Le 2 mai 2013, M. Z X, chirurgien dentiste à la retraite, a remis au service des impôts des entreprises de Paris 17e arrondissement (ci après 'le SIE'), pôle enregistrernent, deux déclarations modèle 2092 d’option pour le régime général de taxation des plus values au titre des cessions ou exportations de métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité (articles 150 VL et 150 VM du code général des impôts 'CGI'.
M. X déclarait avoir reçu deux oeuvres, "Color y vibracion lineal" le 15 janvier 1994 et "Blanco y negro inferior", le 10 décenibre 2000, de Jesus Rafael Y (1923-2005). A ces déclarations était jointe une attestation en date du 21 mai 2012 de Mme B Y, veuve de l’artiste, indiquant que les deux oeuvres avaient été offertes à M. X par son mari. L’intermédiaire désigné comme participant à la transaction était la société Sotheby’s.
Le 24 mai 2013, l’administration fiscale adressant à M. X une mise en demeure modèle 4961 accompagnée d’une déclaration de don manuel modèle 2735 en quatre exemplaires.
Le 3 juin 2013, deux déclarations ont été présentées à l’enregistrement par M. X. La rubrique ' renseignements relatifs aux biens’ indique que les oeuvres ont été offertes en échange de soins prodigués à M. Y, leur valeur vénale s’élevant à un euro. Une note annexée à la déclaration détaillait ces éléments.
Une procédure de rectification contradictoire a été mise en oeuvre par lettre modèle 2120 du 3 juillet 2013. Suite aux observations de M. X, le redressement a été confirmé par lettre du 11 octobre 2013.
Le 10 février 2014, le SIE a émis un avis de mise en recouvrement portant sur la somme de 660.000 EUR au titre des droits, 2 640 euros au titre des intérêts de retard, et 264.000 euros au titre de la majoration prévue à l’article 1729 du CGI.
Par courrier du 31 mars 2014 , M. X a contesté cette imposition.
Par acte d’huissier du 04 août 2015, M. X a fait assigner la direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris , pôle de gestion fiscale Nord Est .
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Devant la cour, M. X a demandé qu'il soit pris acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions formant la première phrase de l’alinéa 1 de l’art. 757 du Code général des impôts et l’alinéa 2 de ce même texte pour violation des dispositions de l’art. 34 de la Constitution et des arti. 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dès lors que les dispositions des alinéas 1 et 2 ne sauraient, sans être contraires aux dispositions de l’art. 34 de la Constitution et aux art. 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, autoriser l’interprétation constante de la Cour de Cassation suivant laquelle le fait générateur de l’imposition d’un don manuel au titre des droits d’enregistrement est constitué par la révélation de ce don faite par le donataire à l’administration fiscale .
En application de l’art. 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à la Cour de cassation répond aux trois conditions suivantes :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
L’art. 757 du Code général des impôts (CGI) dans sa rédaction applicable au litige est ainsi rédigé :
Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d’un don manuel, sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit. Ces droits sont calculés sur la valeur du don manuelau jour de sa déclaration ou de son enregistrement, ou sur sa valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure. Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l’enregistrement du donmanuel.
La même règle s’applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l’administration fiscale.(…)';"
Il n’est contesté par aucune des parties que ce texte est applicable au litige puisque l’AMR émis le 10 février 2014 à l’encontre de M. X repose précisément sur des sommes dues au titre d’une mutation à titre gratuit exigibles en application des de l’article 757 du code général des impôts. Il est également constant que les dispositions critiquées n’ont pas été déclarées conformes à la constitution.
Il convient dés lors d’examiner si la question posée présente un caractère sérieux. La cour relève a ce stade que M. X ne formule pas véritablement une question mais comporte plutôt l’affirmation du caractère anticonstitutionnel de la jurisprudence constante de la cour de cassation suivant laquelle le fait générateur de l’imposition d’un don manuel au titre des droits d’enregistrement est constitué par la révélation de ce don faite par le donataire à l’administration fiscale .
Selon M. X, l’application des dispositions des alinéas 1er et 2 de l’art. 757 selon l’interprétation traditionnelle sur le fait générateur de l’imposition du don manuel s’inscrivant dans une incompétence négative conduit ainsi à une grave discrimination entre contribuables au regard des principes de l’égalité devant la loi et de l’égalité devant les charges publiques, en faisant partir le délai de la prescription de six ans prévu à l’art. L 186 du Livre des procédures fiscales (LPF), de l’acte renfermant la déclaration ou de la révélation à l’administration fiscale et non pas du fait même du don .
Selon l’administration , la législation ne comporte aucune imprécision puisque la législation fiscale a toujours considéré, de manière explicite, que c’était la révélation du don manuel qui constituait le fait générateur de la taxation, les rédactions successives de l’article 757 du CGI n’ayant jamais remis en cause ce principe.
Selon l’administration, il n’existerait pas de violation du principe d’égalité puisque tous les bénéficiaires d’un don manuel visés par ces dispositions sont placés dans une situation identique. Le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques ne ferait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général, pourvu que les règles qu’il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs.
Selon le ministère public il n’y a pas d’incompétence négative car la date du fait générateur de l’imposition des dons manuels est bien fixée parle législateur à l’article 757 du CGI et la législation des dons manuels ne comporterait aucune violation au principe d’égalité devant la loi et au principe d’égalité devant les charges publiques au regard des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Ceci étant observé, l’art. 757 du CGI dans sa rédaction applicable au litige précise que les droits de mutation portent sur les actes renfermant soit la déclaration ou la reconnaissance judiciaire d’un donmanuel, ou sur leur révélation à l’administration fiscale ; que M. X invoque dés lors à tort le principe de l’incompétence négative puisque la révélation du donmanuel est explicitement mentionné comme le fait générateur de l’imposition, aucune mention ne se référant à la date du don lui même .
L’administration fiscale et le ministère public s’opposent également justement à la violation alléguée du principe d’égalité des citoyens devant la loi et devant les charges publiques puisque tous les bénéficiaires d’un don manuel se trouvent dans la même situation et que la législation est conforme à des objectifs d’intérêt général visant à permettre l’acquittement des droits de mutation à la date de la révélation. La fixation du fait générateur au jour du don même non révélé favoriserait la dissimulation puisque le temps de la non révélation serait pris en compte pour le calcul notamment de la prescription.
A défaut de caractère sérieux, la demande de transmission est rejetée.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 27 janvier 2020, RG n° 19/06489