Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture (art. 3 de la loi du 15 novembre 1887).
Il peut charger une ou deux personnes de veiller à l'exécution de ses dispositions.
Sa volonté, exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation.
Cette disposition, qui prévoit la liberté de chacun de déterminer les conditions de ses funérailles par testament ou par une déclaration faite en la forme testamentaire, implique que, même en l'absence d'un tel document, les volontés exprimées par le défunt doivent être respectées.
A défaut, lorsque le défunt majeur ou le mineur émancipé en état de tester n'a pas exprimé d'intentions à ce sujet, il appartient à ses proches de régler ses funérailles et sa sépulture par interprétation de sa volonté présumée.
En cas de contestation, il revient au juge du fond de déterminer la personne la mieux qualifiée pour transmettre les intentions du défunt et décider des modalités de ses funérailles.
Les débats à l'audience ont mis en évidence les difficultés personnelles de Dzomy D qui vivait en dernier lieu dans des conditions particulièrement précaires et insalubres, en raison notamment d'un alcoolisme sévère, d'un état de santé très dégradé après un cancer du pancréas dont il a été opéré en 2010 et de ses faibles ressources en l'absence d'activité professionnelle, étant précisé qu'il était sous curatelle, la mesure étant exercée par une personne extérieure à la famille. Les déclarations des enfants du défunt ont montré également que chacun avait entretenu, pendant certaines périodes, des relations avec leur père, malgré parfois de longues interruptions, dans le contexte notamment d'une séparation conflictuelle de leurs parents s'agissant de Mme Cléo D et M. Angie D, et des difficultés éprouvées par les enfants à entretenir des relations apaisées avec leur père, en raison notamment de la personnalité de celui-ci et de son mode de vie. Aucun des enfants n'a revu son père dans les jours précédant son décès, survenu brutalement le 7 août 2018 à la suite d'un choc septique.
M. Faabom D, Mme Cléo D et M. Angie D s'accordent, malgré leurs dissensions, sur le fait que leur père était fier de ses origines camerounaises, bien que vivant en France depuis de longues années et n'étant pas revenu au Cameroun en raison de ses difficultés personnelles et du conflit existant avec sa famille relatif à l'organisation de la cérémonie funéraire traditionnelle pour son père, enterré au Cameroun.
Il est constant que Dzomy D n'a laissé aucune directive écrite quant à l'organisation de ses funérailles.
M. Faabom D. qui reconnaît que son père ne lui a jamais fait part directement de ses volontés s'agissant du lieu de son enterrement, évoque le fait qu'il parlait du 'Père L.' sans autre précision et se prévaut de deux attestations établies par MM. Dominique et Paul G, qui certifient que Dzomy D, voisin de M. Paul G, leur a fait régulièrement part depuis 2012 de son souhait d'être enterré à Paris, au cimetière du Père L.
Cependant, ses seuls témoignages, rédigés en termes laconiques et identiques, étant relevé que MM. G ne donnent aucune précision sur la nature des relations qu'ils entretenaient avec Dzomy D et les circonstances dans lesquelles ce dernier leur aurait tenu les propos rapportés, ne permettent pas de retenir qu'ils sont de nature à transmettre la volonté du défunt quant au lieu de ses funérailles.
En tout état de cause, pour rechercher la volonté présumée de Dzomy D à cet égard, il importe de se référer au propos tenus et comportements de ce dernier manifestés à l'égard de ses proches, en l'occurrence de ses enfants, par préférence aux propos tenus à l'égard de tiers dont la proximité réelle avec le défunt n'est au surplus pas établie.
Or, outre que les trois enfants de Dzomy D présents à l'audience ont tous souligné la fierté de ce dernier d'appartenir à l'ethnie Bamiléké, M. Angie D allègue sans être démenti que son père lui a fait part en 2014, à une époque où il le voyait très régulièrement, de son souhait d'être enterré au Cameroun. Il ressort également des débats que Mme Cléo D, qui a été la plus proche du défunt dans une période récente, après avoir renoué des relations régulières avec son père début 2017, a pris contact avec sa famille paternelle au Cameroun, où elle s'est rendue, en octobre 2017. Elle précise que si son père n'a pas exprimé devant elle ses volontés quant au lieu de ses funérailles, elle a pu mesurer son attachement aux traditions Bamiléké, son père lui ayant fait part de son souhait d'organiser dans l'avenir la cérémonie de son père au Cameroun selon la tradition. Sur ce point les appelants versent aux débats une lettre datée du 21 août 2018 émanant de M. André B, frère du défunt, domicilié au Cameroun, qui souligne l'importance de la cérémonie traditionnelle des funérailles au Cameroun, qu'il avait pris la décision avec son frère Dzomy de remettre la cérémonie à plus tard lorsque leurs enfants seraient majeurs pour qu'ils puissent y prendre part activement et que Dzomy lui a dit il y a quatre mois au téléphone : "André nous allons organiser de très grandes funérailles pour nos parents". M. Angie D et Mme Cléo D produisent également des feuillets sur lesquels sont écrits de la main de leur père des contes traditionnels.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir, au regard de l'attachement profond de Dzomy D à sa culture d'origine, que sa volonté présumée était d'être inhumé au Cameroun.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 1, chambre 1, 24 août 2018, RG N° 18/19223