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Le 19 mai 2022

 

Selon l’article 1116 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident, que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol est également constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il l’avait connu, l’aurait empêcher de contracter.

Il doit avoir un caractère déterminant du consentement.

La société Advenis critique le jugement déféré en ce qu’il a retenu qu’elle avait trompé les époux X, non seulement sur la nature du bien vendu (nombre de niveaux, superficie totale et éclairage de l’une des chambres), mais aussi sur le coût total de l’investissement à réaliser puisque seul neuf copropriétaires auraient à supporter le coût de l’intégralité des travaux, caractérisant ainsi les man’uvres et la réticence dolosive de la venderesse.

Il résulte des pièces du dossier que l’achat de ce lot de copropriété, proposé par la société Advenis, qui se présente comme marchand de biens, se situait dans le cadre d’une opération globale de réhabilitation d’un immeuble ancien dont le projet comportait 14 lots dans un but de défiscalisation pour les acquéreurs. Le dossier projet comportant le timbre de l’architecte Y comprend un plan projeté de chaque lot, la surface de chaque lot et le descriptif et le coût des travaux projetés par lot. Ces renseignements résultent d’une plaquette publicitaire que la société venderesse ne peut contester avoir remis à ses acquéreurs dans un cadre pré-contractuel.

Par ailleurs, les pièces du dossier établissent parfaitement, contrairement à ce que soutient la société venderesse, que le plan du lot acheté par les époux X, identique à celui compris dans ledit projet, est annexé au compromis de vente du 18 avril 2005, cf page 2: «un plan figuratif des biens, objet des présentes demeurera joint aux présentes après visa des parties'» et paraphé par eux, ce plan, qui constitue la pièce n°2 du dossier des époux X, comporte quatre paraphes.

Or, il résulte du rapport d’expertise que l’appartement vendu ne correspond pas à ce plan, ni à la description faite dans la clause désignation de l’acte authentique du 8 décembre 2005, rappelée in limine en ce qu’à la date de la vente, l’appartement ne disposait pas d’une mezzanine, ne pouvait donc être qualifié de duplex et que sa superficie était de 91,5 m² et non de 113,50 m². En outre, il ne disposait pas de fenêtre dans la chambre 1. Cette dernière modification a été imposée par le refus du premier permis de construire en mai 2006, finalement accordé le 3 octobre 2006.

Par la production de ce document, manifestement inexact, la venderesse a trompé les acquéreurs quant à la consistance de l’appartement vendu, alors qu’elle n’était pas définitive en l’absence d’obtention du permis de construire.

Par ailleurs, il est constant que cet immeuble est situé en zone submersible. Selon l’expert la côte de référence est à 45,70 mètres, or, la cote du rez-de-chaussée de l’immeuble se situe entre 42,84 et 44,07 mètres, donc entre 2,86 m et 1,63 m au dessous de la cote de crue. Il a constaté lors d’un accédit que suite aux fortes précipitations, le 7 novembre 2014, le palier bas de l’escalier était inondé sur 1 mètre environ.

Certes, l’acte de vente rappelle page 10 que l’immeuble est situé en zone submersible A, cependant, il indique un paragraphe plus loin page 11 «''.la DDE, Mme E, chargée en autre de suivre les dossiers de PC en zone inondable m’a confirmé que rien ne s’oppose à l’aménagement du rez-de-chaussée à condition que soit réalisé un niveau refuge…'», de sorte que les acquéreurs pouvaient être rassurés quant à l’aménagement de ce niveau et n’ont pas reçu, contrairement à ce que soutient la venderesse une information complète quant aux conséquences de ce risque sur l’opération.

Or, l’examen du permis de construire accordé le 3 octobre 2006 comporte deux annexes reprises dans ses visas, l’une du service de navigation Rhône Saône, observant que le rez-de-chaussée comprenant des logements à la cote 43,40 mètres, soit en dessous de la crue centennale de 45,70 NGF, et l’autre de la DDE qui rappelle que le projet se situe dans une zone d’aléa fort où les aménagements sont autorisés à condition de ne pas augmenter la vulnérabilité du bâtiment et conclut: «'par conséquent, le permis de construire pourra recevoir une suite favorable à la condition expresse que la sous face des planchers habitables soient au dessus de la côte de référence que vous fournira le service navigation Rhône Saône'».

En l’état de ces éléments qui font partie intégrante du permis de construire et s’imposent, c’est à juste titre que l’expert conclut que vu l’évidence du risque d’inondabilité constaté encore dernièrement, l’aménagement du rez-de-chaussée de cet immeuble en appartements (cinq) apparaît déraisonnable pour la sécurité des biens et de personnes, d’autant qu’aucune occupation en habitation du rez-de-chaussée n’a pu être établie antérieurement et que la constitution d’un local refuge a été abandonnée, cet espace devenant dans le dernier plan une chaufferie sans qu’une solution alternative soit étudiée.

La cour observe que c’est au motif que la vente d’un logement du rez-de-chaussée n’était pas aménageable en logement du fait de la hauteur sous plafond résultant du niveau refuge que par un jugement du 1er juillet 2013, passé en force de chose jugée, le tribunal de grande instance de Nîmes a prononcé la résolution de la vente pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance.

L’impossibilité de fait d’aménagement de cinq logements sur les 14 prévus, nonobstant les termes du permis de construire, modifie complètement la répartition des tantièmes de copropriété et l’économie du projet, s’agissant du coût final de l’opération pour les copropriétaires.

C’est de façon manifestement précipitée, quelques mois après l’achat de l’immeuble, sans disposer de toutes les caractéristiques du bien vendu et de ses contraintes au regard des règles d’urbanisme que la venderesse a fait signer les actes de vente, avant même l’obtention du permis de construire, sans informer complètement les acquéreurs, alors qu’elle n’ignorait pas l’objectif de l’opération.

La conjonction de ces actes, production d’un plan erroné, information incomplète quant à la faisabilité de l’opération, présentation d’un projet global laissant penser que l’opération était aboutie permettant sans difficulté d’atteindre l’objectif de défiscalisation poursuivi, précipitation dans la signature des actes de vente, alors que la fiabilité de l’opération n’était pas acquise, caractérisent ainsi que l’a retenu le premier juge, les man’uvres et la réticence dolosives de la venderesse, professionnelle de l’immobilier, déterminantes du consentement des acquéreurs.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de l’acte de vente.

Référence: 

- Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 20 janvier 2022, RG n° 20/00013