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Le 03 mars 2020

 

Le maire ne peut pas refuser un permis de construire au motif que le pétitionnaire n'est titulaire que d'une promesse de vente, hors cas de fraude. L'autorité administrative apprécie l'existence d'un droit à construire du pétitionnaire au jour où elle statue sur la demande d'autorisation d'urbanisme.

Par un acte sous signature privée du 22 janvier 2013, la commune de Norges-la-Ville a conclu avec la société de conseil en aménagement et lotissement de zone (CLAZ) une promesse de vente d'un terrain appartenant à la commune. La société a été rendue bénéficiaire, le 18 février 2015, d'un permis tacite, qui a toutefois été retiré par le maire le 17 avril 2015 au motif que le conseil municipal avait, postérieurement à sa demande, déclaré caduque la promesse de vente par une délibération du 6 novembre 2014. La société CLAZ a demandé l'annulation de ce retrait au Tribunal administratif de Dijon, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 15 juillet 2016. Par un arrêt du 31 juillet 2018 contre lequel la commune de Norges-la-Ville se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et la décision du 17 avril 2015.

Aux termes de l'art. R. 441-1 du Code de l'urbanisme, la demande de permis d'aménager comporte " (...) l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R.423-1 pour déposer une demande de permis (...) ". Aux termes de l'art. R. 423-1 du même code : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis d'aménager doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'art. R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Toutefois, lorsque l'autorité saisie de la demande vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de cette attestation ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'art. R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser pour ce motif le permis sollicité. 

Il en est ainsi en particulier lorsque l'autorité saisie de la demande de permis est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire a présenté sa demande. Mais, lorsque le pétitionnaire est, pour le terrain faisant l'objet de la demande de permis, titulaire d'une promesse de vente qui n'a pas été remise en cause par le juge judiciaire à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce, l'attestation par laquelle il déclare remplir les conditions pour déposer la demande de permis ne peut, en l'absence de manoeuvre frauduleuse, être écartée par l'autorité administrative pour refuser de délivrer le permis sollicité.

En l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société CLAZ a fourni, lors du dépôt de sa demande de permis d'aménager le 10 septembre 2014, l'attestation prévue par les dispositions de l'art. R. 441-1 du Code de l'urbanisme et que la qualité de propriétaire dont elle s'est prévalue découlait d'une promesse du 22 janvier 2013 consentie par la commune de Norges-la-Ville pour la vente du terrain d'implantation du projet et d'une délibération du conseil municipal de cette commune du 6 février 2013 approuvant cette vente. Si le maire de la commune a retiré le permis d'aménager dont la société CLAZ était devenue tacitement bénéficiaire le 18 février 2015 au motif qu'une délibération du conseil municipal du 6 novembre 2014 avait constaté la caducité de la vente et ainsi privé le pétitionnaire de la qualité requise pour obtenir le permis d'aménager, il résulte des constatations faites par la cour administrative d'appel dans le cadre de son pouvoir souverain qu'à la date de naissance du permis tacite, le juge judiciaire, qui était seulement saisi d'une action engagée pour contester la caducité de la promesse de vente, n'avait pas remis en cause la validité de cette promesse. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit  plus haut que l'attestation fournie par la société CLAZ ne pouvait, alors qu'aucune manoeuvre frauduleuse n'est alléguée, être écartée par l'autorité administrative pour considérer que le permis d'aménager tacite obtenu par cette société était illégal et pour procéder, pour ce motif, au retrait de ce permis. Ce motif, qui ne suppose l'appréciation d'aucune circonstance de fait supplémentaire, doit être substitué au motif retenu par la cour administrative d'appel dans l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.

 Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la commune de Norges-la-Ville doit être rejeté.

Référence: 

- Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 12 février 2020, req. N° 424608, mentionné dans les tables du Rec. Lebon