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Le 15 octobre 2019

Madame W AA, née le […], divorcée de M. AB S suivant jugement du TGI de La Seine du 23 janvier 1963 est décédée le 14 mars 2013, laissant pour recueillir sa succession ses deux filles, Mme X S épouse A et Mme B S épouse C.

Par testament olographe du 10 août 2007, déposé au rang des minutes de maître AD AE, notaire à […], W AA, révoquant tous ses testaments antérieurs, a institué pour légataire universelle en pleine propriété sa fille B C et à défaut ses enfants.

Aucun partage amiable n’ayant pu aboutir, Mme A a assigné Mme C et son époux, M. D C, par acte du 13 mars 2014, devant le tribunal de grande instance de Paris.

Le litige s'est retrouvé devant la cour d'appel, principalement à propos de dons manuels que la de cujus aurait consentis à ses petits-enfants. 

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Mme A, fille, héritière réservataire, demande la réintégration à la masse de calcul de l’art 922 du Code civil de la somme de 309.840 € correspondant à des dons d’argent dont W AA a gratifiés ses cinq petits enfants (G et P A et H, I et AB-AH C) entre 1995 et 2012 de la façon suivante :

  • année 1995 : don à chacun de la somme de 55.000 F
  • année 2004 : don à chacun des sommes de 15.783,35 € et 3.800 €
  • année 2008 : don à chacun des sommes de 10.000 € et de 8.000 €
  • année 2010 : don à chacun des sommes de 10.000 € et de 3.000 €
  • année 2012 : don à chacun de la somme de 3.000 €

Mme C ne conteste pas l’existence de ces dons même si son propre décompte fait apparaître que pour l’année 2004, les dons de 15.783,35 € (pourtant avérés pour ce montant selon sa pièce 8 bis) sont retenus pour 15.000 € et que les dons de 3.000 €, pourtant débités du compte de la défunte entre le 22 et le 31 décembre 2010 (cf pièce 8 de l’appelante) sont comptabilisés sur l’année 2011.

Elle soutient cependant que l’ensemble des sommes d’argent dont Mme W AA a disposé de son vivant par donations entre vifs au profit de ses petits-enfants et arrières petits-enfants (J, K, L et Q C ainsi que M, AG et AF A) pour un montant total de 323.946,56 € constituent des présents d’usage qui échappent à la masse de calcul de l’article 922.

Son décompte montre qu’aux dons retenus par Mme A, elle ajoute les suivants :

  • année 2001 : don aux cinq petits-enfants et à ses arrières petits enfants (N, L, O et J) de la somme totale de 2.507,87 €,
  • année 2003 : don à G A et à P A de la somme totale de 503 €,
  • année 2004 : don de la somme de 380 € à I et AB-AH C, de celle de 405 € à P et G A, et de celle de 305€ à H C,
  • année 2006 : don au profit des petits-enfants et de 4 arrières-petits-enfants (O, Q, J, K C) de la somme totale de 1.725 €,
  • année 2007 : don de la somme de 305 € à chacun des petits-enfants,
  • année 2008 : don de la somme de 305 € à chacun des petits-enfants,
  • année 2009 : don d’une somme totale de 3.110 €, soit 305 € à G A, H C, et AB-AH C, 1090 € à P A et 705 € à I C,
  • année 2010 : don d’une somme totale de 2.580 €, soit 305 € pour G A, P A et AB-AH C, 470 € pour H C, 370 € pour I C, 200 € pour AF A, 400 € pour M et AG A, 75 € pour L C, 45 € pour Q C, et 105 € au total pour J et K C,
  • année 2011 : don à H C de la somme de 1.500 €
  • année 2012 : versement de 200 € à l’occasion de la naissance de Zoé A
  • année 2013 : don à chacun des petits-enfants de la somme de 1.000 €

Pour être qualifié de présent d’usage, et ainsi échapper à la réintégration à la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible, le don doit pouvoir être corrélé à un événement particulier pour lequel il est d’usage de faire un présent, et revêtir un caractère modeste et raisonnable au regard de l’état de fortune du défunt à l’époque de la donation.

La cour observe que les dons litigieux se distinguent significativement par leur montant de ceux que Mme C a ajoutés à son décompte, et ne présentent entre eux, aucune régularité (si l’on combine leur périodicité et leur montant) . Ils ont donc revêtu un caractère exceptionnel.

Mme C prétend qu’ils peuvent être mis en rapport avec des événements particuliers concernant les bénéficiaires (anniversaire, mariage, baptêmes, dépense d’équipement ou d’agrément…) ou la donatrice (l’anniversaire de ses 90 ans).

Parmi les pièces qu’elle produit, seules deux attestations seraient censées en justifier (les tableaux qu’elle a elle-même établis en pièces 10 à 15 ne constituant pas des preuves) :

—  une attestation de Mme H C, selon laquelle 'Plutôt que de nous faire des cadeaux, elle (ma grand-mère) préférait nous donner de l’argent pour que nous en fassions bon usage (suivant les besoins de chaque petit-enfant). Les sommes perçues m’ont permis de faire de très beaux voyages en famille' ;

—  une attestation de Mme I C, qui atteste que 'De grande générosité, à chaque grande occasion (ex. ses 90 ans), elle (W AA) nous faisait des cadeaux. Ainsi, elle m’a offert 10.000 € (en 2008) pour un voyage en Martinique. En 2004 (90 ans), elle m’a donné 15.000 € qui ont servi à acheter ma voiture…'

Or, les dons de 2004, ne sont pas intervenus à une date contemporaine de l’anniversaire de W AA (19 octobre 2004), puisque les chèques de 3.800 € ont été débités de son compte courant mai-juin 2004, et que la donation de 15.783,35 € a été faite par un transfert de titres DIAPAZE FCP les 27 et 28 décembre 2004.

Par ailleurs, les dons en cause n’étaient pas exclusifs d’autres cadeaux d’un montant modique plus conforme à l’usage puisque notamment pour l’année 2008 citée par les deux témoins, les petits-enfants ont reçu une somme de 305 € chacun.

Enfin, les remises à des dates rapprochées à chaque petit-enfant, de sommes toujours équivalentes, démontrent qu’elles n’étaient pas liées à un événement marquant les concernant personnellement (tels mariage, naissance de leurs enfants…), peu important que W AA ait souhaité à cette occasion permettre à l’un ou l’autre d’entre eux, de financer une dépense particulière, tel un voyage, ou un investissement domestique.

Par ailleurs, il n’est pas justifié que Mme W AA ait disposé d’un niveau de patrimoine lui permettant de considérer comme modeste le montant des gratifications en cause, étant rappelé que celles-ci s’apprécient individuellement de sorte que le calcul de la moyenne annuelle du volume global des dons auquel s’est livré Mme C, pour tenter d’établir leur caractère raisonnable, n’est pas pertinent.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme A tendant à voir intégrer à la masse de calcul de l’art. 922 du Code civil, la somme de 309.840 € dont Mme W AA a disposé entre vifs au bénéfice de ses petits-enfants.

Dès lors que le tribunal n’avait pas rejeté la demande formée en ce sens pour 273.130 € au titre des donations faites aux enfants et petits-enfants, l’ayant interprétée comme une demande de rapport, sur laquelle il a ensuite statué, il n’y pas lieu d’infirmer le jugement mais seulement d’y ajouter.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 9 octobre 2019, RG n° 18/28250