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Le 01 février 2006
Il résulte de larticle L. 321-1 du Code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant dune suppression ou transformation demploi ou dune modification substantielle du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Depuis larrêt Vidéocolor du 5 avril 1995, la Cour de cassation admet que lorsquelle nest pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation peut constituer un motif économique si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de lentreprise ou du secteur dactivité du groupe à laquelle elle appartient. Il ressort de cette jurisprudence maintes fois confirmée depuis, que la sauvegarde de la compétitivité de lentreprise est un motif économique autonome qui peut justifier une réorganisation de lentreprise, et donc les modifications de contrat de travail quelle implique, sans quil soit nécessaire dinvoquer des difficultés économiques ou des mutations technologiques. Selon le Conseil constitutionnel, la nécessité de sauvegarder la compétitivité de lentreprise nexige pas que sa survie soit en cause (Conseil constitutionnel, 12 janvier 2002, D.C. n° 2001-455). Pour autant, la Cour de cassation, en contrôlant la sauvegarde de la compétitivité comme motif autonome de réorganisation de lentreprise, sassure que les modifications de contrats de travail ou les suppressions demplois en résultant ne sont pas fondées sur le seul souci déconomie ou damélioration de la rentabilité de lentreprise. Les trois arrêts rendus par la chambre sociale le 11 janvier 2006 ne modifient en rien cette jurisprudence, quils confirment au contraire. Mais ils précisent la notion de "sauvegarde de la compétitivité de lentreprise" en prenant en compte les exigences de la gestion prévisionnelle des emplois. La légitimité de la réorganisation de lentreprise pour sauvegarde de sa compétitivité ne peut résulter en effet que de la conciliation nécessaire, plusieurs fois rappelée par le Conseil constitutionnel, entre la liberté dentreprendre, dont découle la liberté de gestion des entreprises, et le droit à lemploi. Les pourvois formés contre trois arrêts de cours dappel ayant statué dans des sens opposés sur la même opération de restructuration, justifiée, selon les lettres de licenciement, à la fois par un contexte concurrentiel nouveau, né du développement des nouvelles technologies, et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de lentreprise, ont conduit la chambre sociale, dans un souci de clarification, à définir plus précisément cette notion de sauvegarde. En lespèce, la réorganisation se traduisait principalement par une modification du portefeuille des produits de 930 conseillers commerciaux et de leurs conditions de rémunération, la création de 42 nouveaux emplois et 9 licenciements, qui nont pas en définitive été prononcés. Environ 700 salariés ont accepté cette modification, ceux qui lont refusée ont été licenciés. Considérant que le développement de la concurrence liée à cette évolution technologique menaçait la compétitivité de lentreprise et quelle pouvait utiliser sa santé financière pour procéder à cette réorganisation, qui avait été "bénéfique pour lemploi" et qui avait même permis une augmentation de la rémunération moyenne de lensemble des conseillers commerciaux, la cour dappel de Dijon avait considéré que le motif économique était justifié. Au contraire, la cour dappel de Montpellier, considérant que ladaptation aux nouvelles technologies était déjà réalisée, avait, elle, estimé que la survie de lentreprise nétait pas menacée et quelle était dans une situation prospère, si bien que la réorganisation avait pour seul objectif daméliorer sa rentabilité. En énonçant tout dabord que la sauvegarde de la compétitivité de lentreprise ne suppose pas lexistence de difficultés économiques actuelles, les trois arrêts de la chambre sociale confirment la jurisprudence antérieure qui admettait la prise en compte dévolutions de lentreprise postérieures au licenciement (Soc., 26 mars 2002, Bull., V, n° 106). En affirmant ensuite que la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur lemploi, répond au critère de sauvegarde de la compétitivité de lentreprise, la Cour de cassation précise la portée de ce critère dans une optique de prévention. Sur ce point, larrêt naffirme nullement que pourrait être justifié par un tel motif des licenciements économiques effectués pour prévenir des difficultés économiques sans autre justification. En relevant que les difficultés économiques à venir étaient liées à des mutations technologiques, la Cour de cassation indique que la source des difficultés futures doit être démontrée et appelle des mesures danticipation. Enfin, il ressort de ces arrêts que la prévention concerne les conséquences pour lemploi des difficultés prévisibles. Des commentateurs des précédents arrêts sur la sauvegarde de la compétitivité avaient déjà souligné lobjectif de prévention propre à ce motif qui intègre naturellement lobjectif de sauvegarder le maximum demplois. Et tel était le cas dans la réorganisation mise en oeuvre par la société Les Pages jaunes. Cet impératif de gestion prévisionnelle, dont larticle 72 de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (article L. 320-2 du Code du travail) a encore accru la portée, irrigue ces décisions qui portent, il faut le rappeler, sur des modifications du contrat de travail et non sur des suppressions demplois. On peut dailleurs se demander si dans les entreprises où larticle L. 320-2 du Code du travail sapplique, la nouvelle obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle de lemploi et des compétences et les mesures daccompagnement susceptibles dy être associées ainsi que sur les modalités dinformation et de consultation du comité dentreprise sur la stratégie de lentreprise et ses effets prévisibles sur lemploi et les salaires, ne devrait pas conduire à une approche plus rigoureuse des mesures de licenciement économique qui interviendraient par la suite notamment lorsque la gestion prévisionnelle aura été défaillante. Source: - Service de documentation et détudes de la Cour de cassation