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Le 01 octobre 2016

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été publiée au Journal Officiel du 11 février 2016 ; elle a été ratifiée. Ses dispositions sont entrées en vigueur ce jour 1er octobre 2016, 

Le texte s’appliquera aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016, les contrats antérieurs restant soumis à la loi ancienne, sauf pour les dispositions relatives aux actions interrogatoires applicables le 1er octobre 2016,  y compris aux contrats en cours à cette date.

L'ordonnance tend, vaste programme, à la simplification, la clarification, l'équilibre et la prévisibilité dans la vie d’un contrat (de sa formation à son exécution jusqu’à sa cessation), en consacrant et codifiant les solutions jurisprudentielles.

La définition de contrat est toujours à l’art. 1101 mais elle est légèrement modifiée. Le contrat est défini comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre une obligation. Par ailleurs, le terme  "convention" disparait au profit de celle de "contrat". 

La liberté contractuelle est définie à l’art. 1102. Elle recouvre non seulement la liberté de contracter ou de ne pas contracter, celle de choisir son contractant, mais aussit le contenu de son contrat.

Le principe général dégagé est que les règles concernant le contrat sont supplétives de volonté sauf mention contraire (art. 1105). 

Aperçu, avec mention des nouveaux articles du Code civil :

Le principe de bonne foi est consacré au stade des négociations précontractuelles et de la formation du contrat (nouveaux art. 1104 et 1112 du Code civil). Au stade des négociations, celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Si la charge de la preuve d’un tel défaut d’information incombe à la partie qui s’en prévaut, un manquement à cette obligation d’information (qui ne pourra être écartée ou limitée contractuellement) pourra entraîner la nullité du contrat sur le fondement d’un vice du consentement et la responsabilité de la partie à qui cette obligation d’information incombait (nouvel art. 1112-1).

S’agissant de l’accord des parties et leur volonté de s’engager, l’ordonnance traite de l’échange croisé de conditions générales contradictoires et consacre la solution jurisprudentielle de l’annulation des clauses contraires. Ainsi, le nouvel art. 1119 précise, d’une part, que les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées, d'autre part, qu'en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. Et, en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. Ces dispositions pourront être aménagées contractuellement.

Par ailleurs, le principe jurisprudentiel voulant que le silence ne vaut pas acceptation est également consacré, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières (art. 1120).

Au sujet des conditions de validité d’un contrat, l’exigence d’un objet certain et d’une cause licite disparaissent au bénéfice d’un contenu licite et certain.

Le consentement des parties et leur capacité demeurent (art. 1128). Les vices du consentement restent les mêmes: erreur, dol et violence. Le concept d’erreur sur la substance même de la chose est remplacé par celui d’erreur sur les qualités essentielles de la prestation). Afin de protéger la partie faible, l’ordonnance consacre un nouveau cas de violence en l’abus de l’état de dépendance. Ainsi désormais, il y a violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. (art. 1143).

Sur le contenu du contrat, l’ordonnance consacre deux principes jurisprudentiels en interdisant d’abord toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur, puis, spécifiquement pour les contrats d’adhésion, toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. De telles clauses seront réputées non écrites (art. 1170 et 1171). 

A propos de la force obligatoire du contrat, l’ordonnance consacre et introduit dans le code la théorie de l’imprévision qui permet dorénavant à une partie à un contrat de demander la renégocier de ce dernier à son cocontractant, dès lors qu’ un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.  La partie sollicitant la renégociation doit continuer à exécuter ses obligations durant la renégociation mais, en cas de refus de renégociation ou d’échec de celle-ci, les parties pourront convenir des modalités de résolution du contrat ou demander à un juge - d’un commun accord ou à l’initiative d’une seule partie - de procéder à une révision de contrat ou d’y mettre fin (art. 1195). Ce mécanisme de révision par le juge n’étant pas qualifié comme étant d’ordre public, il pourra être écarté par les parties, ce que l'on peut regretter, ou même organisé plus avant.

Sur l’exécution du contrat, il devient possible à une partie envers laquelle un engagement n’a pas été exécuté en particulier, et ce après mise en demeure :

- d’en poursuivre l’exécution en nature, pour autant qu’une telle exécution est possible et n’entraîne pas de disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier (art. 1221) ;

- d’en assurer ou faire assurer l’exécution elle-même aux frais du débiteur, sauf si le créancier de l’obligation veut obtenir une avance des sommes de la part du débiteur, sans autorisation judiciaire préalable. Le juge n’interviendrait dans ce cas qu’a posteriori, le cas échéant, en cas de refus du débiteur de rembourser les sommes engagées (art. 1222) ;

- d’accepter une exécution imparfaite et de solliciter une réduction du prix convenu sans avoir recours au juge. La réduction ainsi sollicitée doit être proportionnelle à l’inexécution concernée et le créancier qui n’a pas encore payé le prix notifie sa décision à son cocontractant dans les meilleurs délais (art. 1223) ;

- de procéder à une résolution unilatérale du contrat sans avoir là encore à recourir au juge. Cette faculté reconnue par la jurisprudence s’ajoute à celle de procéder à une résolution judiciaire du contrat. Ainsi, désormais, en l’absence d’une clause contractuelle en ce sens, une partie pourra mettre fin au contrat de manière unilatérale en cas de défaillance de son cocontractant.

Le texte prévoit, sauf urgence, une mise en demeure claire de corriger le manquement dans un délai raisonnable, la mention expresse de la sanction (résolution du contrat) en cas de non correction et une nouvelle notification actant la résolution et les raisons la motivant si le manquement persiste (art. 1225).

Trois actions interrogatoires sont créées. Ce sont des, mécanismes destinés à permettre à une partie de mettre fin à des situations parfois ambiguës et visant à assurer une plus grande sécurité juridique. La première permet à un tiers de demander par écrit au bénéficiaire d’un pacte de préférence d’avoir à confirmer ou non l’existence d’un tel pacte et son intention de s’en prévaloir (art. 1123). La deuxième permet à un tiers de purger les doutes qui peuvent exister sur l’étendue des pouvoirs du représentant habilité à conclure un acte, en lui demandant confirmation de sa due habilitation par écrit (art. 1158). Ces deux premières actions sont soumises à des délais fixés par la partie à l’initiative de l’action interrogatoire concernée, qui doivent être raisonnables. La troisième action interrogatoire a vocation à permettre à une partie, face à une situation de potentielle nullité du contrat (dont la cause de nullité aurait néanmoins cessé), de demander que l’autre partie confirme le contrat ou agisse effectivement en nullité. Cette action visant à purger le contrat de vices potentiels est encadrée dans un délai de 6 mois (art. 1183).

S’agissant des dispositions sur les différents modes de preuve, le nouveau dispositif donne désormais à une "copie fiable" la même force probante que l’original. Si la fiabilité de la copie est laissée à l’appréciation du juge, le nouvel art. 1379 fixe une présomption irréfragable de fiabilité de la copie exécutoire ou authentique d’un écrit authentique, et une présomption simple de fiabilité pour les autres copies résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

La caducité du contrat est traitée aux art. 1186 et 1187.

 

Texte de l'ordonnance sur LegiFrance

Lire sur le sujet, entre autres : Réforme du droit des contrats: qu’est-ce qui va changer ? par Evane Pereira-Engel, sur Le Petit Juriste et bien entendu la présentation du Garde des sceaux : Réforme du droit des contrats.

 

Notez  par ailleurs que le nouveau droit de la responsabilité civile délictuelle  est envisagé aux art. 1240 à 1245-17.