Suivant acte d'huissier en date du 28 août 2013, M. Jean-Michel R a fait assigner l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal de grande instance de Tarascon pour obtenir sa condamnation, sur le fondement des dispositions de l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, à lui payer la somme de 500.000 euro en réparation du préjudice subi du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice, se plaignant de la durée déraisonnable de la procédure initiée par lui devant le tribunal de commerce de Tarascon, constitutive selon lui d'un déni de justice.
Par jugement du 31 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Tarascon a condamné l'agent judiciaire de l'Etat à payer à M. Jean-Michel R la somme de 15.000 euro à titre de dommages et intérêts, outre 750 euro en application des dispositions de l'art. 700 du code de procédure civile et les dépens.
La procédure de liquidation judiciaire a duré plus de 21 ans, de sorte que la responsabilité de l'Etat du fait du défaut de surveillance par le juge-commissaire du bon déroulement de la procédure est incontestable. En effet, la durée anormale de la procédure a rompu l'équilibre entre l'intérêt général au paiement des créanciers et l'intérêt individuel du débiteur quant au respect de ses droits. Le débiteur soutient que cette faute aurait conduit à la perte de son domicile à raison de la vente de son immeuble, à son divorce, à sa situation de SDF et à l'impossibilité de retrouver un emploi ainsi que la perte de la possibilité de cotiser pour sa retraite. Toutefois, la vente de son immeuble est une conséquence de sa liquidation judiciaire et tendait à l'apurement de son passif. Par ailleurs, les circonstances du divorce restent inconnues, celui-ci étant au demeurant intervenu 1 an après la liquidation judiciaire. Enfin le dessaisissement de ses droits et actions sur son patrimoine n'interdisait pas au débiteur de retrouver un emploi. La durée de la procédure est donc sans lien de causalité avec les préjudices invoqués.
C'est également en vain que le débiteur soutient que les actifs étaient au départ suffisants et que la durée de la liquidation ne lui a laissé qu'un bonus très réduit. En effet, si un temps les comptes faisaient apparaitre un solde positif, au final le passif s'est avéré très supérieur aux actifs. Il n'est toutefois pas contestable que le débiteur a subi un préjudice moral du fait de la privation anormalement longue de ses droits et de la possibilité d'agir en justice autrement que pour exercer ses droits propres de débiteur.
S'il est vrai que le liquidateur n'a pas fait diligence pendant 10 ans, il n'en demeure pas moins que son successeur s'est ensuite heurté aux difficultés propres à la liquidation d'une succession devant revenir au débiteur, laquelle a nécessité la mise en cause de la responsabilité du notaire, outre les contestations de créance notamment du fait d'un cautionnement consenti par le débiteur. La lenteur de la procédure dans ce contexte ne peut donc être tenue pour fautive.
L'évaluation du préjudice moral se limite donc au dix première années de la procédure et justifie l'allocation d'une somme de 15.000 euro.
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1 A, 5 septembre 2017, Numéro de rôle : 15/20410