M. Dominique G a procédé le 18 janvier 2015 par internet auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) au dépôt de la marque « Je suis Charlie », comme destinée à distinguer des produits relevant des classes 14, 21 et 25 de la classification de Nice.
Le 30 janvier 2015, l'INPI a adressé à M. Dominique G une objection provisoire, pour des raisons tant de forme que de fond, lui impartissant un délai de deux mois pour régulariser la demande ou contester l'objection.
M. Dominique G n'a pas contesté l'objection.
En revanche, il a, dès le 9 février 2015, mis l'INPI en demeure de lui rembourser la somme de 200 € qu'il avait acquittée à titre de redevance de dépôt par paiement en ligne.
L'INPI a rejeté cette demande le 19 février 2015.
Le 11 mars 2015, M. Dominique G a saisi la juridiction de proximité du tribunal d'instance d'Auch, lieu de son domicile, d'une requête contre ce refus de remboursement.
Le juge de proximité a transmis le dossier au tribunal d'instance d'Auch, qui, par jugement du 15 octobre 2015, s'est déclaré incompétent au profit de la cour d'appel de Bordeaux, compte tenu des règles spécifiques de compétence d'attribution applicables aux recours contre les décisions de l'INPI. Le dossier a été transmis à la cour d'appel de Bordeaux par le tribunal d'instance d'Auch.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 12 septembre 2016. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2016, M. Dominique G a fait connaître à la cour qu'il ne se déplacerait pas à l'audience et a maintenu sa demande de remboursement de la somme de 200 €, indiquant que s'il avait été informé du communiqué de l'INPI indiquant que la marque « Je suis Charlie » ne ferait l'objet d'aucun enregistrement, il ne l'aurait pas déposée. À l'audience, la représentante de l'INPI a demandé à la cour de rejeter le recours de M. Dominique G et rappelé le contexte qui entourait le dépôt de cette marque.
L'art. L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale, et l'article L. 711-3 que ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe... b) contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ; enfin l'article L. 711-7 prévoit que la demande est rejetée si le signe ne peut être adopté comme une marque par application de l'article L. 711-3.
L'art. R. 411-17 du Code de la propriété intellectuelle prévoit les cas de remboursement de la redevance qui se limitent aux cas d'irrecevabilité ; or en l'espèce, l'INPI n'a pas déclaré le dépôt irrecevable, mais y a fait objection, mesure provisoire avant rejet, décision formalisée ultérieurement et non contestée, aux motifs que la marque n'était pas susceptible de distinguer les produits désignés dans la demande, était contraire à l'ordre public, et qu'elle ne respectait pas une condition de forme, M. Dominique G ayant rempli la case « qualité » en mentionnant sa profession, alors que cette case n'est destinée qu'aux personnes morales.
Dès lors que l'objection était fondée sur des raisons de fond, qui ne sont pas contestées en l'espèce, l'INPI est fondé à rejeter la demande de remboursement de M. Dominique G.
La cour souligne que dans le contexte dramatique de l'attentat terroriste contre l'hebdomadaire Charlie le 7 janvier 2015 et la diffusion quasi immédiate sur les réseaux sociaux du slogan « je suis Charlie », pas moins de 140 personnes ont cru pouvoir tenter de s'approprier ce slogan à des fins mercantiles, que ces demandes ont fait l'objet d'objections provisoires puis de décisions de rejet, que devant cet afflux, l'INPI a diffusé dès le 13 janvier 2015 un communiqué de presse mis sur son site informant de sa décision de ne pas enregistrer ces marques, décision largement commentée positivement dès le lendemain, soit avant le dépôt de marque de M. Dominique G, dans la presse et sur les réseaux sociaux.
Les décisions de rejet n'ont pas été contestées, mais M. Dominique G a été le seul déposant de la marque à demander à l'INPI, par lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure du 9 février 2015 puis en justice, le remboursement de la redevance de dépôt, demande qu'il n'est d'ailleurs pas venu soutenir à l'audience, alors que la représentante de l'INPI s'est spécialement déplacée de Paris.
M. Dominique G, dont la demande est rejetée, sera condamné aux dépens.
Par ces motifs, la Cour déboute Dominique G de sa demande de remboursement de la redevance de dépôt.
- C.A. Bordeaux, 3e ch., 1re ch. civ., sect. A, 24 oct. 2016, n° 15/07214, Dominique G c/ dir. gén. INPI
- Note :
Propriété industrielle n° 1, Janvier 2017, comm. 3
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Commentaire par Pascale TRÉFIGNY