M. et Mme X étaient propriétaires d’un ensemble immobilier, voisin de la propriété de M. C.
M. et Mme Z ont passé un compromis de vente portant sur la propriété de M. et Mme X à la condition que le fonds des époux C leur soit également cédé.
L’accord a fait l’objet d’un acte Z-X, conclu le 29 septembre 2011 au prix de 1'050'000 EUR avec la condition particulière suivante :
« la réalisation des présentes est également soumise à la condition d’achat par l’acquéreur concomitamment de la propriété appartenant à M. C…. Il est expressément convenu entre les parties que si l’acquisition dudit bien ne peut se conclure en même temps que les présentes, la présente convention sera considérée comme nulle et non avenue ».
La vente a été notifiée à la Safer qui n’a pas exercé son droit de préemption sur ce bien.
M. C a, de son côté, vendu, à cette même date, aux époux Z sa propriété au prix de 485 .000 EUR avec la même condition que ces derniers puissent acquérir la propriété X de manière concomitante.
La Safer a cependant fait connaître son intention d’exercer son droit de préemption dans la vente C-Z et elle l’a effectivement exercé le 12 janvier 2012 .
La cession dans ce cadre à la Safer a eu lieu le 13 avril 2012.
Celle-ci a ensuite revendu le bien, le 26 juillet 2012, à M. B, oléiculteur qui disposait d’une exploitation agricole contiguë à la propriété C et qui exploitait et entretenait les oliviers de M. C et ceux des époux X .
M. et Mme X ont, enfin, cédé leur propriété le 26 septembre 2013 à Mme D, mais à un prix inférieur à celui prévu dans le cadre de la vente à M. et Mme Z.
Dans le jugement attaqué, le tribunal a considéré que l’action de M. et Mme X avait un fondement délictuel et il a retenu que la non réalisation concomitante de la vente qui avait été prévue dans les relations contractuelles des parties ne pouvait être considérée comme génératrice d’un préjudice puisque M. et Mme X, qui avaient admis l’insertion à leur acte de la clause prévoyant que la cession ne pourrait intervenir si l’autre vente ne se faisait pas, avaient ainsi consenti à la réalisation de cette hypothèse en en réglant les conséquences ; que par suite, la non réalisation de la vente ne pouvait pas générer un préjudice susceptible d’être revendiqué et que la différence de prix de vente entre l’acte de 2011 et l’acte passé deux ans plus tard ne caractérisait pas un préjudice ; que le préjudice moral n’était pas démontré ; qu’il n’était pas non plus établi en quoi l’exercice du droit de préemption avait dévalorisé le bien de M. et Mme X ; que la preuve du caractère fautif de l’exercice du droit de préemption prévu par des dispositions d’ordre public n’était pas apportée et qu’ il n’était pas plus démontré une éventuelle collusion entre la Safer et M. B.
Appel a été relevé.
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Les époux X reprochent à la Safer de n’avoir préempté que le bien objet de la vente X alors qu’aux termes des stipulations de l’acte, cette vente était indivisible de celle faite par ailleurs par M. C aux époux Z.
La Safer fait valoir que la situation dont les époux X se plaignent comme résultant de cette prétendue faute est la conséquence de la clause insérée à chacun des actes de vente, prévoyant la nullité de l’acte en cas de non acquisition par M et Mme Z de la parcelle contiguë à celle concernée par la vente, clause qu’ils ont acceptée, ce qui leur interdit de se prévaloir d’un quelconque préjudice du fait de l’exercice de la préemption faisant obstacle à la réalisation de cette condition.
Il est certain qu’avec cette clause les époux X avaient prévu et admis que l’échec de la vente C-Z compromette la leur.
Il sera par ailleurs relevé :
- d’une part, que peu importe que cette condition insérée à l’acte relativement à la passation des deux ventes soit analysée comme une condition résolutoire ou suspensive dès lors que la demande, seule ici retenue, est une demande indemnitaire contre la Safer et non une demande de nullité, résolution ou caducité de l’acte de vente ;
- d’autre part, sur le moyen tiré de ce que les clauses insérées dans les deux actes rendaient les deux ventes indivisibles et de ce que la Safer aurait commis une faute en passant outre et en ne préemptant qu’un seul des deux biens, que l’article L 421-8 du code rural stipule, sur renvoi de l’article L 143-8, que le notaire chargé de la vente doit faire connaître aux bénéficiaires du droit de préemption les charges, conditions et modalités de la vente ainsi que le nom et domicile de l’acquéreur, que cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui sont convenus ; qu’il en résulte que la Safer ne se doit de respecter que les conditions mentionnées dans la DIA, à savoir, le prix et les conditions de la vente y spécifiées et qu’en l’espèce, la DIA dont la régularité n’est pas et n’a pas été critiquée, n’a précisément pas mentionné l’existence de la clause invoquée par les appelants ;
Dès lors aucune faute ne peut être reprochée à la Safer de ce chef.
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 8 juillet 2020, RG n° 18/04452