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Le 27 septembre 2019

L'art. 370-5 du Code civil, l’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets de l’adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets de l’adoption simple.

Il résulte de l’art. 13 de la loi tunisienne du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, à la tutelle officieuse et à l’adoption que l’acte d’adoption est établi par un jugement rendu par le juge Cantonal siégeant en son cabinet en présence de l’adoptant, de son conjoint, et s’il y a lieu, des père et mère de l’adopté, ou du représentant de l’autorité administrative investie de la tutelle publique de l’enfant, ou du tuteur officieux.

Le juge Cantonal, après s’être assuré que les conditions requises par la loi sont remplies, et avoir constaté le consentement des parties en présence, rend le jugement d’adoption.

Le jugement ainsi rendu est définitif.

Un extrait de jugement d’adoption est transmis, dans les 30 jours à l’officier de l’état civil territorialement compétent, qui le transcrira en marge de l’acte de naissance de l’adopté.

L’article 14 de cette même loi prévoit que l’adopté prend le nom de l’adoptant et il peut changer de prénom, mention en sera faite dans le jugement d’adoption à la demande de l’adoptant, et son art. 15 que l’adopté a les mêmes droits et les mêmes obligations que l’enfant légitime, que l’adoptant a, vis-à-vis de l’adopté, les mêmes droits que la loi reconnaît aux parents légitimes et les mêmes obligations qu’elle leur impose, et que toutefois, si les parents naturels de l’adopté sont connus, les empêchements au mariage, visés aux art. 14, 15, 16 et 17 du code du statut personnel, subsistent.

Le ministère public soutient que la loi du 4 mars 1958 ne contient aucune disposition relative à la révocabilité de l’adoption mais que les tribunaux tunisiens ont été amenés à statuer sur cette question et que depuis un arrêt de la Cour d’appel de Tunis du 14 février 1980 et un arrêt de la Cour de cassation du 2 novembre 2011, les juridictions tunisiennes ont reconnu de manière constante le principe de la révocabilité ce dont il résulte que l’adoption ne peut produire en France que les effets de l’adoption simple, la nature des consentements donnés à l’adoption par la mère biologique et le représentant légal ne changeant rien à cette qualification, cette appréciation n’ayant d’intérêt qu’en cas de conversion en adoption plénière.

M. C X et Mme G Y X affirment que la portée des décisions invoquées par le ministère public doit être relativisée et qu’elles ne permettent pas de déduire que la loi tunisienne permet la révocation de l’adoption. Il ajoutent que le Tribunal de première instance de l’Ariana (Tunisie) sur requête de Mme A, mère de l’enfant née d’un père refusant de voir sa paternité établie, a décidé du placement de façon définitive auprès de l’institut national de la protection de l’enfance tunisien, que cet abandon a rompu tout lien de droit entre la mère biologique et l’enfant, qu’ils ont obtenu préalablement au consentement à l’adoption l’accord de la commission d’adoption et l’enfant leur a été confié en vue d’une procédure d’adoption plénière et que le consentement donné à l’adoption précise qu’il est donné un consentement définitif et irrévocable suite à la rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant de l’enfant en question en vue d’une adoption plénière au sens du droit français.

Ils précisent enfin que plusieurs juridictions françaises ont déjà retenu que l’adoption prononcée en Tunisie produit les effets d’une adoption plénière en France.

Il ressort des éléments versés au débat que par jugement du 25 novembre 2011, le tribunal de première instance de l’Ariana (Tunisie) sur requête de Mme A, mère de l’enfant F A née le […], d’un père refusant de voir sa paternité établie, a décidé du placement de façon définitive auprès de l’institut national de la protection de l’enfance tunisien ; qu’aux termes d’une attestation en date du 14 février 2017 le directeur général de l’institut national de protection de l’enfance a précisé que les époux X ont obtenu l’accord de la commission d’adoption pour l’adoption d’un enfant tunisien , pupille de l’Etat le 18 août 2011, que suite à cet accord, l’INPE leur a confié le 1er décembre 2011 l’enfant dont l’adoption a été prononcée par le jugement du 24 mai 2012 suite à quoi, le directeur général de l’INPE a donné son consentement définitif et irrévocable suite à la rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant de l’enfant en vue d’une adoption plénière au sens du droit français.

Toutefois, les dispositions de la loi tunisienne du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, à la tutelle officieuse et à l’adoption ne précisent pas le caractère irrévocable de l’adoption. L’article 16 de la même loi prévoit que le tribunal de première instance peut, à la demande du procureur de la République, retirer la garde de l’adopté à l’adoptant qui a failli gravement à ses obligations et la confier à une autre personne, en tenant compte de l’intérêt de l’enfant.

Il résulte des pièces produites que la cour d’appel de Tunis dans un arrêt du 14 février 1980 a clairement affirmé que l’adoption était révocable et la cour de cassation tunisienne, dans un arrêt du 2 novembre 2011 a également interprété les textes comme permettant la révocation de l’adoption. Il en ressort que l’adoption tunisienne ne rompt pas de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant et ne peut donc produire en France que les effets d’une adoption simple, conformément aux dispositions de l’art. 370-5 du Code civil.

Il convient donc d’infirmer le jugement rendu le 7 juin 2018 par le Tribunal de grande instance de Nantes en ce qu’il a dit que l’adoption prononcée avait les effets d’une adoption plénière en droit français et en ce qu’il a ordonné la transcription sur le fondement de l’art. 354 du Code civil, et dire que le jugement tunisien a les effets d’une adoption simple.

Référence: 

- Cour d'appel de Rennes, 6e chambre a, 23 septembre 2019, RG n° 18/04799