Conformément à l’article 1382 du Code civil devenu l’article 1240, la responsabilité personnelle du mandataire judiciaire agissant dans le cadre de ses fonctons, ne peut être engagée que pour faute prouvée.
Le mandataire judiciaire doit apporter tous ses soins et agir avec diligence dans le cadre de la mission qui lui est confiée. Il pèse sur lui une obligation de moyens.
Il agit dans l’intérêt de la collectivité des créanciers et n’a pas à se substituer au bailleur pour l’exercice de ses droits.
En ce qui concerne la restitution des locaux, les sociétés appelantes font valoir :
— qu’il appartenait au mandataire judiciaire à partir du moment où il n’envisageait pas la poursuite d’activité ou la cession du fonds, de mettre les lieux à la disposition des sociétés bailleresses
— que ces dernières ne pouvaient se voir contraintes d’accepter de reprendre des locaux meublés de matériels qui ne leur appartenaient pas et dont le mandataire avait choisi une destination autre ,en voulant les en instituer « gardiennes » alors que ces meubles appartenaient à une société liquidée.
Cependant c’est par des motifs pertinents auxquels la cour se réfère pour plus ample informé que le Premier juge, après avoir minutieusement analysé l’ensemble des échanges de courriers entre les parties, a considéré :
— que les locaux avaient été restitués dans les meilleurs délais, sans faute du mandataire liquidateur
— que c’est en raison des tergiversations des bailleurs que les meubles meublants appartenant à la société liquidée sont restés dans les lieux jusqu’au mois de novembre 2015.
Les nombreux courriers échangés entre la SELAS EGIDE, le conseil des sociétés bailleresses et le gérant de ces dernières, permettent de retracer la chronologie suivante :
— la SELAS EGIDE a été désignée par jugement du 4 juin 2015,
— après avoir reçu la gérante de la société THE LOFTS , le mandataire a écrit au conseil des sociétés bailleresses le 12 juin 2015 pour les informer « qu’il était à la recherche d’un repreneur pour le fonds de commerce et à défaut, envisageait de procéder à la vente aux enchères des mobiliers et matériels appartenant à la SARLu »
— le 19 juin, les bailleresses ont indiqué par lettre officielle de leur conseil qu’elles n’entendaient pas racheter le fonds de commerce et qu’elles tenaient à faire savoir que le mobilier et les matériels se trouvant dans les locaux leur appartenait en quasi totalité, les locaux ayant été loués en meublé,et que dans ces conditions « aucun autre meuble, objet, ou matériel d’équipement autre que ceux dont la SARL THE LOFTS pourrait justifier de la propriété selon facture, ne saurait être appréhendé ou vendu »
— la SELAS EGIDE a mandaté Me A, commissaire-priseur, le 16 juin pour procéder à l’inventaire contradictoire des meubles laissés dans les lieux en indiquant au conseil des bailleurs qu’il souhaitait que l’inventaire soit établi en leur présence,
— les opérations d’inventaire ont été réalisées le 23 juin, en présence des bailleurs et de la représentante de la société liquidée, en opérant une distinction entre les biens lui appartenant en pleine propriété et ceux mis à sa disposition par les bailleurs, en précisant toutefois que cela demanderait une manutention importante pour scinder les actifs (outre les difficultés liées à la grande hauteur du bâtiment pour un déménagement)
— les bailleurs ont émis des réserves le 16 juillet 2015 sur cet inventaire
— le 16 juillet 2015, le mandataire judiciaire a procédé à la résiliation des baux
— des jeux de clés ont été adressés aux sociétés propriétaires courant juillet 2015 lorsque les derniers occupants ont quitté les lieux, après nettoyage des locaux
— l’inventaire a été adressé aux sociétés bailleresses le 23 juillet 2015 ( pièce numéro 16) « afin de travailler sur une base commune et d’affiner leurs revendications »
— le 24 juillet 2015, la SELAS EGIDE a informé les bailleurs qu’elle avait reçu une offre d’achat moyennant un prix de 1500 € HT (comprenant la prise en charge, l’enlèvement et la dépose de tous les éléments) et a suscité les observations des bailleurs
— le 24 août 2015, le mandataire judiciaire a indiqué qu’après avoir interrogé Madame D E, toutes les clés en sa possession avaient été restituées
— par ordonnance du 25 août 2015, le juge commissaire a autorisé la cession de gré à gré à Monsieur Y pour un prix de 1800 € TTC des meubles identifiés dans l’inventaire comme étant la pleine propriété de la société THE LOFTS
— l’inventaire a de nouveau été adressé aux bailleurs le 10 septembre 2015 (accompagné de l’offre du repreneur, Monsieur Y), le mandataire invitant les bailleurs à faire toutes observations sur les biens dont ils revendiquent la propriété
— le mandataire a par courrier du 17 septembre 2015 demandé au bailleur de communiquer ses disponibilités pour permettre l’enlèvement des actifs par l’acheteur
— en réponse, leur conseil a rappelé leurs exigences puisqu’ils prétendent être propriétaires de tous les biens dont la société locataire ne justifie pas de la propriété par une facture
— le 19 octobre 2015, Monsieur Y s’est désisté de son offre compte tenu des difficultés soulevées par les bailleurs
— le 19 novembre 2015, les sociétés bailleresses se sont portées acquéreurs des meubles pour un prix de 2000 € qui a été payé par compensation avec le montant de la créance déclarée
— à compter de cette date, elles ne contestent pas avoir repris totalement possession des locaux.
