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Le 15 août 2020

 

Le banquier dispensateur de crédit est principalement tenu, au moment de la conclusion du prêt et en application de l’article 1147 du code civil, d’une obligation de vérification et de mise en garde à l’égard des emprunteurs non avertis, sur l’adéquation entre leurs ressources et la charge de l’emprunt, afin que leur capacité de remboursement soit exactement mesurée aux échéances du prêt ; il n’est en principe pas obligé de contrôler la pertinence et la viabilité de l’opération réalisée par l’emprunteur au moyen du prêt consenti ; c’est uniquement dans le cas où il serait informé, au moment de l’octroi du prêt, des risques de l’opération, qu’il lui appartiendrait de mettre en garde son client.

Le « marché de travaux privés », que Mme X et M. Y ont passé le 2 octobre 2014 avec la société CASA NOVA, présentait la particularité de se qualifier lui-même de « contrat de construction d’une maison individuelle », dans le premier article définissant le contenu du contrat, et de comporter en effet certaines des caractéristiques d’un contrat de cette nature, avec la fourniture de plans, mais de ne pas être rédigé selon les modalités d’ordre public prévues aux articles L. 230-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, qui obligent entre autres à mentionner au contrat les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, telles que prévues à l’article L. 230-2. L’acte contractuel ne comportait aucune garantie d’achèvement des travaux, ou de restitution des acomptes versés, pour le cas où le constructeur ne réaliserait pas toutes les prestations convenues.

Le Crédit Agricole, en sa qualité de banquier, se devait d’attirer l’attention de Mme X et M. Y sur cette anomalie, à supposer qu’ils doivent être considérés comme des emprunteurs non avertis ; à cet égard Mme X et M. Y se limitent à se désigner comme profanes, alors qu’ils n’ont déclaré leur profession ni dans l’acte d’appel, ni dans leurs conclusions, comme ils en avaient pourtant l’obligation (articles 54 et 57 du code de procédure civile, auxquels renvoie l’article 901 du même code), de sorte que la cour n’est pas en mesure de vérifier qu’ils étaient dépourvus de connaissances dans le domaine de la construction.

À supposer même qu’ils doivent être considérés comme des emprunteurs non avertis, Mme X et M. Y ont reçu du Crédit Agricole une « fiche conseil "construction sans CCMI ", document qu’ils ont signé le 5 décembre 2014, et par lequel ils ont reconnu que le Crédit Agricole avait attiré leur attention sur le fait que leur projet de construction pouvait « relever des protections offertes par la réglementation en matière de contrat de construction de maison individuelle (garantie de livraison à prix et délai convenus, garantie de remboursement […]) », que le Crédit Agricole leur avait « conseillé de consulter un homme de l’art ['] pour vérifier si leur projet » relevait ou non des protections réglementaires précédemment évoquées, et que, dans l’hypothèse où ils ne souhaiteraient pas prendre conseil auprès d’un homme de l’art, ils s’interdisaient de rechercher la responsabilité du Crédit Agricole.

Par cet avertissement écrit, clair et explicite, adapté à la situation dans laquelle se trouvaient Mme X et M. Y, le Crédit Agricole les a mis en garde, dès avant d’accorder le prêt, sur les risques d’inachèvement des travaux que comportait l’acte contractuel qu’ils avaient conclu, risque qui s’est vérifié. Le Crédit Agricole a rempli son obligation sur ce point, sa responsabilité n’est donc pas engagée, au stade de la conclusion du contrat de prêt.

Le Crédit Agricole a, en exécution du contrat de prêt, opéré le 13 février 2015 un premier versement de 60 .859,20 EUR sur le compte de l’étude de maître William F, notaire à Rochefort-Montagne, ayant établi l’acte d’acquisition du terrain ; ce premier versement destiné à payer le prix de vente n’est pas contesté. Le Crédit Agricole a ensuite effectué, en février, mars, mai et juillet 2015, cinq autres virements, sur le compte joint de Mme X et de M. Y, pour les sommes de 20. 835, 20. 835, 55. 560, 2.0 835 et 13.890 EUR. Il a effectué ces paiements au vu de factures émises pour les mêmes montants par la société CASA NOVA, et que lui avaient transmises Mme X et M. Y ; ces derniers, ayant reçu les dites sommes, les ont versées à la société CASA NOVA en paiement des factures.

Il appartenait à Mme X et M. Y eux-mêmes, en leur qualité de maîtres de l’ouvrage, de vérifier, avant de verser les dites sommes à la société CASA NOVA, qu’elles correspondaient à l’état réel d’avancement des travaux ; ils ne sauraient reprocher au Crédit Agricole de leur avoir versé les fonds, sans exiger que les factures aient été visées et approuvées par l’architecte maître d’oeuvre désigné par le contrat de travaux du 2 octobre 2014, M. C-D E, ou sans attirer leur attention sur cette lacune : la clause du contrat de prêt, selon laquelle le prêteur « pourrait être amené à vérifier si les fonds à verser correspondaient bien à l’état d’avancement des travaux », n’était insérée que dans le seul intérêt du prêteur, et ne constituait pour lui qu’une simple faculté. Le Crédit Agricole en sa qualité de prêteur n’avait aucune obligation de surveiller l’avancement du chantier, et pouvait, sans faute de sa part, s’en remettre sur ce point à Mme X et M. Y, à qui il incombait, avant de transmettre les factures au Crédit Agricole puis de reverser les fonds à l’entreprise de construction, de s’assurer par eux-mêmes de cet avancement, en prenant attache le cas échéant avec l’architecte désigné dans le contrat de travaux.

Aucune responsabilité ne peut donc être davantage retenue contre le Crédit Agricole, au stade de l’exécution du contrat de prêt.

C’est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de Mme X et M. Y, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

Référence: 

- Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 10 juin 2020, RG n° 18/01302