Les parties résident à Sainte Marguerite sur Duclair, commune rurale de 1 900 habitants environ.
M. F et Mme G, au visa de l'art. 544 du code civil, estiment être victimes de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage, du fait de chants intempestifs du coq de leur voisin, M. R; à haut niveau sonore et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, étant précisé qu'il ne reste qu'un coq (il n'est pas justifié qu'il y en aurait deux), coq qui serait de race cayenne, au lieu des six coqs présents lors des premières plaintes. Le bruit serait tel qu'ils doivent dormir fenêtres fermées, même l'été, et avec des bouchons d'oreille.
Ils invoquent également l'art. R.1334-31 du code de la santé publique qui dispose que : 'Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.'
et l'article R.1334-33 selon lequel : 'L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier.'
Les propriétés appartenant aux appelants d'un part, à l'intimé d'autre part, sont séparées par un chemin qui les dessert toutes les deux, le poulailler, dont M. R soutient qu'il est là depuis des années, est implanté à une dizaine de mètres de l'habitation de M. F et Mme G.
Le rapport d'expertise étant annulé, et aucune des parties ne sollicitant même subsidiairement de nouvelle expertise, il convient d'examiner les autres pièces produites par les appelants pour rapporter la preuve des troubles invoqués.
M. F et Mme G produisent des attestations d'amis, l'une sans pièce d'identité jointe et ne respectant pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, toutes deux, datées de septembre 2010, indiquant qu'à l'intérieur de l'habitation on entend un coq chanter toutes les dix à vingt secondes et ce, continuellement. Ils versent également deux procès-verbaux de constat faits par un huissier de justice, l'un, les 1er octobre 2010 à 8h, le 4 octobre 2010 à 14h et le 7 octobre 2010 à 12h15, le second les 18 janvier 2012 de 3h55 à 4h25, 25 janvier 2012 de 4h55 à 5h15 et 1er février 2012 de 7h à 7h45, l'huissier a fait des mesures de bruit à l'aide d'un sonomètre dont il précise, pour le second constat, qu'il s'agit d'un utilitaire dénommé Décibel utilisé sur son I-phone 4S. Il a pris des clichés de volatiles appartenant au voisin. L'huissier explique que le poulailler est implanté en bordure du chemin, il comporte sur son devant une bande herbeuse clôturée de 15 mètres de long environ, le poulailler n'est pas clos et les volatiles ont libre accès à la bande de terrain.
Dans son premier constat, il indique avoir entendu les 1er et 7 octobre 2010 de très nombreux chants de coq à son arrivée, avoir procédé à des mesures de bruits en limite de propriété à l'aide de son sonomètre et que durant toute la durée de ses constatations le ou les coqs n'ont pas arrêté de chanter à intervalles réguliers soit environ une dizaine de fois par tranche de cinq minutes. Il indique également s'être rendu dans la chambre dans laquelle il a entendu le coq en train d'émettre des cris lorsque la fenêtre était ouverte et qu'il en est de même dans le salon, fenêtres ouvertes. Il n'a cependant pas entendu de chant de coq le 4 octobre 2010. Lors de ses constatations en janvier 2012, le 18 janvier 2012 lors de son arrivée sur place, éclairage public éteint, il a entendu un chant de coq de fort volume qui s'est répété trois fois durant sa présence sur les lieux, que dans la chambre et le salon il a entendu très clairement les coqs émettre des cris lorsque les fenêtres étaient ouvertes. Il a précisé ne pas pouvoir réaliser de mesure précise du son le coq s'arrêtant de chanter rapidement, les 25 janvier et 1er février 2012, il a entendu à son arrivée de très nombreux chants de coqs, il a, à nouveau, procédé à des mesures du bruit en limite de propriété à l'aide du sonomètre et il note que pendant toute la durée de ses opérations, le ou les coqs n'ont pas arrêté de chanter à intervalles extrêmement réguliers soit environ une dizaine de fois par tranche de cinq minutes. Il a fait dans la chambre et le séjour les mêmes constatations que le 18 janvier 2012, fenêtres ouvertes.
S'il est établi que le coq chante, le caractère extrêmement répété des chants, soit à toute heure du jour et de la nuit, n'est pas établi comme relevé par le premier juge : les constatations de l'huissier se sont concentrées sur la nuit et le début de matinée, et, durant la jouée, s'il a entendu des chants de coq le 7 octobre 2010 à 12h15, aucun coq n'a chanté lors des constatations réalisées le 4 octobre 2010 à 14 heures.
Les mesures réalisées à l'aide de l'Iphone vont jusqu'à plus de 100 dB, mais, si ce type de téléphone peut aujourd'hui recevoir de multiples applications, il convient néanmoins de s'interroger sur la précision et l'exactitude des mesures, la fiabilité de ces mesures ne peut évidemment pas être la même qu'un appareil spécifiquement dédié à cet usage du type de ceux utilisés par un expert judiciaire. L'appareil utilisé n'est pas étalonné. En outre, sans contester le droit pour les appelants de dormir fenêtres ouvertes, il doit être remarqué qu'aucune mesure n'a été faite fenêtre fermée, ce qui aurait utilement permis de déterminer si le sommeil de M. F et Mme G était troublé au point de devoir utiliser des bouchons d'oreille. L'intensité excessive du bruit émis par le ou les coqs ne peut être établie par les dites mesures. Il sera rappelé que l'expert judiciaire n'a pu pénétrer chez M. F et Mme G pour y faire des relevés contradictoires en présence de toutes les parties lors de la réunion d'octobre 2012 du fait de l'opposition des appelants qui avaient pourtant tout intérêt à ce que ces relevés soient faits.
Des attestations d'autres voisins proches de M. R sont versées dans lesquelles ceux-ci indiquent ne pas être genés par le bruit émis par le coq en question, M. F et Mme G affirmant toutefois que leurs habitations sont moins proches que la leur du poulailler de M. R. Le litige se déroule en milieu rural et il est justifié de ce que d'autres voisins du couple F-G ont une basse cour et qu'est implantée non loin de chez eux une ferme pédagogique avec coqs, paons, moutons, poules ...
Par ailleurs, plusieurs attestations sont produites ainsi qu'une pétition selon lesquelles M. F et Mme G sont des voisins plus que déplaisants, jamais satisfaits, qui harcèlent leurs voisins avec des tracasseries incessantes et qui ne supportent aucun bruit, même dans la journée (tondeuse, taille-haie, bruit de musique, camion sur la route, fête de famille...).
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que les troubles anormaux de voisinage n'étaient pas établis.
- Cour d'appel de Rouen, Chambre de proximité, 8 décembre 2016, RG N° 15/04976