L’art. 953 du Code civil dispose que la donation entre vifs ne peut être révoquée sauf pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d’ingratitude ou pour cause de survenance d’enfants.
Aux termes de l’art. 955 du Code civil, fondement choisi par M. Y pour voir révoquer la donation consentie, "la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude que dans les cas suivants : si le donataire a attenté à la vie du donateur, s’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ou s’il lui refuse des aliments."
Au soutien de son appel, M. Y affirme que Mme X a commis à son encontre des sévices et injures graves pouvant justifier la révocation de la donation qu’il lui a consentie, invoquant tour à tour la menace d’expulsion de son domicile dont il a fait l’objet de la part de l’intimée, les traitements indignes dont il a souffert en présence de tiers, le harcèlement moral et les divers actes de violence physique dont il prétend avoir été victime.
S’agissant de la menace d’expulsion, l’appelant fait référence à un courrier du 30 avril 2013 que lui a fait parvenir l’intimée dans lequel, lui reprochant "son comportement devenu d’une grande violence", affirmant 'craindre désormais pour sa vie', Mme X lui demande de quitter la maison qu’ils occupent alors tous les deux, sur laquelle elle bénéficie d’un droit d’usage et d’habitation en vertu de la donation en litige.
Le seul envoi d’un écrit demandant à son compagnon de quitter l’immeuble ayant abrité leur vie commune, ne peut en soi constituer un comportement injurieux alors que Mme X bénéficiait sur ce bien d’un droit d’usage et d’habitation qui, en vertu de l’acte qui l’a établi, lui était personnel. En l’absence de toute autre stipulation sur les conditions de ce droit d’usage, sauf les termes habituels de bon usage des lieux, le constituant, M. Y, ne pouvait imposer sa présence dans les lieux et le lui dire ne peut être constitutif d’un abus ou d’une injure puisqu’il ne s’agit que de rappeler les obligations nées du droit d’usage accordé.
D’autre part, cet envoi s’inscrit dans un contexte de rupture affective puisqu’il fait suite à la signification à Mme X le 25 septembre 2012 de la rupture unilatérale par M. Y du pacte civil de solidarité conclu trois ans ans plus tôt. Cette rupture n’a cependant pas entraîné la fin de la vie commune, puisque ce dernier est resté dans les lieux, et encore à ce jour, alors même que plusieurs pièces produites par l’intimée démontrent que la relation du couple s’était fortement dégradée. En effet, ce n’est pas moins de quatre mains courantes et plaintes que Mme X va déposer au commissariat du Bouscat entre janvier et mars 2013, pour dénoncer les violences dont elle s’est dit victime de la part de M. Y au cours d’altercations qui devenaient récurrentes. Elle produit notamment en preuve des faits dénoncés, un certificat médical du 4 janvier 2013 faisant état de rougeurs sur le bras et la pommette et d’une ecchymose au niveau du cou.
Par suite, loin de constituer une injure, demander à M. Y de partir était une mesure d’apaisement dans un contexte de séparation difficile. De fait, c’est elle qui partira en février 2014, ne supportant plus "les violences répétées" et le 'lourd climat de la maison', ainsi qu’elle l’a écrit à l’appelant le 8 février 2014.
S’agissant des brimades et autre harcèlement dont il dit avoir été victime, M. Y produit des attestations qui accablent l’intimée, la décrivant comme provocatrice, tenant des propos vulgaires ou injurieux pour le pousser à bout et des pièces médicales faisant état de séquelles de violences et d’une santé fragilisée. C’est ainsi que frappé au visage, il aurait été blessé à la lèvre et eu deux dents cassées au cours d’une altercation le 4 janvier 2014.
Mme X ne conteste pas ce reproche mais le rapproche cependant des faits dont elle a souffert le même jour et qui ont fait l’objet de sa propre plainte pour violences.
Au regard des pièces ainsi produites par chacune des parties, c’est avec justesse, par des motifs que la cour fait siens, que les premiers juges ont pu affirmer qu’il n’était pas établi que la responsabilité de la mésentente soit uniquement imputable à Mme X et qu’il n’était pas non plus acquis que l’appelant ait eu un comportement exempt de tout reproche.
Ainsi, outre les plaintes déposées déjà évoquées, au cours desquelles les enquêteurs ont pu relever sur la personne de Mme X les stigmates de la violence des disputes, l’intimée verse aux débats des pièces relatant ses consultations régulières chez un psychiatre depuis 2013 traduisant un état anxio dépressif réactionnel, confirmé par un certificat médical faisant état de son importante perte de poids, 13 kg, depuis l’année 2013 qui ne fait que traduire un profond désarroi.
A ce jour, on ignore le motif exact de la rupture du PACS par l’appelant. Il n’est cependant pas établi qu’il serait dû à un comportement indigne de la part de Mme X avant la signification fin 2012 par M. Y qu’il entendait mettre fin, seul, au pacte civil les ayant unis. Il est à cet égard remarquable de relever que dans leur majorité, l’ensemble des attestations ou des certificats médicaux, font état de situations postérieures à la rupture voulue par l’appelant (attestation des époux Z).
Il est tout autant significatif de lire les attestations produites par Mme X, particulièrement celles de Mme A, ancienne employée de maison du couple, et de Mme B, amie du couple, qui toutes deux, loin de décrire M. Y comme un homme abattu, victime des sarcasmes ou brimades d’une compagne ingrate, dépeignent l’appelant comme ironique, moqueur et désobligeant à l’égard de celle qui fut sa compagne.
Par suite, alors qu’en application de l’art. 955 du Code civil, l’indignité reprochée au donataire doit revêtir une gravité suffisante pour justifier la révocation de la donation, M. Y échoue dans la démonstration d’un comportement de Mme X qui aurait porté atteinte à son honneur ou son intégrité. Les faits tels que décrits ne sont que l’illustration du contexte conflictuel d’une rupture affective douloureuse sans que ne puisse être retenue à l’encontre de l’intimée sa responsabilité exclusive.
En conséquence, le jugement qui a débouté M. C Y de sa demande de révocation de la donation consentie à Mme X est confirmé.
- Cour d'appel de Bordeaux, 2e chambre civile, 12 septembre 2019, RG n° 16/04638