Le 21 novembre 2003, Yvette G a vendu à M. et Mme C. un immeuble d'habitation. Il était prévu un prix de 152 450 euro converti en rente viagère annuelle de 7 560 euro, payable par mensualités de 630 euro, jusqu'au décès du vendeur, lequel se réservait jusqu'à son décès le droit d'usage et d'habitation de l'immeuble.
Yvette G est décédée le 11 septembre 2012 laissant pour lui succéder son fils M. François G, sa petite-fille Mme L, ainsi que l'association diocésaine de Bayeux en qualité de légataire universelle.
M. François G considère que la clause de l'acte de vente du 21 novembre 2003, afférente au prix et à ses modalités de paiement, est nulle pour absence d'aléa et constitue un pacte sur succession future. Il a fait assigner les époux C, Mme L et l'association diocésaine pour que M. et Mme C soient condamnés à payer à la succession le solde du prix de vente.
L'art. 1968 du Code civil permet de constituer une rente viagère à titre onéreux, moyennant une somme d'argent, pour un immeuble. Il résulte des art. 722 et 1130 du Code civil que les conventions qui ont pour objet de créer des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte ou d'un bien en dépendant, ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.
On ne peut faire aucune stipulation sur une succession non ouverte, sauf dans les conditions prévues par la loi. Constituerait de fait un pacte sur succession future un contrat de vente d'immeuble stipulant que le règlement du prix, payable à terme, serait éteint au jour du décès du vendeur. En revanche, un contrat de vente d'immeuble moyennant rente viagère constituée au profit du vendeur jusqu'à son décès, avec réserve d'un droit d'usage et d'habitation sa vie durant, constitue, de par son caractère aléatoire, un contrat de rente viagère parfaitement valable.
Il résulte clairement de l'acte suspentionné que la stipulation du prix est une clause purement formelle, devant servir pour le calcul de l'imposition et des droits, et que la commune intention des parties et la cause déterminante du contrat a bien été de constituer une rente viagère, contrat aléatoire dépendant de la durée de vie du crédirentier, et non un pacte sur succession future. Il importe peu qu'aucun bouquet n'ait été prévu, ceci n'étant pas une condition de validité du contrat. La demande d'annulation du contrat, formée par un héritier de la vendeuse, doit donc être rejetée, de même que sa demande de paiement d'arrérage de rente. En effet, les débirentiers établissent avoir réglé chaque mois la rente, du 27 novembre 2003 au 27 septembre 2012, la crédirentière étant décédée le 11 septembre 2012.
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Bien des praticiens savent qu'il faut préférer à la formule de prix énoncée plus haut celle consistant à stipuler que la vente est consentie moyennant une rente viagère ...
- Cour d'appel de Caen, Chambre civile 1, 14 juin 2016, RG N° 14/03421