Aux termes de l'art. 30 1° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, les actes et décisions judiciaires soumises à publicité par application du premièrement de l'art. 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumises à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques.
Dans l'affaire en référence, deux acquéreurs successifs prétendent avoir acquis le même bien immobilier des mêmes auteurs : les premiers ont accepté le 6 mars 2013 l'offre de vente transmise par l'agent immobilier mandaté par les vendeurs ; les seconds ont conclu une promesse de vente par acte authentique du 4 avril 2013 et la promesse a été publiée au service de la publicité foncièe le 6 août 2013. Il résulte de cette seule constatation que le contrat de vente que les premiers acheteurs prétendent démontrer, en tentant d'apporter la preuve d'un accord de volonté réalisé le 6 mars 2013, serait inopposable aux seconds acheteurs dont le titre a été publié en premier. De plus, aucun échange de consentements n'a eu lieu avec les premiers acheteurs. En effet, le mandat de vente ne confère à l'agent immobilier qu'une mission d'entremise, sans pouvoir de conclure la vente au nom des vendeurs, de sorte que l'offre d'achat par les acheteurs, non acceptée par les vendeurs, n'a aucun effet. Les premiers acheteurs doivent donc être déboutés de leur demande de réitération forcée de la vente.
Les premiers acheteurs, en introduisant par exploit du 12 avril 2013, par stratégie de pression, une action judiciaire hasardeuse dont ils sont aujourd'hui définitivement déboutés, bien qu'exerçant le droit légitime d'ester en justice, ont commis une faute. Leur faute a également consisté à maintenir cette procédure à l'encontre des vendeurs et autres acquéreurs, malgré les moyens de défense qui leur ont été opposés, et l'intervention des seconds acheteurs par laquelle ils ont été informés de l'existence d'une vente déjà publiée. La situation de risque et de forte insécurité juridique, résultant de l'action judiciaire introduite, a causé aux vendeurs et aux seconds acheteurs un préjudice moral et un préjudice par perte de chance de pouvoir aboutir sans difficultés et rapidement au terme du processus contractuel. Ces préjudices seront intégralement réparés par l'allocation de 8000 euros à titre de dommages-intérêts pour chacun des deux vendeurs et pour chacun des deux acheteurs
Extrait littéral :
C'est pourquoi, la réitération d'une offre d'achat par message électronique de M. Sébastien D. du 6 mars 2013 à 12h20, ou l'acte de sommation interpellative, signifié le 6 mars 2013 à l'agence immobilière à la requête de Mme Aurore D., se rapportant à cette offre d'achat, n'ont pas eu pour effet d'opérer la rencontre des volontés de ces derniers avec les consorts U., ces derniers n'étant même pas immédiatement informés de leur offre d'achat.
De plus, les consorts U. n'ont jamais exprimé la volonté de vendre le bien litigieux aux époux D., ayant accepté la proposition d'achat des époux P., la vente conclue entre eux ayant fait l'objet d'un acte authentique publié.
Il en résulte que les époux D. ne rapportant pas la preuve de l'existence d'un contrat de vente immobilière, ne sont pas fondés en leur demande de réitération d'un acte authentique, en vue de sa publication.
- Cour d'appel de Chambéry, Chambre civile, section 1, 31 mai 2016, RG N° 14/02316