Lorsque le règlement de copropriété désigne le lot comme à usage de magasin, ce terme ne peut s'appliquer à un restaurant, d'autant que cette affectation serait inadaptée aux exigences légales requises pour l'activité envisagée ; par suite, celle-ci n'est conforme ni à la destination de l'immeuble, réservée à l'habitation, ni à la destination particulière du lot privatif considéré comme magasin.
Aux termes de l'art. 8 de la loi du 10 juillet 1965, le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères et sa situation.
Ces dispositions légales sont reprises en l'espèce par le règlement de copropriété qui ajoute, au sujet de l'usage des parties privatives, que chacun des copropriétaires aura le droit d'en jouir et d'en disposer comme de chose lui appartenant en toute propriété, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires et de ne rien faire qui puisse compromettre la solidité des bâtiments.
Toutefois, cette liberté des copropriétaires dans la jouissance de leurs lots privatifs est limitée par le règlement de copropriété, en ce qui concerne les appartements de l'ensemble immobilier, par l'obligation de ne les occuper que « bourgeoisement et de façon honnête par des personnes de bonnes moeurs », et par l'interdiction d'y exercer « aucune activité commerciale ou industrielle, même artisanale, d'une nature quelconque, non plus que l'exercice d'une profession libérale susceptible de changer la destination des locaux attribués, qui serait incompatible avec la bonne tenue d'un immeuble bourgeois ou qui comporterait des appareils provoquant une gêne quelconque », notamment « aucun cours de musique, de chant ou de danse, aucune association, aucune salle de conférence, aucun siège de parti politique ».
Si cette clause ne vise que les appartements, elle manifeste l'intention des copropriétaires d'assurer la tranquillité et la qualité de vie des occupants des appartements, donc de les préserver des nuisances susceptibles de résulter de l'exploitation des locaux commerciaux compris dans le même immeuble. Il convient en outre de tenir compte du fait que l'ensemble immobilier est majoritairement composé de locaux d'habitation.
S'agissant du lot n° 1 appartenant à la SCI Mag, il est désigné par le règlement de copropriété sous le terme de « magasin ».
Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, ce terme ne saurait être appliqué à tout commerce. Au-delà de la discussion qui oppose les parties sur la signification de ce mot dans la langue française, il est clair que, dans le langage courant, il ne s'applique pas à un restaurant.
En outre, il résulte très clairement du rapport d'expertise judiciaire que le lot privatif en question est totalement inadapté à l'exercice d'une activité de restauration : il ne comporte pas de local réglementaire pour le stockage des déchets, la porte d'entrée ne fait que 90 cm de largeur au lieu des 140 cm exigés par la réglementation, l'installation électrique vérifiée par le bureau Veritas n'est pas conforme aux normes, non plus que la ventilation des locaux, la hotte de la cuisine étant raccordée sur la trémie assurant la ventilation haute de la chaufferie collective, et non sur un conduit de cheminée, et l'évacuation des eaux grasses est non réglementaire.
De ces éléments, il peut être déduit que l'exercice d'une activité de restauration dans le lot n° 1 appartenant à la SCI Mag n'est conforme :
– ni à la destination générale de l'ensemble immobilier, qui comporte majoritairement des locaux d'habitation réservés, selon le règlement de copropriété, à une occupation « bourgeoise », incompatible avec les nuisances sonores et olfactives inhérentes à toute activité de restauration ;
– ni à la destination particulière du lot privatif considéré, qui est défini comme un « magasin » et dont les caractéristiques ne permettent pas d'y exploiter un restaurant dans le respect de la réglementation.
L'interdiction « d'ouvrir un commerce de type restauration rapide » votée par l'assemblée générale des copropriétaires est donc justifiée par la destination de l'immeuble.
Les droits de chaque copropriétaire trouvant leur limite dans ceux des autres copropriétaires et ne pouvant être exercés que conformément à la destination de l'immeuble, cette interdiction ne porte pas une atteinte excessive au droit de propriété de la SCI Mag ni à la liberté du commerce et de l'industrie.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des résolutions litigieuses et en ce qu'il a ordonné sous astreinte la cessation de toute activité de restauration dans le local appartenant à la SCI Mag.
- Cour d'appel de Colmar, 2e ch. civ. A, 9 sept. 2016, n° 14/01627, SCI Mag rue principale 34 c/ V.