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Le 01 juin 2020

Est rejetée la demande de démolition d’un ouvrage (ligne électrique) construit sur le fonds d’autrui comme étant le produit d’une voie de fait, lorsque les propriétaires successifs de ce fonds, parmi lesquels l’auteur de la demande, sont réputés avoir accepté tacitement cet ouvrage dont ils avaient connaissance en restant inactifs pendant plusieurs années.

M. X, devenu propriétaire de parcelles sur lesquelles a été implantée sans titre une ligne électrique aérienne, et désireux de procéder à des plantations d’arbres à proximité, en a demandé le déplacement à ERDF, alléguant une voie de fait .

M. X a fait grief à l’arrêt d'appel de retenir l’incompétence de la cour d’appel en l’absence de voie de fait, alors, selon le moyen soutenu par lui :

1°/ que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu’en décidant qu’en l’état de parcelles à vocation agricole, l’impossibilité de planter des arbres 10 mètres sous la ligne électrique, stérilisant 14 % de la surface et entraînant une perte de production à hauteur de 4.322 EUR ne caractérisait pas une atteinte grossière et intolérable à la propriété immobilière, la cour d’appel a violé l’article 544 du Code civil, ensemble l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

2°/ que constitue une atteinte grave à la propriété, et par suite, une voie de fait, l’implantation irrégulière, par l’administration, d’un ouvrage sur une propriété privée ; qu’en décidant que l’implantation d’une ligne électrique sur la parcelle appartenant à M. X… ne constituait pas une voie de fait, aux motifs que les parcelles en cause avaient une vocation agricole, et que l’impossibilité de planter des arbres 10 mètres sous la ligne électrique, stérilisant 14 % de la surface et entraînant une perte de production à hauteur de 4.322 EUR ne caractérisait pas une atteinte grossière et intolérable à sa propriété immobilière, tout en constatant que la ligne électrique avait été implantée en dehors de toute procédure administrative régulière, la cour d’appel a violé l’article 545 du Code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

3°/ que le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation ; qu’en déduisant de la seule ancienneté de l’implantation de la ligne l’acceptation tacite des propriétaires successifs, la cour d’appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil ;

4°/ que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ; qu’en décidant que l’acceptation tacite des propriétaires successifs pendant de longues années excluait la voie de fait, laquelle supposait, par le caractère intolérable du trouble commis, la réaction immédiate de ceux qui en sont victimes, tout en constatant que la société ERDF ne pouvait justifier du respect des procédures prévues par les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906 et sans relever que M. X, qui avait acquis les terrains le 30 octobre 2006 et sollicité dès le 7 septembre 2007 le déplacement de la ligne électrique, eût lui-même donné son consentement à l’implantation de ces lignes, la cour d’appel a violé l’article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

5°/ que constitue une voie de fait la décision de l’administration portant une atteinte grave au droit de propriété, si cette décision est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ; qu’en décidant que, même si elle ne justifiait pas avoir respecté les dispositions des articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, la société ERDF avait agi dans le cadre de ses pouvoirs, dès lors que sa mission consistait, dans l’intérêt commun, à électrifier le territoire, sans constater qu’elle disposait d’un pouvoir de procéder à l’implantation de lignes électriques en dehors des procédures légales visées par les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, la cour d’appel a violé l’article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 .

Mais ayant relevé qu’il n’était pas contesté que la ligne électrique aérienne était ancienne et retenu que, quand bien même ERDF ne pouvait justifier d’un titre, l’inaction pendant de longues années des propriétaires successifs des parcelles, en pleine connaissance de l’ouvrage réalisé, caractérisait une acceptation tacite de cet ouvrage, la cour d’appel, indépendamment d’un motif erroné mais surabondant relatif à la justification de l’empiétement par les missions d’intérêt général confiées à ERDF, a pu en déduire, sans méconnaître la portée du droit de propriété de M. X, que la voie de fait n’était pas caractérisée.

Le pourvoi est rejeté.

Référence: 

- Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 décembre 2012, pourvoi n° 11-21.616, rejet, publié au bulletin