La société locataire conclut à la nullité de l'offre de vente émise par l'association le 19 octobre 2018 et dont elle a accusé réception le 23 octobre suivant. Elle soutient que l'association aurait dû notifier son offre de vente avant la signature du mandat de vente à la société IMMOPOLIS en date du 3 mars 2018, d'autant qu'elle bénéficiait d'un avis de valeur en date du 8 février précédent, que la notification doit être antérieure à toutenégociation avec un tiers et avant tout mandat de vente. Elle soutient également, que cette notification doit avoir lieu avant tout avant-contrat ; que la bailleresse ne pouvait signer une promesse unilatérale de vente le 9 novembre 2018. Elle conclut en outre que la notification a été faite à un prix dissuasif, la privant de toute faculté d'achat. Elle sollicite une mesure d'expertise judiciaire afin de déterminer le prix du bien compte tenu de l'importance des divergences de résultats selon la méthode de chiffrage.
L'association conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la régularité de la procédure suivie.
L'article L145-46-1 du Code de commerce dispose que :'Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si à l'expiration de ce délai , la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque. (...)'.
Bien que l'association qualifie de droit préemption, le droit consenti par ce texte au preneur, il s'agit en fait d'un droit de préférence, ainsi que l'a précisé le jugement entrepris.
La cour relève que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le bailleur étant tenu, dans sa notification au preneur d'indiquer le prix et les conditions de vente qui l'engagent, la vente se faisant à ce prix, le bailleur pouvait entamer des démarches aux fins de commercialisation de son bien, afin de déterminer sa valeur et de vérifier l'existence d'un marché ; que le seul fait que le prix proposé paraisse excessif au regard des prix du marché, ne peut suffire à constituer un motif de nullité, sauf fraude caractérisée ; que le seul fait que l'offre de vente mentionne en sus du prix principal, le coût des honoraires de l'agent immobilier, sans introduire de confusion dans l'esprit de l'acquéreur, alors qu'ils ne sont pas dus, n'est pas une cause de nullité de l'offre de vente.
L'association qui a été envoyée en possession de son legs comprenant l'immeuble litigieux, par ordonnance en date du 11 juillet 2017 du président du tribunal de grande instance de Paris, n'ayant pas vocation à conserver ce bien dans son patrimoine, a pu après avoir demandé un avis de valeur à la société IMMOPOLIS, lui confier un mandat de vente le 3 mars 2018, puis faire procéder à des visites du bien. Le fait qu'elle ait conclu le 8 novembre 2018, une promesse unilatérale de vente, sous réserve du droit de préférence du preneur, n'invalide pas la notification de l'offre de vente à laquelle elle a procédé le 24 octobre précédent, la promesse unilatérale de vente ne valant pas vente, et la notification ayant dans ces conditions, été faite préalablement à la vente.
Contrairement à ce que soutient le preneur, le prix proposé de 5.050.000 euros, n'apparaît pas frauduleux en soi, puisqu'il est inférieur à l'avis de valeur de la société DANIEL F. qui estime le bien à 6.500.000 euros et à celui de la société IMMOPOLIS qui l'estime à une somme comprise entre 5.500.000 et 6.000.000 euros. Le cabinet R., mandaté par la société locataire aux fins de donner une estimation de la valeur du bien indique que la valorisation du bien peut s'effectuer en prenant en compte la valeur locative à laquelle est appliquée un taux de rendement, lequel varie entre 2,5 et 7% et préconise compte tenu du bon emplacement, du bon état d'entretien, d'une architecture typique de la fin du XIXe dont les touristes asiatiques sont épris, de la taille réduite de l'établissement, qui en limite le développement, mais également le risque immobilier, de retenir un taux en bas de la fourchette. Certes, les conclusions de l'expert judiciaire Roux, désigné par le juge des loyers aux fins de déterminer la valeur locative du bien dans le cadre de la procédure de renouvellement du bail, en ce qu'elles proposent de fixer à 150.000 euros la valeur locative du bien, sont contestées par la société locataire, mais elles permettent de constater, selon la méthode préconisée par l'expert R., que le prix proposé dans la notification n'est pas complètement fantaisiste et sans corrélation avec le prix du marché puisqu'un taux de rendement de 3%, situé comme le propose l'expert R. en bas de la fourchette des taux de rendement, appliqué à une valeur locative de 150.000 euros, conduit à une valorisation du bien à la somme de 5.000.000 euros.
Dans ces conditions, il n'y pas lieu de faire droit à la demande d'expertise sollicitée par le preneur, quand bien même propose-il des évaluations du bien à des montants bien inférieurs, la cour possédant suffisamment d'éléments pour apprécier le caractère non frauduleux du prix de vente proposé.
Ainsi que l'ont fait observer les premiers juges, si la vente devait finalement se réaliser pour un prix inférieur, le bailleur devrait procéder à une seconde notification, la purge du droit de préférence du preneur n'est donc pas définitive .
Le jugement devra en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que l'association a régulièrement signifié à la société locataire le 24 octobre 2018 une offre de vente de l'immeuble à elle loué selon bail renouvelé du 16 mai 2006 et que cette offre n'a pas été acceptée par le preneur et rejeté notamment la demande de l'association tendant à voir juger que le droit de préemption du preneur est définitivement purgé.
- Cour d'appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 27 mai 2020, RG n° 19/09638