L’acquéreur d’un bien immobilier peut rechercher la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur sur le fondement des dispositions de l’art. 1382 devenu 1240 du Code civil, s’il démontre que ce dernier a manqué à ses obligations contractuelles découlant de la mission de contrôle confiée par le vendeur du bien.
La société Allo Diagnostic a effectué un premier diagnostic de l’état parasitaire de l’immeuble, daté du 24 mars 2014, et a conclu que "des traces de petites vrillettes sont visibles sur les éléments de charpente des dépendances à certains endroits".
Tout l’immeuble n’ayant pas été visité par le diagnostiqueur, il lui a été demandé un second état parasitaire qu’il a établi le 16 mai 2014 après la visite des combles au deuxième étage.
Le rapport du 24 mars 2014 est annexé à l’acte de vente notarié et ses conclusions sont rappelées page 21 de cet acte.
L’acte de vente mentionne, page 24, que le vendeur a fait établir par Allo Diagnostic le 16 mai 2014, un diagnostic dont il résulte que "des éléments semblent dégradés en profondeur. Il serait prudent d’en faire vérifier la résistance mécanique par un homme de l’art" et qu’il est joint à l’acte de vente la copie d’un email du 18 juillet 2014 de l’entreprise I "mentionnant que M. I m’a affirmé que la charpente était en mauvais état".
D’abord, la société Allo Diagnostic est mal fondée à prétendre s’exonérer de sa responsabilité en invoquant qu’en toute hypothèse, les consorts X étaient informés par l’acte de vente du mauvais état de la charpente et de la nécessité de procéder à des travaux réparatoires, l’origine et la cause des dégradations étant selon elle indifférentes, alors que les indications de l’extrait du second diagnostic reproduit dans l’acte de vente sont sommaires et vagues au sujet de l’état de la charpente et inexistantes sur la nature et l’étendue des travaux à envisager.
Surtout, la société Allo Diagnostic était seule chargée d’informer les vendeurs et acquéreurs sur l’état de la charpente et son infestation parasitaire, laquelle est seule à l’origine de la mise en péril de la structure et de la nécessité de démolir et reconstruire la partie supérieure de l’immeuble.
Et, contrairement à ce qu’elle allègue, la société Allo Diagnostic n’a pas rempli sa mission et n’a pas dégagé sa responsabilité en se contentant dans le rapport du 24 mars 2014, seul annexé à l’acte de vente, de ne faire état que des dépendances et de traces de vrillettes, puis d’indiquer dans le second rapport que des éléments semblent dégradés en profondeur, en conseillant de se rapprocher d’une autre entreprise, alors qu’en sa qualité de professionnel certifié en matière d’état parasitaire il lui incombait de procéder avec vigilance et rigueur au diagnostic.
L’expert a constaté que la totalité de la charpente est lourdement contaminée et dégradée par les capricornes, insectes xylophages, et que le remplacement de la charpente est la seule solution réparatoire.
Il considère qu’aucun professionnel du diagnostic parasitaire ne pouvait ignorer la présence des trous de sorties des capricornes visibles dans les éléments de charpente accessibles au premier étage, sans nécessité de démontage ni sondage.
Il constate que le diagnostic du 20 mars 2014 ne mentionne que des traces de vrillettes dans la charpente des bâtiments annexes mais ne mentionne pas la contamination visible d’une solive du plancher haut du sous-sol, ni la contamination ancienne des dormants de charpente visible au premier étage.
S’agissant du second rapport de mai 2014, l’expert constate qu’il n’est pas établi selon la norme NFP-03200 pour relater la visite, qu’il indique ' partie d’ouvrage non visitée: néant’ mais précise ensuite en petits caractères ' l’ensemble des combles n’a pu être visité'.
L’expert conclut que le second rapport ne relate pas la réalité de la situation visible, et n’indique pas du tout la contamination très importante de capricornes, de telle sorte qu’il n’était pas de nature à informer les acquéreurs.
L’expert n’a relevé aucune trace de poinçonnage alors que les normes prévoient que les zones suspectes doivent être sondées par le diagnostiqueur à l’aide d’un poinçon, et que cette technique de sondage non destructif aurait permis de déceler les dégâts causés par les capricornes.
Il est à noter que le rapport de la société Allo Diagnostic indique pourtant que le bien par elle visité est situé dans une région particulièrement concernée par les problèmes liés aux capricornes.
Il est ainsi établi que la société Allo Diagnostic, en ne procédant pas aux investigations conformément aux normes en la matière et aux règles de l’art et en réalisant un diagnostic erroné a commis une faute présentant un lien de causalité direct avec le préjudice des consorts X qui ont été privés d’une information essentielle sur l’état parasitaire du bien immobilier par eux acquis et ont été contraints de réaliser, pour sauver la structure de l’immeuble, d’importants, nécessaires et coûteux travaux non prévisibles par eux au moment de la signature de l’acte de vente.
Peu important l’espèce de parasite non décelée par le diagnostiqueur, les préjudices résultant de ce diagnostic mal exécuté et erroné ont donc un caractère certain et ne constituent pas une perte de chance, laquelle ne peut résulter que d’un événement futur et incertain.
C’est à juste titre que le tribunal a considéré que la société Allo Diagnostic doit être condamnée à indemniser intégralement les consorts X des travaux rendus nécessaires par l’état d’infestation parasitaire.
- Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 26 février 2020, RG n° 17/01596