La Cour de cassation maintient sa jurisprudence consistant à contrôler l'appréciation par les juges du fond de la suppression de clauses abusives relative à un contrat proposé par un établissement hébergeant des personnes âgées. La décision touche aux rapports entre l'illicite et l'abusif et 'à la question de l'absence de réciprocité entre les droits et obligations des parties.
L'association Congrégation Notre-Dame de charité du bon pasteur (l'association) gère une maison de retraite, établissement public conventionné au titre des structures d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ; l'association Union fédérale des consommateurs Que choisir de l'Isère (l'UFC 38) l'a assignée aux fins de voir juger abusives ou illicites treize clauses du contrat de séjour proposé aux résidents de la maison de retraite.
1/ L'UFC 38 a fait grief à l'arrêt d'appel de rejeter sa demande relative à la clause qui ne distingue pas et rend indissociables les prestations de gîte, couvert et entretien (article 2.1 du contrat de séjour).
Mais ayant exactement relevé que le contenu du forfait d'hébergement était défini par l'art. R. 314-159 du code de l'action sociale et des familles, dont la légalité n'était pas contestée, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la clause litigieuse prévoyant un prix forfaitaire pour ces prestations n'était pas abusive.
2/ L'UFC 38 a fait grief à l'arrêt de rejeter la demande relative à la clause qui ne prévoit pas de réduction pour les prestations non servies en cas d'absence pendant 72 heures (article 3.2 du contrat de séjour).
Mais ayant exactement relevé qu'en application de l'art. L. 342-2 du code de l'action sociale et des familles, le contrat de séjour détermine les conditions de facturation de chaque prestation en cas d'absence ou d'hospitalisation du souscripteur, la cour d'appel en a justement déduit que les établissements sont libres de fixer le montant des déductions qu'ils accordent aux résidents hospitalisés ou absents sur le tarif hébergement.
Et après avoir retenu que le coût des prestations d'entretien et d'animation était forfaitisé et calculé sur un nombre de journées prévisionnel, et que l'absence de déduction de la prestation de restauration pour une période inférieure à 72 heures relevait de l'intérêt général pris en compte par le code de l'aide sociale et par le règlement départemental, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté le caractère abusif de la clause litigieuse ; que le moyen n'est pas fondé.
3/ L'UFC 38 a fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande relative à la clause prévoyant une clause pénale à la charge du consommateur en cas de départ sans respect des délais de prévenance sans prévoir une clause similaire à la charge du professionnel lorsqu'il résilie le contrat (article 3.2 in fine du contrat).
Mais ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la clause litigieuse stipule un délai de préavis pendant lequel le résident est tenu de régler les frais d'hébergement, sous déduction du coût alimentaire, sauf occupation de sa chambre par un nouveau résident dans ce délai, l'arrêt retient que, s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, ce délai est légitime ; il relève encore qu'à titre de réciprocité, un préavis d'un mois est prévu en cas de résiliation par l'établissement ; au regard de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté le caractère abusif de la clause.
4/ Pour rejeter la demande d'annulation de la clause 3.1 du contrat de séjour relative à la restitution du dépôt de garantie, l'arrêt d'appel relève que la clause est libellée comme suit : « à son arrivée, un montant correspondant à 30 jours d'hébergement sera demandé au résidant à titre de dépôt de garantie. Celui-ci a pour objet de couvrir les dégradations éventuelles dont il est prouvé qu'il en est l'auteur relevant du fait du résidant, autre que la vétusté et la force majeure lors de la libération de la chambre, le résidant étant tenu de la restituer dans l'état où elle a été mise à sa disposition, ainsi que le défaut de paiement de factures. Ce dépôt sera rendu dans sa totalité ou partiellement dans les deux mois suivant le départ du résidant, au vu des états des lieux établis contradictoirement par écrit à l'entrée et à la sortie et de la facturation finale », et retient que les précisions apportées aux conditions de restitution interdisent de juger cette clause abusive.
En statuant ainsi, alors que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires (CJCE, 4 juin 2009, arrêt Pannon, n° C-243/08), et qu'elle avait constaté que le délai de restitution du dépôt de garantie contractuellement prévu était de deux mois, quand l'art. R. 314-149 du code de l'action sociale et des familles prévoit une restitution dans les trente jours du départ du résident, de sorte que cette clause est illicite et que, maintenue dans le contrat, elle est abusive, la cour d'appel a violé les art. R. 314-149 du code de l'action sociale et des familles, et L. 132-1 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
- Cass. Civ. 1re, 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-20.621, cassation partielle, P+B