Le montant du prix de l’offre de vente au locataire était excessif
Par acte sous-seing privé daté du 24 mai 1989, l’indivision W a donné à Monsieur Thierry V et Madame Alvina V une maison située à ..., moyennant le paiement d’un loyer initialement fixé à 4 000 francs soit 609,80 euro, révisable.
Un état des lieux d’entrée a été établi contradictoirement entre les parties à cette date mentionnant un logement en mauvais état général.
Par acte d’assignation en date des 3 octobre et 22 décembre 2012, les époux V, se prévalant de l’existence de travaux de remise en état incombant au bailleur, ont saisi le juge des référés du tribunal d’instance de Strasbourg d’une demande d’expertise des lieux loués.
Monsieur André W et Monsieur Maurice W, propriétaires, ont, par acte d’ huissier de justice délivré le 22 novembre 2012, fait signifier à leur locataire un congé pour vendre à l’échéance du 30 juin 2013, comportant offre de vente au prix de 400 000 euro nets vendeurs, frais d’enregistrement et notarié en sus.
Il résulte de l’art. 15 de la loi du 6 juillet 1989 que lorsque le bailleur donne congé pour vendre, le congé qui indique le prix et les conditions de la vente projetée vaut offre de vente au profit du locataire, que cette offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis et qu’à l’expiration du délai de préavis qui est de six mois, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.
Si l’intention du bailleur de vendre le bien loué constitue un motif péremptoire de congé, ce qui le dispense de toute justification préalable de la réalité d’un projet de vente, le juge saisi par le locataire invoquant la fraude doit en revanche rechercher si le congé reposait bien sur une réelle intention du bailleur de vendre l’immeuble et s’il n’a pas été donné en fraude des droits du locataire.
Le fait que le preneur soit demeuré dans les lieux à l’expiration du préavis ne le prive pas de cette possibilité. En l’occurrence, le congé a été délivré après que le bailleur ait été condamné à la remise en état des lieux dont la vétusté ressort déjà de l’état des lieux d’entrée mentionnant une forte humidité endommageant les plafonds et générant des moisissures, l’immeuble étant en état général de vétusté. Dans ce contexte, une offre de vente au prix de 400 000 euro est manifestement excessive, au regard du prix du marché pour un immeuble dans lequel d’importants travaux étaient à effectuer pour en assurer la mise aux normes d’habitabilité décente et pour lequel le diagnostic énergétique est reconnu très défavorable.
En outre, le propriétaire bailleur ne justifie d’aucun acte positif en vue de la mise en vente de l’immeuble, tel que la conclusion d’un mandat de vente, la publication d’annonces, l’affichage de panneaux, la visite d’acquéreurs éventuels. L’attestation d’un unique agent immobilier préconisant d’attendre la libération des lieux ne caractérise pas une démarche suffisante. Le congé n’apparaît donc pas fondé sur une décision sincère de vendre et doit être annulé.
Dans la mesure où l’intention de vendre a été jugée artificielle, le propriétaire bailleur fait en vain valoir que le preneur dispose d’un droit de préemption en cas de vente à un prix inférieur à l’offre faite.
- Cour d’appel de Colmar, Chambre civile 3, section A, 7 novembre 2016, RG n° 15/04440