Le requérant était titulaire d’un titre de propriété immatriculé au registre foncier, lequel est tenu par l’État dans le but de garantir la propriété foncière et d’assurer la sécurité des transactions immobilières.
Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)
Le requérant se plaint d’avoir été privé d’un bien pourtant régulièrement acquis et immatriculé au registre foncier comme étant sa propriété.
Le Gouvernement turc conteste cette affirmation et maintient que le requérant ne disposait pas de bien. Il considère que l’appréciation des juridictions nationales était conforme tant au droit national qu’à la Convention.
La Cour observe que le requérant était titulaire d’un titre de propriété immatriculé au registre foncier, lequel est tenu par l’État dans le but de garantir la propriété foncière et d’assurer la sécurité des transactions immobilières, et réitère que celui-ci couvrait nécessairement une partie des parcelles 17, 18 et 20 de l’îlot 122.
Elle note que, à l’issue des travaux du cadastre, l’ensemble des parcelles en question a été enregistré comme étant la propriété du Trésor et que, à l’issue de la procédure initiée par le requérant pour faire valoir son titre, les conclusions cadastrales ont été confirmées.
Elle estime que le requérant n’est donc plus en mesure d’exercer les droitsqui sont habituellement attachés à un titre de propriété immobilière, ni sur une partie de ces parcelles ni sur aucun autre terrain situé sur l’île de Gökçeada.
Si le titre en question n’a jamais été formellement annulé, il s’est trouvé de fait privé de toutes les prérogatives qui y étaient attachées.
La Cour considère qu’une telle situation a anéanti le droit de propriété du requérant et s’apparente à une privation de propriété au sens de la Convention, c’est-à-dire une ingérence relevant de la seconde norme de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (pour les trois normes distinctes que contient cette disposition, voir James et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, § 37, série A no 98, et Iatridis, précité, § 55).
Elle rappelle que, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive, et une absence totale d’indemnisation ne saurait se justifier sur le terrain de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention que dans des circonstances exceptionnelles (voir, parmi d’autres, Jahn et autres c. Allemagne [GC], nos 46720/99, 72203/01 et 72552/01, § 111, CEDH 2005‑VI, et Vistiņš et Perepjolkins c. Lettonie [GC], no 71243/01, § 36, 25 octobre 2012).
En l’espèce, la Cour relève que le requérant n’a reçu aucune indemnité pour la perte des droits inhérents à son titre de propriété au profit du Trésor, et que le Gouvernement n’a invoqué aucune circonstance exceptionnelle pour justifier l’absence totale d’indemnisation.
Elle constate en outre que le Gouvernement n’a jamais allégué que l’intéressé disposait d’une voie de recours pouvant lui permettre d’obtenir une indemnisation.
Dans ces circonstances, la Cour estime que le juste équilibre exigé par l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention a été rompu au détriment du requérant et que, partant, il y a eu violation de cette disposition.
- CEDH, AFFAIRE AVYIDI c. TURQUIE, 16 juillet 2019, 22479/05