Partager cette actualité
Le 27 mai 2004
Avec la baisse de limpôt sur le revenu et la mise en place du bouclier fiscal, applicables dès le 1er janvier 2007, la loi fiscale apporte également des innovations en matière de succession. Et cette loi de finances rectificative pour 2006 concerne tant les foyers français que les entreprises. En effet, le législateur fiscal permet de concrétiser les avancées juridiques du droit civil, notamment celles annoncées par la réforme du droit des successions par la loi du 23 juin 2006. Ainsi, il est désormais possible dopérer des donations à lintérieur des familles recomposées, les grands-parents peuvent faire hériter directement leurs petits enfants, et les familles ont la possibilité de signer un "pacte successoral". Ces donations-partages trans-générationnelles sont autorisées par la loi sur les successions aux articles 1075 et suivants du Code civil, et la loi de finances rectificative pour 2006 les dote dun régime fiscal adapté. Ladhésion de lenfant de la génération intermédiaire à la transmission directe de laïeul au petit-enfant, ne sera pas fiscalement assimilée à une donation indirecte entre lui-même et ses propres enfants, et ainsi, il ny aura pas fiscalement, deux mutations taxables, mais une seule. Et chaque petit-enfant bénéficiera dun abattement de 30.000 euros et sera taxé selon le tarif applicable en ligne directe. Le législateur a également clarifié le régime des donations-partages au sein des familles recomposées, en inscrivant dans le Code général des impôts que la donation par un parent à un enfant de premier lit des biens dune seconde communauté sera taxée au tarif en ligne directe et que lautre conjoint qui donne son consentement ne se porte pas co-donateur. Concernant les transmissions dentreprises, jusquà présent, le droit français interdisait les pactes sur succession future, le Code civil prohibant en son ancien article 1130 de renoncer par avance à son héritage pour avantager autrui. Mais la loi du 23 juin 2006 a ajouté à cet article ainsi quà larticle 720, la mention "dans les conditions prévues par la loi". Dorénavant, la renonciation et la stipulation sur une succession non ouverte, dont la prohibition était dordre public, est possible dans les cas et conditions prévus par la loi. Et le texte prévoit donc quavec laccord de toutes les parties, il est possible dorganiser la succession afin davantager un des enfants ou de transmettre directement ses biens à ses petits-enfants. Cet acte constitue une renonciation à exercer laction en réduction à lencontre dune libéralité excessive (portant atteinte à la réserve), anciennement condamnée par la jurisprudence, comme constituant un pacte sur succession future, alors prohibé. Mais désormais, la donation par un dirigeant de son entreprise à un salarié, est possible avec laccord de ses héritiers réservataires ne désirant pas prendre sa succession. Et si cette donation excède la quotité disponible et porte atteinte à la réserve des héritiers, ils pourront valablement renoncer à leur action en réduction. Fiscalement, cette renonciation ne constituera pas une donation indirecte taxable consentie au profit du bénéficiaire de la libéralité excessive. Ainsi, les héritiers ne seront pas redevables de limpôt sur les plus-values et le donataire ne sera pas imposable aux droits de mutations au titre de cette renonciation. Car en effet, en matière de transmission dentreprise à titre gratuit, limpôt sur les plus-values est en principe payé par le cédant, le donateur, et les droits de mutation par celui qui reçoit. Et comme en lespèce la loi fiscale met en place un régime adapté à compter de 2007, cette opération ne sera pas considérée comme une donation indirecte et ne sera donc pas soumise à ce régime précité. Cest donc uniquement le chef dentreprise qui sera imposé pour les plus-values au titre de la transmission, et le donataire, sera imposé une seule fois, au titre de cette transmission (et non au titre de la renonciation des héritiers à leur action), aux droits de mutations. Ces deux protagonistes bénéficieront alors de deux régimes de faveur prévus pas les articles 41 et 787 B du Code général des impôts (régime existant avant cette loi fiscale de 2006). Ainsi, concernant les plus-values, le bénéficiaire de la transmission peut opter pour un régime de report dimposition permettant limposition immédiate des plus-values. Il doit alors sengager à se substituer au paiement de limpôt sil ne garde pas les biens reçus pendant au moins cinq ans. Ce régime est valable également si ces ont des parts de société qui sont transmises. Quant à la transmission dentreprise individuelle, lexonération est soumise à la condition du transfert de lintégralité des actifs immobilisés, sous la réserve du retrait de limmeuble que de donateur conserve et donne à bail au donataire. Le deuxième régime de faveur dont bénéficiera le donataire cette fois, est lexonération partielle des droits denregistrement: exonération de 75% de la valeur de lentreprise transmise sous conditions. Un autre apport de la loi de finances rectificative pour 2006 peut être applicable aux entreprises. Cest la possibilité de donner les mêmes biens à des bénéficiaires successifs. Ce sont les libéralités "graduelles". Ainsi, avec la réforme, il est possible de transmettre un bien à un premier bénéficiaire, à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à son décès à un second bénéficiaire. Le premier bénéficiaire paiera dans un premier temps les droits de mutation sur le bien donné. A son décès lactif transmis sera taxé d'après le degré de parenté existant entre le donateur et le second bénéficiaire; et le régime fiscal applicable ainsi que la valeur imposable des biens transmis au second bénéficiaire seront déterminées en se plaçant à la date du décès. Mais les droits acquittés par le premier donataire seront imputés sur ceux dus par le second sur les même biens. Enfin, la loi permet de désigner à lavance la personne chargée dadministrer la succession (mandat à effet posthume), alors quauparavant le recours au juge des tutelles était obligatoire pour confier la gestion future dune entreprise à des héritiers mineurs, au risque que la société soit cédée. Dorénavant, il est possible, par un mécanisme fiduciaire, de confier la gestion de lentreprise à un tiers de confiance pour le compte de lhéritier. Et ce mandat permet également de protéger à l'avance les enfants incapables. Il est donné pour une période de deux ans renouvelables. Khellil Yasmine