, n'ait pas la qualité de commerçante puisqu'elle a choisi d'opter pour le régime des baux commerciaux, que ce n'était pas la vente du bien loué à l'un ou l'autre des locataires qui était projetée, mais bien une vente plus globale, celle de l'ensemble immobilier dont était propriétaire la SCI R.

La SCI 72, qui conclut à la confirmation de la décision entreprise, soutient que la vente réalisée s'inscrit dans les exceptions de l'article L145-46-1 du Code de commerce ; qu'il s'agit d'une cession unique de locaux commerciaux distincts et l'assiette vendue distincte de celle du bien loué à la société VERY THAI, impliquait nécessairement l'absence de purge du droit de préemption. Elle soutient qu'un propriétaire peut diviser son bien immobilier et créer ainsi plusieurs locaux commerciaux distincts, que par locaux distincts il faut entendre 'surface louée par le truchement d'un bail commercial ; qu'en l'espèce, il existe bien deux surfaces distinctes, avec deux entrées distinctes, louées à deux personnes différentes ; qu'il importe peu que le second local, relève d'une soumission volontaire au statut ; que les locaux professionnels soumis volontairement au statut ne sont pas exclus du droit de préemption légale. Elle soutient également qu'il résulte de l'esprit de la loi que sont exclues du droit de préemption, les ventes portant sur un ensemble plus large que le local loué.

L'article L145-46-1 du Code de commerce dispose que :"Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.[...]

Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint."

Il en résulte que le droit de préférence n'est pas applicable en cas de cession unique de locaux commerciaux distincts, c'est-à-dire en cas de cession à un même acquéreur de plusieurs locaux commerciaux. La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par locaux commerciaux distincts. Elle ne précise pas que le droit de préférence n'est pas applicable en cas de cession unique de lots distincts à usage commercial, mais uniquement, qu'il n'est pas applicable en cas de cession unique de locaux commerciaux distincts. Dans ces conditions, pour l'application de ce texte, il importe peu que la division matérielle du lot, n'ait pas été suivie de la création de deux nouveaux lots de copropriété.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le lot n° 16 situé au rez-de-chaussée était un local commercial, alors que le lot n° 12, était une cave. La division en deux du local du rez-de-chaussée, ne lui a pas fait perdre son caractère commercial, quand bien même aurait-il été, pour moitié, donné à bail à une psychologue pour y exercer son activité professionnelle, par un bail soumis conventionnellement au statut des baux commerciaux. La division dudit local a ainsi créé deux locaux commerciaux distincts, occupés par deux preneurs différents, séparés par une cloison et possédant chacun une entrée propre.

Dans ces conditions, la cession des lots 16 et 12, constitue une cession unique portant sur des locaux commerciaux distincts, constitués d'une part d'une partie du lot 16, donnant sur rue, et d'autre part, d'une partie dudit lot donnant sur cour. La société VERY THAI, preneur à bail d'un de ces locaux commerciaux, est mal fondée à prétendre que son droit de préférence légale n'aurait pas été respecté par le bailleur, la vente n'étant pas soumise à l'application des premiers alinéas de l'article L 145-46-1 du Code de commerce.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté le société VERY THAI de l'ensemble de ses demandes.

Référence: 

- Cour d'appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 20 mai 2020, RG n° 18/24248