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Le 28 avril 2020

 

La situation particulière des gendarmes, statutairement tenus d’occuper un logement concédé par nécessité absolue de service qui leur est imposé, par opposition aux locataires du secteur civil, libres de contracter avec le bailleur de leur choix.

Mme B, adjudante-chef de la gendarmerie nationale, qui bénéficie d’un logement pour nécessité absolue de service au sein de la caserne Pradeilles à Mende, a été destinataire d’un avis, daté du 30 juin 2016, portant régularisation des charges dues au titre de l’année 2012 et faisant apparaître un montant de 50,98 EUR en sa faveur. Elle a demandé au tribunal administratif de Nîmes l’annulation de la décision du 7 avril 2017 par laquelle le ministre de l’intérieur, a, après avis de la commission de recours des militaires, rejeté son recours formé à l’encontre de cet avis. Le ministre de l’intérieur fait appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision.

Aux termes de l’art. L. 4145-2 du code de la défense : « Les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d’exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et des obligations particulières en matière d’emploi et de logement en caserne. ». Aux termes de l’article R. 2124-71 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le bénéficiaire d’une concession de logement par nécessité absolue de service ou d’une convention d’occupation précaire avec astreinte supporte l’ensemble des réparations locatives et des charges locatives afférentes au logement qu’il occupe, déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d’habitation, ainsi que les impôts ou taxes qui sont liés à l’occupation des locaux. Il souscrit une assurance contre les risques dont il doit répondre en qualité d’occupant. ». Aux termes de l’art. D. 2124-75 du même code : « Les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux annexés aux casernements bénéficient d’une concession de logement par nécessité absolue de service. ». Aux termes de l’art. D. 2124-75-1 du même code : « La gratuité du logement accordé en application de l’article D. 2124-75 s’étend à la fourniture de l’eau, à l’exclusion de toutes autres fournitures. ».

Il résulte des dispositions de l’art. R. 2124-71 du Code général de la propriété des personnes publiques que les réparations locatives et les charges locatives afférentes au logement occupé par le bénéficiaire d’une concession de logement par nécessité absolue de service sont déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d’habitation. La nature de ces réparations et de ces charges figure sur la liste des charges locatives récupérables annexée au décret du 26 août 1987 pris en application de l’article 18 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

D’une part, aux termes de l’art. R. 131-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction applicable en 2012 : " Au sens de la présente section, / Un immeuble collectif pourvu d’un chauffage commun est un immeuble qui comprend au moins deux locaux destinés à être occupés à titre privatif et chauffés par une même installation ; / Un local occupé à titre privatif est constitué par la pièce ou l’ensemble des pièces réservées à la jouissance exclusive de personnes physiques ou morales." . Aux termes de l’art. R. 131-2 du même code, dans sa rédaction applicable en 2012 :  " Tout immeuble collectif, équipé d’un chauffage commun à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif et fournissant à chacun de ces locaux une quantité de chaleur réglable par l’occupant, doit être muni d’appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage collectif. / Ces appareils doivent permettre de mesurer la quantité de chaleur fournie ou une grandeur représentative de celle-ci. ".

D’autre part, les charges afférentes au combustible ou à la fourniture d’énergie nécessaires au chauffage collectif des locaux privatifs et des parties communes sont mentionnées sur la liste annexée au décret du 26 août 1987 citée au point 3. A moins que l’immeuble concerné entre dans le champ des exceptions énumérées à l’art. R. 131-3 du Code de la construction et de l’habitation, eu égard notamment à la date de délivrance du permis de construire et à l’existence d’une impossibilité technique à poser des compteurs individuels, il y a lieu de tenir compte, pour déterminer le montant de ces charges, du principe de l’individualisation des frais de chauffage collectif posé à l’art. R. 131-2 précité de ce code, alors même que ces dispositions réglementaires ne se rapportent pas à la législation relative aux loyers des locaux à usage d’habitation. Cependant, en l’absence de réglementation spécifique au cas de la concession du logement par nécessité absolue de service dont bénéficient les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service, au sein de casernements ou de locaux annexés à ceux-ci, le ministre de l’intérieur peut légalement faire application du pouvoir qui lui appartient de réglementer la situation des agents placés sous ses ordres pour adapter, dans le respect du principe d’individualisation des charges de chauffage collectif, les dispositions de l’art. R. 131-7 du code de la construction et de l’habitation, dans leur rédaction applicable en 2012, lesquelles prévoient la répartition des frais de combustible ou d’énergie dans les immeubles collectifs à usage entièrement locatif.

