Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 08 octobre 2020

 

Seuls sont susceptibles d’acquisition par trente ans d’usage continu l’assiette et le mode d’exercice d’un droit de passage mais non le droit de passage lui-même qui ne peut s’acquérir que par titre conventionnel, par l’effet de la loi (état d’enclave) ou par caractérisation d’une servitude par destination du père de famille.

Mme Y reconnaissant ne pas disposer d’un titre conventionnel de servitude, le litige est circonscrit, compte-tenu des moyens de droit invoqués par l’intéressée, à titre principal, à la caractérisation d’un éventuel état d’enclave de son fonds et, subsidiairement, à la caractérisation d’une éventuelle servitude de passage par destination du père de famille.

Aux termes de l’article 682 du Code Civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnelle au dommage qu’il peut occasionner.

Par ailleurs, l’article 684 du Code civil dispose que si l’enclave résulte de la division d’un fonds par suite d’une vente, d’un échange, d’un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l’objet de ces actes.

Il est en l’espèce constant:

—  que le fonds Y   –  qui confronte sur sa façade nord-ouest la voie publique (boulevard de l’Empereur) sur une longueur de 21,25 mètres  –  ne dispose et n’a jamais disposé, sur cette façade, d’aucun accès direct à la voie publique dont il est séparé par un talus pentu de 3 mètres de haut,

—  et que sa desserte est assurée par l’utilisation d’un chemin privé aménagé par M. X sur la partie ouest, contiguë, de la parcelle 157 dont les parties sont contraires sur la date (antérieure ou non à la cession du 30 mai 1967) de création.

Si un simple souci de commodité ou de convenance ne permet pas de caractériser l’insuffisance de l’issue sur la voie publique et si une simple tolérance de la part du propriétaire du fonds sur lequel est exercé le passage n’est créatrice d’aucun droit au profit de son bénéficiaire, un fonds riverain de la voie publique mais qui n’est susceptible d’y accéder qu’au prix de travaux d’aménagement dont le coût est hors de proportion avec sa valeur peut être jugé enclavé.

Par ailleurs, le premier juge a exactement considéré qu’il ne peut être reproché aux propriétaires de la parcelle 156 de ne pas avoir fait réaliser les travaux d’aménagement d’accès à leur fonds au moment de la construction de leur habitation (courant 1967), en considérant exactement qu’aucun élément du dossier n’apporte la preuve qu’un accès direct sur le boulevard de l’Empereur ait été prévu lors de la demande de permis de construire et encore moins qu’il ait conditionné l’obtention de ce permis, désormais définitif.

Un fonds riverain de la voie publique mais qui n’est susceptible d’y accéder qu’au prix de travaux d’aménagement dont le coût est hors de proportion avec la valeur du fonds et/ou que ses propriétaires ne peuvent imposer à l’administration peut être jugé enclavé.

En l’espèce, Mme X ne rapporte la preuve ni de la faisabilité technique de l’aménagement d’un accès direct de la parcelle 156 à la voie publique sans porter atteinte à la pérennité du bâti existant, compte-tenu de la configuration même des lieux (faible distance et déclivité entre la construction et la route, nécessitant des travaux de terrassement, confortement hors de proportion avec la valeur du fonds et l’utilité qui peut en être retirée) ni de sa conformité avec la réglementation locale d’urbanisme en termes de création d’accès privatif sur une voie publique (route à grande circulation, sinueuse, en pente et dévers, dont la dangerosité est établie par la mise en place de plots séparatifs de voies de circulation au droit même de la parcelle 156.

En considération de ces éléments et sans qu’il soit nécessaire de recourir à une mesure d’instruction, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un état d’enclave de la parcelle AE 156 et débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes.

S’agissant de la détermination de l’assiette du passage, il convient par application, tant de la prescription trentenaire dont Mme Y justifie depuis 1967 (attestations concordantes, précises et détaillées établies par les consorts Z, A, Valverde, Taillebres, B, I J, que de l’article 684 du Code Civil dont les dispositions ont ci-dessus été rappelées, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le passage nécessaire à la desserte du fonds Y (parcelle AE 156) s’exercera sur l’assiette du chemin existant sur le fonds X (parcelle AE 157).

L’équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme X à payer à Mme Y, en application de l’article 700 du C.P.C., la somme de 1.500 EUR au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et de lui allouer une indemnité complémentaire de 1. 500 EUR au titre des frais par elle exposés en cause d’appel.

Mme X est condamnée aux entiers dépens d’appel et de première instance, étant considéré que les frais d’établissement de constat d’huissier de justice non désigné à cet effet par décision de justice ne constituent pas des dépens au sens de l’article 695 du C.P.C. et sont pris en compte dans la fixation de l’indemnité de procédure allouée à l’intimée.

Référence: 

- Cour d'appel de Pau, 1re chambre, 29 septembre 2020, RG n° 17/01877