Il en résulte qu’il s’est écoulé un délai d’un mois et demi entre la désignation du mandataire et la décision de procéder à la résiliation des baux, étant rappelé que par courrier de leur conseil en date du 19 juin 2015, les bailleurs ont décliné l’offre de se porter acquéreurs du fonds de commerce tout en faisant savoir que le mobilier et le matériel se trouvant dans les lieux leur appartenaient en quasi-totalité.
Il n’est pas contesté que la restitution des locaux ne pouvait intervenir tant que les meubles et matériel d’équipement appartenant à la société locataire n’étaient pas enlevés.
Il importait donc que les parties s’accordent à ce sujet au plus vite et à défaut, de saisir le juge commissaire de la difficulté.
L’inventaire contradictoire établi par Maître A comporte 97 articles figurant dans la rubrique « biens en pleine propriété ».
Les bailleurs ont été invités à plusieurs reprises à formuler leurs observations sur cet état et ont tardé à répondre de façon précise et circonstanciée.
Dans leur courrier officiel du 29 septembre 2015, ont demandé d’exclure de la liste des biens à vendre, ceux dont ils s’estimaient propriétaires ( en annotant à cet effet l’inventaire établi par Maître A) alors que le mandataire judiciaire les invitait à justifier de leur propriété et à défaut d’accord, à mettre en 'uvre la procédure de revendication prévue par l’article L 624-9 du code de commerce.
Ce faisant, ils ont compromis le projet de vente de gré à gré autorisé par le juge-commissaire le 25 août 2015.
La difficulté provient de ce que contrairement aux stipulations du bail, aucune liste des meubles mis à la disposition par les bailleurs n’a été établie lors de la prise d’effet du bail et que l’inventaire établi par Maître A n’a jamais été agréé par les bailleurs lesquels revendiquent l’application des clauses contractuelles selon lesquelles les biens et équipements non justifiés par une facture d’achat par la société THE LOFT appartiendraient aux bailleurs ( ce qui revient à se voir reconnaître propriétaire de la quasi-totalité des meubles meublants).
Il n’appartenait pas au mandataire judiciaire de faire droit à de telles prétentions alors qu’il n’a jamais été justifié des stipulations contractuelles invoquées et que les meubles restés dans les lieux constituaient le seul actif de la société liquidée, au demeurant de valeur modeste.
Faute pour les bailleurs d’avoir mis en 'uvre les moyens de droit dont ils disposaient en vue d’un débat contradictoire (action en revendication, tierce-opposition à l’ordonnance d’autorisation du 25 août 2015), ils ne peuvent faire grief au mandataire judiciaire une absence de diligence.
Aucun manquement ne peut être reproché au mandataire judiciaire dans la restitution des locaux dès lors que le retard ne résulte que des seules exigences des sociétés bailleresses qui entendaient s’opposer à la vente des meubles sans pour autant prêter leur concours à la répartition des actifs alors qu’elles étaient à l’origine du litige concernant leur composition.
Il est à noter qu’en cause d’appel les sociétés bailleresses ne justifient pas plus du droit de propriété qu’elles revendiquent sur les biens litigieux alorsqu’au final, elles s’en sont portées acquéreurs.
Le jugement est confirmé de ce chef.
- Cour d'appel de Toulouse, 2e chambre, 23 septembre 2020, RG n° 19/00127