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Le 18 janvier 2007

Depuis la loi du 2 janvier 1992, il pèse sur l’employeur une obligation très lourde de reclassement du salarié inapte. A l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou une maladie, le salarié peut être déclaré inapte à reprendre l’emploi occupé précédemment, par le médecin du travail. Cette déclaration d’inaptitude doit faire suite à deux consultations du médecin du travail espacées dans un intervalle de quinze jours. Cependant la loi de 1992 a prévu un mécanisme très protecteur du salarié retranscrit à l’article L. 122-24-4 du Code du travail: avant de procéder à tout licenciement l’employeur doit proposer au salarié inapte "un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail". L’employeur dispose alors d’un délai d’un mois pour trouver un reclassement, à l’issue duquel il pourra procéder au licenciement du salarié après avoir rapporté la preuve de l’impossibilité de ce reclassement. En revanche si l’employeur ne procède ni au reclassement du salarié ni à son licenciement, il devra alors verser le salaire correspondant à l’emploi occupé antérieurement par le salarié en question et dû depuis l’expiration du délai d’un mois à compter de l’examen médical de reprise: il devra donc payer le salarié sans contre partie de travail (Cour de cassation, Chambre sociale 5 juin 1996). A défaut du paiement de ces sommes, il sera constaté une rupture du contrat de travail, analysé comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Chambre sociale 4 mai 1999). La Cour de cassation a, dans un premier temps, donné une définition très extensive de ce texte afin de mieux protéger le salarié. Elle a, par exemple, étendu le cadre de la recherche d’un reclassement. En effet la recherche doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent à l’employeur d’effectuer la mutation de tout ou partie du personnel (Chambre sociale 19 mai 1998). Le cadre est donc apprécié très largement, il ne se limite pas notamment à la seule "entreprise" mais s’exerce au sein de tout le "groupe." Les juges ont aussi accentué la protection du salarié inapte, considérant que même si le médecin du travail stipule une inaptitude à tout emploi, l’employeur doit tout de même rechercher un reclassement (Chambre sociale, 10 mars 2004). Il en va de même lorsque le médecin du travail ne précise pas de piste pour un reclassement, l’employeur ne peut pas se retrancher derrière ce silence (Chambre sociale, 24 avril 2001). Même si les juges ont eu tendance à intensifier la sévérité de ce devoir de reclassement, laissant peser une véritable contrainte sur l’employeur, parfois paradoxale, il semble s’amorcer un deuxième mouvement visant à rejeter des prétentions de reclassement trop exigeantes de salariés inaptes. En effet les salariés inaptes ayant bien compris la brèche laissée par les juges, ont été tenté en parallèle d’accroître leur exigence de reclassement. Et c’est un grand frein que la chambre sociale de la Cour de cassation, le 15 novembre 2006, vient de porter aux exigences des salariés inaptes. En l’espèce un chauffeur-livreur, suite à une procédure régulière, fut déclaré inapte pour l’emploi antérieurement exercé, mais le médecin du travail le déclara apte dans son avis médical "à un travail sédentaire, type économat ou magasinier à la pharmacie ou entretien des espaces verts". L’employeur considéra par la suite qu’il ne pouvait reclasser le salarié pour un travail répondant à cette définition et par conséquent le licencia. Mais devant la cour le salarié prétend qu’il y avait des possibilités de reclassement non exploitées: il argue en effet de l’existence de postes relevant de travail sédentaire, certes occupés par des collègues, mais dont la permutation aurait pu être envisagée. Le salarié inapte considère en effet que les collègues n’avaient pas à refuser un tel changement, celui-ci s’analysant non comme une modification du contrat de travail (il aurait alors été requis un accord du collègue, refusé en l’espèce), mais comme une simple modification des conditions de travail. La modification des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l’employeur, n’implique pas l’accord du salarié: c’est donc en ce sens que l’employeur aurait commis une négligence dans son devoir de reclassement. Cependant la Cour rejette cette prétention, jugeant qu’il s’agit d’une mutation et donc bien d’une modification du contrat de travail, subordonné à l’acceptation du salarié. La Cour refuse donc l’idée que le salarié prétende à l’emploi déjà attribué à un salarié de l’entreprise… Les prétentions de ce salarié ne s’arrêtent pas là: il estime, de plus, pouvoir exercer un emploi constituant en l’entretien d’espace vert. Le problème est que cette fois-ci l’emploi en question n’est pas effectué par un employé à proprement parler de l’entreprise mais par une entreprise sous-traitante. Le salarié prétendait donc ici à la rupture du contrat de sous-traitance liant son entreprise et l’entreprise extérieure en question… De la même manière les juges ont débouté les prétentions du salarié inapte: il n’est pas question ne rompre un contrat pour permettre le reclassement du salarié; le devoir de l’employeur ne peut excéder cette limite. Les juges imposent donc une limite au reclassement du salarié inapte, en rappelant que le reclassement "doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l’entreprise". Il n’est pas possible au salarié inapte de prétendre à des emplois déjà attribués. Thyllie ROBBE Référence: - Cour de cassation, Chambre sociale, 15 novembre 2006