Il résulte de l’instruction que le montant des charges réclamées après régularisation à Mme B au titre de l’année 2012 a été déterminé, s’agissant des frais de chauffage collectif au fioul, en fonction, d’une part, de la surface habitable du logement occupé par l’intéressée, d’autre part, du nombre de ses jours de présence à l’unité. Il est constant que ce logement, comme les autres logements de la caserne Pradeilles, est muni d’un appareil permettant d’individualiser les frais de chauffage collectif.

L’administration a fixé le montant des charges dues par Mme B en faisant application des principes prescrits par la circulaire du ministre de l’intérieur n° 102000 du 28 novembre 2011 relative à la gestion des charges d’occupation au sein de la gendarmerie. Le ministre ne conteste pas que ce n’est que le 23 janvier 2013 que cette circulaire a été mise en ligne sur le site internet relevant du Premier ministre alors prévu au premier alinéa de l’article 1er du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, actuellement repris à l’art. R. 312-8 du code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, comme le prévoient ces dispositions, cette circulaire n’était pas encore entrée en vigueur au cours de l’année 2012 sur laquelle porte la régularisation de charges contestée.

Le ministre de l’intérieur se prévaut néanmoins d’une autre circulaire du ministre de la défense, celle du 3 janvier 2001 relative a` l’application de règles de gestion en matière de charges d’occupation incombant aux militaires de la gendarmerie occupants d’un logement concédé´ par nécessité´ absolue de service, qui, ayant été reprise sur le site mentionné plus haut, conformément aux dispositions de l’article 2 du décret du 8 décembre 2008, était applicable au cours de l’année 2012. L’article 1.3 de cette circulaire énonce au nombre des principes généraux qu’elle met en oeuvre que : « Les charges imputables à l’Etat et aux parties prenantes individuelles (PPI) que sont les occupants () doivent être strictement séparées et individualisées. Elles sont, autant que faire se peut, calculées en fonction d’éléments objectifs tels que la consommation réelle () ou au prorata des surfaces habitables des locaux de services et techniques (LST) et des logements et du temps d’occupation () ». A ce titre, si l’art. 4.3 de la même circulaire dispose que, dans les immeubles collectifs, les charges de chauffage sont réparties au prorata des surfaces chauffées et du nombre de jours de chauffage imputable aux occupants, l’arti. 4.3.3., définissant les règles applicables aux logements dont les charges de chauffage sont individualisées, précise que les occupants doivent s’acquitter directement de la facture globale auprès du prestataire de service. Il résulte nécessairement de ces dispositions que le ministre a estimé que les charges de chauffage devaient être calculées en principe au prorata des surfaces habitables des logements et du temps d’occupation et qu’elles ne correspondent à la consommation réelle que lorsque les logements ne sont pas raccordés à un équipement de chauffage collectif mais sont équipés d’un système de chauffage individuel impliquant la souscription d’un abonnement individuel auprès d’un prestataire de service, lequel établit les factures en fonction des relevés effectués sur des compteurs posés dans chaque logement. Ces dispositions ont pour effet de maintenir le calcul des charges de chauffage collectif en fonction des surfaces habitables des logements et du temps d’occupation, y compris lorsque les logements sont équipés de compteurs individuels qui ne seraient pas contrôlés par un fournisseur d’énergie. 

Il résulte du préambule que comporte la circulaire du 3 janvier 2001 que celle-ci vise à prendre en considération la situation particulière des gendarmes, statutairement tenus d’occuper un logement concédé par nécessité absolue de service qui leur est imposé, par opposition aux locataires du secteur civil, libres de contracter avec le bailleur de leur choix. Le ministre a entendu établir « des règles équitables pour tous, qui s’efforcent d’intégrer la multiplicité des situations, en s’inspirant des règles de droit commun ». Si l’administration soutient que les dispositions citées au point précédent répondent à un souci d’équité, en ce qu’elles instaurent une peréquation systématique des charges de chauffage collectif entre occupants, elles méconnaissent en réalité le principe d’individualisation des charges prescrit par l’art. R. 131-2 du Code de la construction et de l’habitation, principe qui vise au surplus à la réalisation d’économies d’énergie. En conséquence, ces dispositions n’ont pu légalement fonder la régularisation des charges notifiée à Mme B au titre de l’année 2012.

Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’intérieur n’est pas fondé à se plaindre de ce que, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a annulé sa décision du 7 avril 2017 fixant à 50,98 EUR le montant de la régularisation de charges d’occupation du logement notifié à Mme B pour l’année 2012.

Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1. 500 EUR au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens.

Référence: 

- Cour administrative d'appel de Marseille, 8e chambre, 11 février 2020, RG n° 19MA02307