En 2014, le tribunal de grande instance de Paris a retenu la responsabilité d'un conseil en gestion de patrimoine ayant proposé à sa cliente d'investir dans une opération de défiscalisation portant sur un programme immobilier parisien et reposant sur le statut de loueur en meublé professionnel.
Le statut fiscal dont s'agit est détaillé ici : Régime fiscal du loueur en meublé professionnel (LMP)
Ayant constaté les résultats décevants du montage fiscal et financier opéré sur les conseils de l'intermédiaire, la cliente a procédé au remboursement anticipé du prêt et négocié la résiliation du bail commercial moyennant versement d'une indemnité de résiliation.
La cliente, ensuite, non satisfaite du bilan de l'opération de défiscalisation mise en place, a cherché la responsabilité du conseil en gestion de patrimoine mais aussi du notaire et de la société d'expertise-comptable pour manquement à leur devoir de conseil et d'information auxquels ils étaient tenus, en particulier pour ne pas l'avoir informée des risques financiers et fiscaux de l'opération, ni sur le caractère exorbitant des honoraires et frais financiers payés lors du montage.
Le TGI a jugé que la société de conseil en gestion de patrimoine était débitrice envers sa cliente d'un devoir d'information et de conseil, et ainsi tenue de délivrer une information loyale et complète, portant sur l'ensemble des caractéristiques du placement proposé, y compris le cas échéant les caractéristiques les moins favorables et les risques économiques et fiscaux encourus.
Aucune réserve n'avait été émise quant à la possible insuffisance des loyers et autres sommes devant intervenir au crédit de l'opération visant à couvrir le montant de l'emprunt, ni quant à l'aléa fiscal relatif à la défiscalisation des biens acquis en VEFA en statut de LMP, pourtant connu à la date de mise en oeuvre de l'opération.
En présentant dans un but commercial une opération dont les risques économiques et fiscaux n'ont pas été clairement présentés à sa cliente, la société a failli aux obligations professionnelles lui incombant en qualité de conseil en gestion de patrimoine.
Il s'en déduit que l''information communiquée au client doit être équilibrée et porter sur l'ensemble des caractéristiques du placement proposé. Le conseil ne peut se limiter à mettre en avant les avantages de l'opération conseillée sans mentionner les inconvénients qui ne se confondent d'ailleurs pas nécessairement avec les risques lesquels doivent également être signalés.
Ceci étant, il ne peut être demandé au conseil en gestion de patrimoine de prédire l'avenir. La cour de Toulouse, le rappelle, par un arrêt récent, à propos d'un système de défiscalisation différent (loi Paul) :
Des particuliers ont effectué un investissement locatif en faisant l'acquisition d'un appartement dans le cadre de la loi Paul permettant une défiscalisation. Sept ans plus tard, ils ont revendu le bien à 40% de son prix d'achat. L'action en responsabilité intentée contre le mandataire du vendeur est rejetée. Certes, il a agit en qualité de conseiller en gestion de patrimoine auprès des acquéreurs en leur présentant une projection financière, ce qui le rendait débiteur d'une obligation d'information et conseil sur l'investissement projeté. Mais, d'une part, les acquéreurs ayant effectivement réalisé une économie fiscale, le préjudice ne peut porter que sur la perte de la valeur vénale du bien, et ils ne rapportent pas la preuve que le prix d'acquisition, qui incluait de nombreux frais annexes, a été surestimé. D'autre part, la brochure présentée aux acquéreurs précisait que nul ne peut prédire l'avenir et rappelait le risque, connu de tout un chacun, de fluctuation de la valeur du bien en fonction de l'état du marché.
Sur le sujet :
Les obligations pesant sur les conseils en gestion de patrimoine intermédiaires en opérations de banque
Etude par Silvestre TANDEAU de MARSAC, avocat au Barreau de Paris, Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et Associés
Revue de Droit bancaire et financier n° 5, septembre 2016, dossier 36
- TGI Paris, 16 mai 2014, RG n° 09/07482
- CA Toulouse, Ch. 1, sect. 1, 25 juillet 2016, RG n° 15/01092