M. Y Z qui exploite en vertu d’un bail rural une parcelle de terre sise sur le terroir de la commune de Machecourt cadastrée section ZL n°13 développant une superficie de 22 hectares 48 ares et 50 centiares dont l’actuel propriétaire est M. H-C G s’est vu signifier le 20 juin 2016 par ce dernier un congé à effet au 28 février 2018 aux fins de reprise pour exploiter par son fils M. H-M G, étant précisé au congé que ce dernier se verra consentir un bail rural et qu’il mettra les biens repris à la disposition de l’EARL G-X dont il est associé exploitant.
Appel a été relevé du premier jugement par M. Y Z.
En application de l’art. L.411-58 du Code rural, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s’il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou pour l’un des bénéficiaires autorisés par ce texte.
L’article L.411-59 du même code prévoit que le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.
Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions.
Il se déduit de ces textes que l’opération de reprise consistant pour son bénéficiaire en une installation, un agrandissement ou une réunion d’exploitation, doit être conforme à la réglementation sur le contrôle des structures prévue par les art. L.331-1 et suivants du Code rural.
Les conditions exigées du bénéficiaire de la reprise sont cumulatives de sorte qu’à défaut pour celui-ci d’en satisfaire une, le congé aux fins de reprise ne saurait être validé.
La possibilité d’exploiter les terres reprises dans le cadre d’une société découle implicitement de l’art. L.411-59 du Code rural qui prévoit la possibilité pour le bénéficiaire de la reprise de se consacrer à l’exploitation du bien repris au sein d’une société et par l’avant-dernier alinéa de l’art. L.411-58 qui précise dans ce cas que si l’opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.
Il résulte de l’interprétation de ces textes que si les biens seront mis à disposition d’une société, à peine de nullité du congé, celui-ci doit préciser qu’ils seront exploités dans un cadre sociétal.
C’est à la date d’effet du congé que s’apprécie le respect de ces conditions de fond.
Si la copie versée aux débats de l’expédition des statuts de l’EARL G-X délivrée par le notaire qui les a reçus ne comporte par la signature des associés, ce notaire précise à la fin de l’acte qu’ils ont été signés par les personnes qui ont comparu devant lui ainsi que par lui-même. S’agissant des vérifications auxquelles a personnellement procédé le notaire, elles ne sauraient être mises en doute que par un incident en inscription de faux selon la procédure particulière prévue à cet effet et que M. Y Z n’a pas suivie. L’argument tenant à l’absence de signature des statuts est donc inopérant.
En vertu de l’art. L.324-4 du Code rural, les apports en numéraires et les apports en nature, qu’ils soient faits en pleine propriété ou en jouissance, concourent à la formation du capital social de l’exploitation agricole à responsabilité limitée qui peut être un capital variable. Ils donnent lieu à l’attribution de parts sociales.
En application du deuxième alinéa de cet article, les statuts doivent contenir l’évaluation de chaque apport en nature. Il y est procédé au vu d’un rapport annexé aux statuts et établi, sous sa responsabilité, par un commissaire aux apports désigné à l’unanimité des futurs associés ou, à défaut par une décision de justice à la demande du futur associé le plus diligent.
Le troisième et dernier alinéa de cet article permet aux futurs associés décidant à l’unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire lorsque la valeur d’aucun apport en nature n’excède un montant fixé par décret et si la valeur de l’ensemble des apports en nature non soumis à l’évaluation d’un commissaire aux apports n’excède pas la moitié du capital social.
L’art. L.324-9 du même code prévoit que le non respect en cours de vie sociale d’une des conditions de l’article L.324-4 n’entraine pas la dissolution de plein droit de l’exploitation agricole à responsabilité limitée. Tout intéressé peut demander en justice la dissolution si la situation n’est pas régularisée dans le délai d’un an.
Ces textes figurant dans le chapitre IV qui régit l’exploitation agricole à responsabilité limitée ont pour objet d’assurer un équilibre entre les droits des futurs associés dans le capital social et la valeur de leurs apports.
N’étant pas prétendu que M. Y Z fut un temps pressenti pour être associé de l’EARL G-X, il n’est pas susceptible d’avoir été lésé par un apport en numéraire incorrectement évalué. A supposer qu’il fut recevable à intenter l’action en dissolution prévue à l’art. L.324-9, il ne s’y est pas essayé.
En conséquence, aucune menace juridique ne paraît peser sur l’existence de l’EARL G-X au profit de laquelle le congé annonce que les terres dont la reprise est poursuivie seront mises à disposition.
La réalité et l’effectivité de cette annonce que conforte la qualité d’associé exploitant de M. H-M G au sein de l’EARL G-X ne sauraient donc être sérieusement mises en doute.
De plus les pièces versées aux débats par M. H-C G, à savoir la liste éditée par le greffe du tribunal de commerce de Saint-Quentin des actes remis lors de la constitution de l’EARL G-X parmi lesquelles figure le rapport du commissaire aux apports qui s’est vu attribué une date ainsi qu’un numéro de dépôt, le certificat émis par le greffe de ce tribunal du dépôt du rapport du commissaire aux apports faisant apparaître la même date et le même numéro de dépôt ainsi que ce rapport contredisent de manière radicale l’absence de rapport du commissaire que continue pourtant de soutenir M. Y Z.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté ce moyen de nullité qui manque tant en fait qu’en droit.
L’article L.411-58 du code rural dispose que lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d’une société et si l’opération est soumise à une autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.
Etant justifié par la production de l’arrêté préfectoral du 31 mai 2017 que l’EARL G-X s’est vue accordée une autorisation d’exploiter les terres dont la reprise est poursuivie, les prescriptions prévues par cet article sont suffisamment respectées, ce texte ne faisant nullement obligation de vérifier la situation d’un associé étranger à l’opération de reprise au regard du contrôle des structures.
Le caractère facultatif du sursis commande afin de ne pas retarder la solution à apporter au litige de confirmer le chef du jugement qui a débouté M. Y Z de sa demande de sursis, étant relevé que ce dernier n’a pas crû devoir utiliser la voie du référé suspension qui lui était ouverte devant la juridiction administrative.
Contrairement à ce que soutient l’intimé les terres dont il poursuit la reprise ont été libérées par M. Y Z suite aux actes d’exécution forcée diligentés à son encontre du jugement assorti de l’exécution provisoire.
Pour autant, M. Y Z ne produit aucun élément pour contrarier la réalité et l’effectivité de la mise en valeur par l’EARL G-X des terres dont la reprise est poursuivie. M. Y Z qui n’est pas partie à cette convention de mise à disposition ne justifie pas d’un quelconque préjudice résultant du non respect du formalisme qui selon lui devrait entourer cette convention ; la circonstance que n’est pas produit un extrait des délibérations des associés de cette société l’autorisant à accepter cette mise à disposition est donc indifférente à la solution du litige.
En l’absence de contestation sur les autres conditions de fond de la reprise tenant au lien de filiation unissant M. H-M G à M. H-C G, à la capacité professionnelle de celui-ci, à ses moyens pour exploiter les terres faisant l’objet de la reprise, qu’il s’agisse du matériel ou des bâtiments d’exploitation situés à proximité de ces terres et qui sont suffisamment établies par les pièces versées aux débats, il y a lieu en confirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de valider le congé.
- Cour d'appel d'Amiens, Chambre baux ruraux, 17 septembre 2019, RG n° 18/01840