Il ne ressort pas que l'opération d'acquisition de l'hôtel a été décidée dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité, à savoir la famille G., au détriment des associés minoritaires. A cet égard, les trois autres associés minoritaires ont apprécié cette opération.
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Lors de l'assemblée générale du 23 juin 2014, les associés de la société G2S ont autorisé l'un des cogérants à acquérir, au nom et pour le compte de la société, un hôtel situé à Torcy pour la somme de 6,5 millions d'euros, dont 4 millions d'euros pour les murs et 2,5 millions d'euros pour le fonds de commerce, à constituer, au nom et pour le compte de la société, une SCI pour procéder à l'acquisition dudit bien immobilier et dans laquelle la société aurait une participation substantielle, à contracter un ou plusieurs emprunts, au nom et pour le compte de la société, auprès d'un ou de plusieurs établissements bancaires, pour financer l'acquisition de l'ensemble immobilieret à consentir au nom et pour le compte de la société toutes garanties, demandées par le ou les établissements bancaires dans le cadre de l'emprunt contracté pour le financement global de l'acquisition de l'ensemble immobilier.
Selon un courriel du 2 juin 2014 adressé par M. G. à la banque Crédit du Nord, M. G. indique, d'une part, avoir été précédemment informé par la banque que la sociétéNorbail, organisme de crédit-bail du groupe Crédit du Nord, financerait l'acquisition de l'hôtel, sous réserve d'un apport minimum de 15 %, et, d'autre part, prévoir comme montage l'acquisition du fonds de commerce sur fonds propres et la mise en place d'un crédit-bail pour l'immeuble, le financement total sur fonds propres étant alors de 3.285.000 euros, soit 45 % de l'opération, et celui sur crédit-bail de 4 millions d'euros, soit 55 % de l'opération. Il n'est pas fait état des garanties devant être apportées. M. G. précise que la question est alors de savoir si ce montage convient, s'il y a lieu de faire un autre montage ou si l'opération est irréalisable. Il demande à la banque la nature des mentions que le procès-verbal de l'assemblée générale à venir doit comporter.
Il ressort en outre d'une lettre de BNP Paribas que la société G2S a également sollicité cette banque, le 7 juillet 2014, aux fins de financement du projet d'acquisition de l'hôtel sans que les modalités de financement ne soient précisées. Il n'est pas produit de pièces quant au sort réservé à cette demande de financement.
La SCI Lysacoda a été constituée le 25 octobre 2014 entre la société G2S, détenant 40 des 100 parts composant le capital social, et chacun des quatre enfants de M. et Mme G., détenant, chacun, 15 parts. Le même jour, la société Codalysa a été constituée par lasociété G2S, unique associée.
Selon une lettre du notaire instrumentaire du 26 septembre 2016, une promesse de vente a été signée en vue de l'acquisition des murs et du fonds de commerce le 3 juillet 2014 - l'opération étant prévue pour un montant de 4 millions d'euros pour les murs et 2,525 millions d'euros pour le fonds de commerce et la société G2S étant tenue de transmettre au moins deux demandes de prêt, ce qu'elle a fait, et de fournir au plus tard le 30 septembre 2014 un accord de financement - le délai pour fournir cet accord de financement a été prorogé au 1er décembre 2014 et le 24 novembre 2014 le crédit-bailleur a transmis un procès-verbal d'assemblée générale 'rédigé par ses soins' et devant être signé avant la vente, ce procès-verbal ajoutant à celui de l'assembléegénérale du 23 juin 2014 l'engagement de ne pas modifier la géographie du capital social et l'accord de la société G2S de ne pas céder ses parts dans la SCI sans accord du crédit-bailleur. Le procès-verbal d'assemblée générale de la société G2S du 22 novembre 2014 est contesté par M. H., aucune assemblée régulière ne s'étant réunie ce jour-là faute de convocation de l'ensemble des associés.
Selon l'acte de vente du 1er décembre 2014, les sociétés Norbail immobilier et Bpifrance financement ont acquis les murs de l'hôtel au prix de 4 millions d'euros hors taxes (4,8 millions d'euros TTC) et, aux termes du crédit-bail conclu le même jour, les crédit-bailleurs ont consenti à la SCI Lysacoda un crédit-bail d'une durée de quinze ans portant sur les murs de l'hôtel, les loyers étant calculés sur une assiette constituée du prix d'acquisition, 4 millions d'euros, et des frais exposés par les crédit-bailleurs, 456.000 euros. Par acte séparé du même jour, la société Codalysa a acquis le fonds de commerce au prix de 2,525 millions acquitté à concurrence de 1,985 million d'euros au moyen de ses deniers personnels et à concurrence de 540.000 euros au moyen d'un prêt consenti par la banque Crédit du Nord.
Les crédit-bailleurs ont obtenu comme garanties 1) le cautionnement solidaire de M. G. et de Mme G., gérants et associés majoritaires de la société G2S, l'engagement de chacun étant consenti dans la limite de 735.000 euros, 2) le nantissement des éléments incorporals résultant du contrat au profit de la SCI, à savoir le droit au bail et la promesse de vente, 3) l'engagement des associés de la SCI de ne pas céder leurs parts dans la SCI et de ne pas modifier son capital social, 4) la cession des loyers de sous-location et 5) le nantissement du solde créditeur d'un compte 'avance preneur'. Les intimés exposent, sans être contredits par M. H., que la société G2S a avancé à la SCI en compte courant une somme de 1,012 million d'euros, avec intérêts, permettant la mise à disposition de ce solde du compte 'avance preneur' ainsi nanti et fixé au montant de 935.000 euros.
