Les actes de donation en date des 28 avril 2004 et 30 décembre 2005, stipulent les clauses suivantes:
«'En raison des charges et conditions ci-dessus stipulées et pendant tout le temps où elles s’appliqueront, LE DONATAIRE s’interdit formellement d’aliéner et de nantir les droits sociaux donnés, à peine de nullité des aliénations et des nantissements et de révocation de la présente donation».
«À défaut par LE DONATAIRE d’exécuter les charges et conditions de la présente donation, la donation sera révoquée de plein droit en dépit des termes de l’article 956 du code civil, un mois après un simple commandement de payer ou d’exécuter adressé par le DONATEUR ou son représentant, resté sans effet».
Par courrier recommandé en date du 14 juin 2017, M. B X a notifié son projet de cession à Mme D X, associée de la société Babel Holding, en ces terme:
«je vous notifie par la présente, conformément à l’article 10 des statuts de la société, un nouveau projet de cession portant sur les parts sociales suivantes que je détiens (ci-après désignés les «'titres'») dans le capital social de la société, savoir':
— la pleine propriété de huit mille cent quinze parts (8.115) parts sociales de la société, numérotées de 1 à 4.375, de 8.751 à 10.620 et de 21.243 à 23.112 et
— la nue propriété de quatre mille trois cent soixante-quinze (4.375) parts sociales de la société, numérotées de 12.493 à 16.867.
Pour éviter tout malentendu, je vous précise que ledit projet de cession ne concerne pas la quote-part de mes droits indivis dans la nue propriété de dix (10) parts sociales de la société numérotées 12.491, 12.492, et de 24.985 à 24.992.
La cession que j’envisage de réaliser interviendrait au plus tard le 31 octobre 2017 au profit de la société RESPONSIVE MARKET, société par actions simplifiée au capital de 10.000 €, dont le siège social est situé à PARIS (75005) ' […], immatriculée sous le […], moyennant le versement par cette dernière d’un prix de UN MILLION QUATRE CENT MILLE EUROS (1.400.000 €).
Conformément aux dispositions statutaires, je vous notifie ce projet de cession aux fins de requérir de la collectivité des associés de la Société qu’elle agrée:
— l’opération de cession des Titres de la Société que je détiens,
— la société RESPONSIVE MARKET en qualité de nouvelle associée de la Société.'»
Le 5 septembre 2017, Mme Z A a fait délivrer à M. B X un commandement d’exécuter visant la clause révocatoire, rappelant les termes de la clause révocatoire suite au projet de cession des parts sociales précité et au courrier de M. B X en date du 23 août 2017 par lequel il assurait n’avoir noti’é à la société aucune renonciation à son projet de cession. Le commandement a précisé': «'à défaut de respecter l’interdiction d’aliéner et passé le délai d’un mois du commandement, la révocation des donations qui lui ont été faites aura lieu de plein droit».
Par courrier du 13 décembre 2017, M. B X a écrit à Mme Z A qu’il n’entendait pas renoncer à son projet de cession de parts sociales, en précisant:
«j’entends procéder à la cession des parts sociales dans le respect des dispositions légales et statutaires applicables, et qu’à cet effet j’ai saisi le tribunal de grande instance d’Orléans aux fins d’obtenir l’autorisation judiciaire de disposer des parts sociales visées par ces actes de donation».
Il convient de rappeler que les donations de parts sociales des 28 avril 2004 et 30 décembre 2005 comportent une interdiction d’aliéner et non une interdiction d’intention d’aliéner. Cette clause n’interdit donc pas au donataire de notifier un projet de cession des parts sociales, le donateur disposant de la faculté de renoncer à l’inaliénabilité stipulée dans les actes de donation en intervenant à l’acte de cession. Il ne peut donc être considéré que M. B X a violé l’interdiction d’aliéner en ne renonçant pas à son projet de cession avant l’expiration du délai d’un mois suivant le commandement d’exécuter, dès lors qu’aucune cession des parts sociales n’a effectivement été réalisée.
Les dispositions de l’article L.223-14 du Code de commerce, dont l’application est revendiquée par l’appelante, prévoient une procédure particulière en cas de cession de parts sociales à des tiers étrangers à la société':
«Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d’acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d’expertise sont à la charge de la société. À la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.
La société peut également, avec le consentement de l’associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus».
En l’espèce, l’agrément du cessionnaire envisagé par le projet de M. B X a été refusé par l’assemblée générale des associés de la société Babel Holding, de sorte que les associés étaient tenus d’acquérir ou de faire acquérir les parts sociales. Cependant, ces dispositions qui ne concernent que les relations entre associés et non les relations entre donateur et donataire, et aucun élément ne permet d’établir que la société a acquis ou fait acquérir les parts sociales détenues par M. B X. En outre, les associés n’étaient nullement tenus d’acquérir des parts sociales qui seraient cédées en violation d’une interdiction d’aliéner insérée dans l’acte de donation et non dans le contrat de société. Le moyen tiré de l’application de l’article L.223-14 du Code du commerce est donc inopérant.
Au regard de ces éléments, il convient de rejeter la demande de l’appelante tendant à voir constater la révocation de plein droit des donations consenties par actes en date des 28 avril 2004 et 30 décembre 2005. Le jugement qui a rejeté tous autres chefs de demande dont la demande de révocation des donations, est donc confirmé sur ce point.
- Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 22 juin 2020, RG n° 18/02706