M. et Mme B sont propriétaires depuis le 1er septembre 1978 d'une maison à usage d'habitation située [...]. Une antenne relais, propriété de la société Orange, a été installée sur un terrain situé au 163 de la même rue.
Alléguant des troubles causés par l'existence de cette antenne relais, M. et Mme B ont fait assigner la société Orange par acte du 27 janvier 2014 devant le Tribunal de grande instance de Béthune afin d'obtenir la condamnation de celle-ci à leur verser des dommages et intérêts en réparation de leurs différents préjudices.
Par ordonnance en date du 6 janvier 2016, le juge de la mise en état a déclaré la juridiction de l'ordre administratif compétente pour connaître des demandes fondées sur les effets allégués sur la santé des personnes de l'antenne relais mais a dit que le juge judiciaire demeure compétent exclusivement pour connaître de l'action des époux B en ce qu'elle tend à obtenir la réparation d'un préjudice du fait de l'implantation de l'antenne relais indépendamment de toute appréciation sur ses effets sur la santé des personnes ou sur des brouillages préjudiciables.
M. et Mme B ont dès lors allégué l'existence d'un trouble anormal du voisinage devant le TGI de Béthune en application des dispositions de l'art. 544 du Code civil.
Le contentieux a été porté devant la Cour d'appel de Douai par la Société Orange.
Le fait que l'opérateur de téléphonie ait obtenu l'ensemble des autorisations administratives nécessaires à l'installation de l'antenne relais litigieuse, n'exclut pas la possibilité de voir reconnaître l'existence d'un trouble anormal du voisinage, lequel n'est toutefois en l'occurrence pas établi. Les constatations faites démontrent que l'antenne relais litigieuse est implantée sur la parcelle voisine située à l'arrière de l'immeuble du requérant à 19,70 mètres du mur d'enceinte arrière et à 30 mètres du corps principal du bâtiment. L'antenne est supportée par un mât situé sur la toiture du hangar implanté sur la parcelle voisine exploité par une société spécialisée en travaux d'assaisonnement. La hauteur du mât a nécessité la mise en place de quatre haubans afin de stabiliser l'ensemble d'une hauteur de 27 mètres. Certes l'antenne s'avère visible devant la façade de la maison du requérant et dans son jardin. Si le trouble de vue du fait du caractère inesthétique de l'antenne litigieuse est établi, en revanche, aucun trouble sonore n'est démontré en raison du vent dans les haubans. En outre, en raison du caractère filiforme de l'antenne litigieuse, aucune obstruction de vue ni aucune perte d'ensoleillement ne sont démontrées. Le trouble purement esthétique ne peut être considéré comme excédant à lui-seul les inconvénients normaux du voisinage en zone urbaine, dans une rue passante, bordée de maisons à usage d'habitation.
La société Orange soutenait que le choix de l'implantation de l'antenne relais au [...] répond à plusieurs critères, à savoir l'obtention par le maire d'une autorisation d'urbanisme, l'obtention de l'autorisation d'émettre délivrée par l'Agence nationale des fréquences (ANF), l'implantation avec l'accord de son propriétaire sur un terrain à usage d'activités, existence à proximité d'autres installations utilisant des radios fréquences appartenant à d'autres opérateurs. Concernant les nuisances de vue, elle soutenait que le droit français ne protège aucun droit à la vue sur l'horizon surtout dans un environnement urbanisé. Elle ajoutait que l'ouvrage se situe dans une zone urbaine et, en particulier, dans un ensemble industriel doté de nombreux arbres. Elle sotenait aussi que la présence d'antennes relais de téléphonie mobile ne revêt pas un caractère exceptionnel ou incongru dans un paysage urbain. Elle ajoutait enfin que les époux B n'ont pas précisé pas les angles de vue des photographies produites et n'ont versé aux débats aucune photographie prise depuis l'intérieur de leur habitation. Elle soutenait aussi que le pylône est filiforme, éloigné de l'habitation des intimés et n'obstrue pas la vue.
- Cour d'appel de Douai, Chambre 3, 20 septembre 2018, RG n° 17/04839