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Le 05 août 2013
Les atteintes au droit de propriété qui peuvent résulter de l'application des dispositions contestées n'entraînent pas de privation de propriété au sens de l'art. 17 de la Déclaration de 1789
Aux termes de l'art. 918 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 susvisée : "{{ {La valeur en pleine propriété des biens aliénés, soit à charge de rente viagère, soit à fonds perdu, ou avec réserve d'usufruit à l'un des successibles en ligne directe, sera imputée sur la portion disponible ; et l'excédent, s'il y en a, sera rapporté à la masse. Cette imputation et ce rapport ne pourront être demandés par ceux des autres successibles en ligne directe qui auraient consenti à ces aliénations, ni, dans aucun cas, par les successibles en ligne collatérale} }}".

Selon le requérant, en présumant de manière irréfragable que les aliénations désignées par ces dispositions constituent des donations hors part successorale, susceptibles dès lors de réduction si elles excèdent la quotité disponible, alors même que l'acquéreur apporterait la preuve qu'il a réellement exécuté la contre-prestation, la disposition contestée porte atteinte au droit de propriété de l'héritier et à la liberté contractuelle du défunt.

La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; aux termes de son art. 17 : "{La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité}; en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article il résulte néanmoins de l'art. 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

Les dispositions contestées imposent que, lorsqu'un héritier successible en ligne directe a acquis de son auteur un bien soit à charge de rente viagère, soit à fonds perdu, soit avec réserve d'usufruit, la valeur de ce bien en pleine propriété soit imputée sur la quotité disponible ; l'héritier ne peut écarter l'application de cette règle en apportant la preuve qu'il s'est acquitté du prix ou de la contrepartie de l'aliénation ; si la valeur du bien aliéné excède la quotité disponible, l'héritier s'expose à l'action en réduction ; ces dispositions ont pour objet d'éviter que le recours à ces contrats, qui présentent un caractère aléatoire dès lors que la valeur de la contrepartie dépend de la date du décès, ne conduise à avantager certains héritiers réservataires dans des conditions portant atteinte aux droits respectifs des héritiers réservataires.

En premier lieu, les atteintes au droit de propriété qui peuvent résulter de l'application des dispositions contestées n'entraînent pas de privation de propriété au sens de l'art. 17 de la Déclaration de 1789 ; par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet article est inopérant.

En second lieu, d'une part, {{les dispositions contestées non seulement tendent à protéger les droits des héritiers réservataires mais permettent également, dès lors que l'exécution de la contrepartie de l'aliénation peut se confondre avec celle d'autres obligations entre ascendants et descendants, d'éviter les difficultés liées à l'administration de la preuve de l'acquittement de cette contrepartie ; elles permettent aussi de favoriser des accords préalables entre les héritiers présomptifs sur ces aliénations}}.

D'autre part, le champ d'application des dispositions contestées est précisément défini, tant en ce qui concerne les contrats que leurs bénéficiaires ; le champ d'application de ces dispositions est ainsi en adéquation avec leur objet ; que la valeur du bien aliéné s'impute sur la quotité disponible ; que, lorsqu'il y a lieu à réduction, celle-ci s'opère en principe en valeur et non en nature; il en résulte que l'héritier, qui est seulement tenu d'indemniser les autres héritiers réservataires, conserve la propriété du bien acquis ; enfin, les parties peuvent écarter l'application des dispositions contestées en obtenant le consentement des autres héritiers réservataires ; ce consentement peut être obtenu lors de l'aliénation ou postérieurement.

Ill résulte de ce qui précède que les dispositions contestées sont justifiées par un motif d'intérêt général et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ; par suite, les griefs tirés de ce que ces dispositions seraient contraires aux art. 2 et 4 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés.

L'es dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
Référence: 
Référence: - Décision n° 2013-337 QPC du 1er août 2013; J.O. R.F. 0180 du 4 août 2013, p. 13319