Aux termes de l’article L.321-13 alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime, les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers.
En l’espèce, la succession de Mme J Y comprend effectivement des terres à vocation agricole qui étaient à l’origine la propriété de ses parents, M. Q F et Mme R S son épouse et sur lesquelles M. Z Y prétend avoir travaillé jusqu’en 2009.
Il a en effet bénéficié d’abord d’un bail à métayage d’une durée de 9 années à compter du 1er mars 1966, que lui avait concédé M. Q F peu avant son décès le 20 mai 1966, converti en un bail à fermage conclu le 9 janvier 1970 avec la veuve et les filles du défunt. Le bail s’est poursuivi jusqu’au 23 janvier 1986, date à laquelle il a fait l’objet d’une résiliation conventionnelle entre les parties. Jusqu’à cette date, en vertu des ces baux successifs, M. Z Y est devenu lui-même exploitant agricole des terrains en cause, l’existence des baux étant incompatible avec la notion d’absence de rémunération comme le souligne l’intimée.
C’est également au 23 janvier 1986, par l’effet de la donation-partage décidée par Mme R S veuve F, que sa fille Mme J Y est devenue seule propriétaire de ce patrimoine immobilier agricole. Rien n’indique cependant qu’elle en a, à l’âge de 60 ans, repris l’exploitation qu’elle n’avait auparavant jamais pratiquée.
Le premier juge a à juste titre considéré que, après la résiliation du bail rural, le devenir des terres était plus incertain mais les photographies produites, les diverses correspondances de la Mairie de Gordes, du Conseil général de Vaucluse, ainsi que les attestations de la MSA et le rapport d’expertise de Mme G montrent ²que M. Z Y a continué à les travailler et les entretenir, quoique dans une mesure beaucoup limitée au regard notamment de l’arrêt de la production viticole.
Ces mêmes documents révèlent toutefois qu’il a poursuivi son activité, non pas pour le compte de sa mère, mais toujours à titre personnel en qualité d’exploitant agricole, revendiquant lui-même dans ses conclusions le bénéfice d’un bail verbal à cet effet de même qu’une inscription en tant que chef d’exploitation auprès de la MSA. Il a au surplus ajouté aux terres appartenant à sa mère d’autres parcelles et a intégré les revenus tirés de leur exploitation à ses propres déclarations fiscales.
En conséquence, M. Z Y a, depuis l’origine, exploité les terrains familiaux en son nom propre et pour son compte et s’est comporté comme leur exploitant personnel, faisant siens les pertes et profits qu’il en dégageait. Son activité ne correspond donc pas à la participation désintéressée à l’exploitation d’un ascendant qui seule peut ouvrir droit à une créance de salaire différée, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande qu’il présente à ce titre.
- Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 3 septembre 2020, RG n° 19/00027