S'agissant de la société Codalysa, les intimés exposent, sans non plus être contredits par M. H., que la somme de 1,985 million d'euros ayant permis le paiement partiel du prix d'acquisition du fonds de commerce provient d'une autre avance en compte courant consentie par la société G2S à sa filiale, avec intérêts au taux de 2,25 %.
Selon deux attestations de l'expert-comptable de la société G2S, la SCI a remboursé au 31 décembre 2019 une somme totale de 250.000 euros et a versé à la société G2S des intérêts à hauteur de la somme totale de 81.000 euros entre 2015 et 2019 et la sociétéCodalysa a versé à la société G2S des intérêts à hauteur de 51.000 euros en 2015.
Le montage juridique et financier ainsi mis en place a permis l'acquisition par la sociétéG2S de l'intégralité du fonds de commerce de l'hôtel, par l'intermédiaire de la constitution d'une filiale qu'elle détient à 100 %, et de 40 % des murs à travers sa participation dans la SCI Lysacoda. La société G2S a financé 78 % de l'acquisition du fonds de commerce, via une avance en compte courant remboursable sur laquelle elle perçoit des intérêts. Elle a contribué à garantir le crédit-bail contracté par la SCI, via une avance en compte courant remboursable sur laquelle elle perçoit également des intérêts, à hauteur de 21 % quand M. et Mme G. l'ont garanti à hauteur, chacun, de 16,5 %, la contribution de la société G2S et celle des époux G. représentant ainsi respectivement 38,8 % et 61,1 % de ces trois garanties prises ensemble.
Il résulte de ces éléments que l'acquisition de l'hôtel par la société G2S, aux conditions, approuvées par l'assemblée générale du 23 juin 2014, de prix et de constitution d'uneSCI dans laquelle la socité G2S n'aurait qu'une part substantielle, est conforme à l'intérêt social en ce que la société a pu diversifier ses activités d'exploitation d'établissements d'hébergement, que les avances en compte courant qu'elle a consenties n'ont pas obéré sa trésorerie ni la poursuite de ses activités, que ces avances lui procurent des intérêts et qu'elle s'est trouvée propriétaire d'un fonds de commerce et de 40 % d'un immeuble, et ce, quand bien même l'acquisition s'est faite dans le cadre d'un crédit-bail, ce type de contrat étant une modalité habituelle de financement d'une acquisition immobilière et la société G2S ayant déjà eu recours, en juin 2012, au financement de l'acquisition d'un EHPAD par crédit-bail.
Le fait que la société G2S n'est pas propriétaire de la totalité de la SCI est justifié par la circonstance que M. et Mme G. se sont portés caution de la SCI. La part respective dans la SCI de la société G2S et des enfants G. correspond à la part respective des engagements pris au profit de la SCI par la société G2S, via l'avance en compte courant, et par les époux G., via leur cautionnement.
En outre, les échanges de courriels entre M. G. et le Crédit du Nord montrent que l'accord de financement a été obtenu tardivement, le 7 novembre 2014, au risque de faire échouer la vente, la promesse de vente ayant dû être prorogée au 1er décembre 2014, et après que la fiche de renseignements relative aux cautions, élément indispensable à l'appréciation des demandes de financement par les établissements de crédit, a été transmise par le Crédit du Nord à M. G. le 22 octobre 2014 en vue de sa transmission à Bpifinancement, le correspondant de M. G. précisant 'il s'agit d'une fiche de renseignement caution utile pour le passage du dossier à leur comité'. Or la SCI a été constituée le 25 octobre 2014 après que les époux G. ont retourné cette fiche de renseignements le 22 octobre précédent. Il se déduit de ces circonstances que le financement du projet a été obtenu dans des conditions difficiles, que le cautionnement des époux G. a été demandé en vue de l'examen des demandes de financement par Bpifinancement et que la constitution de la SCI s'est faite en fonction de l'importance des garanties finalement apportées par les époux G. ramenant la participation de lasociété G2S à 40 %.
De l'ensemble de ces éléments il ne ressort pas que l'opération d'acquisition de l'hôtel a été décidée dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité, à savoir la famille G., au détriment des associés minoritaires. A cet égard, les trois autres associés minoritaires ont apprécié cette opération dans les termes suivants, selon leur attestation produite aux débats :
- M. H. atteste avoir été informé des conditions de financement des sociétés Codalysa et Lysacoda en 2014 et avoir approuvé que 60 % des parts de la SCI soient affectés 'auxgérants' [en réalité aux quatre enfants des cogérants],
- M. Alain F., indique: 'je ne me considère nullement lésé par le montage réalisé, qui fait une part plus grande à la famille G. qu'aux autres associés de G2S, celle-là s'étant portée caution à titre personnel, sous la pression des banques qui tenaient plus à se couvrir qu'à accompagner nos projets d'investissement. Nous avons clairement été informés et personne à ma connaissance n'y a trouvé à redire, excepté comme toujours l'associé H..',
- M. Eric A. affirme 'avoir été informé des conditions de financement de la sociétéCodalysa (sic) et être conscient que les investissements de G2S ont été favorables grâce au cautionnement des gérants.'.
M. H. ne démontrant pas l'existence d'un abus de majorité doit être débouté de toutes ses demandes formées à titre personnel et de celles formées pour le compte de lasociété G2S au titre de l'action ut singuli.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 5, chambre 8, 12 janvier 2021, RG n° 19/15293