L'avantage matrimonial conféré par l'adoption d'un régime de communauté universelle avec clause d'attribution intégrale de cette communauté au conjoint survivant ne constitue pas une donation, mais ouvre droit à réduction au bénéfice d'un enfant qui ne serait pas issu des deux époux, ce qui est le cas de Danielle C.
Les parties s'opposent sur les modalités de calcul de l'indemnité de réduction, Alain P. soutenant qu'elle doit être déterminée en prenant pour base une communauté universelle avec reprise des apports, Danielle C. soutenant l'inverse.
Pour fonder sa demande Danielle C. fait valoir que la clause insérée au contrat de mariage du 28 mai 1995, par lequel les époux ont adopté le régime de la communauté universelle établi par l'article 1526 du Code civil, et rédigée en ces termes :
«les comparants conviennent, à titre de convention de mariage, conformément aux articles 1524 et 1525 du code civil, qu'en cas de dissolution de la communauté par le décès de l'un d'eux, tous les biens meubles et immeubles qui composeront ladite communauté sans exception, appartiendront en pleine propriété au survivant, sans que les héritiers ou représentants du prédécédé puissent prétendre y avoir aucun droit, même pour les deniers entrés en communauté du chef de leur auteur. Cette stipulation s'appliquera qu'il existe ou non des enfants du mariage et, s'il en use, le survivant sera seul tenu d'acquitter toutes les dettes de la communauté» ;
doit s'analyser comme étant une clause prohibant les reprises, à défaut ladite clause serait dépourvue de toute portée.
La clause sus énoncée figure à l'article 8 du contrat de changement de régime matrimonial, intitulé «attribution de communauté» et fait suite à l'article 2 relatif à la composition des patrimoines, précisant que :
«seront exclus de la communauté et appartiendront en propre à chaque époux, sauf récompense s'il y a lieu, les biens suivants, même s'ils ont été acquis au cours du mariage :
- les vêtements, ['] plus généralement tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne ;
- les instruments de travail [']
- les biens donnés ou légués sous la condition qu'ils n'entreront pas en communauté, ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi de biens propres. Le passif afférent aux biens propres sera supporté par l'époux propriétaire.»
Comme rappelé à l'acte du 8 novembre 2003 établi après homologation du changement de régime matrimonial par jugement du 12 février 2003, les époux P./G. ont convenu qu'en cas de dissolution du mariage par décès de l'un des époux, tous les biens qui composeraient la communauté appartiendraient en pleine propriété au survivant.
En effet la loi laisse la liberté aux époux de concevoir les bases de répartition de la communauté autres que celles qu'elle prévoit, les modalités énoncées aux articles 1521 et 1524 du Code civil n'étant qu'indicatives, stipulation de parts inégales ou attribution intégrale.
La clause figurant à l'article 8 du contrat de mariage a pour signification unique de prévoir une attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant, alors que les époux auraient très bien pu convenir, d'une attribution partielle ou selon les dispositions de l'article 1524 du Code civil alinéa 2, soit «outre sa moitié de la communauté l'usufruit de la part du prédécédé».
Cette clause ne peut donc s'analyser comme le soutient Danielle C. comme une clause excluant la reprise des apports.
Il est constant que sauf stipulation contraire, la reprise des apports est de droit ainsi que le prévoit l'article 1525 alinéa 2 du Code civil, et en l'espèce il ne peut, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, être considéré qu'à l'article 8 du contrat de mariage les époux P./G. ont prévu de façon non équivoque l'exclusion de la reprise.
Ensuite il est également constant que :
- ne peuvent être repris que les biens apportés par le conjoint survivant à la communauté et qui se retrouveraient dans la communauté au jour du décès de l' autre époux ;
- aucune distinction n'étant faite par l'article 1525 alinéa 2 précité, son application ne saurait être restreinte aux seuls héritiers par le sang et le conjoint survivant, héritier comme les autres, ne saurait être exclu du droit à la reprise, contrairement à ce que soutient Danielle C. dans ses écritures.
Dans ces conditions le notaire faisant application de ces principes a justement calculé l'avantage matrimonial procuré à Alain P. après reprise des apports par la différence entre les droits du conjoint tels qu'ils résultent du contrat de mariage et ceux qui auraient été les siens en application des règles du régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts.
Tenant les évaluations résultant du procès verbal de difficulté du 17 décembre 2015, c'est à juste titre que le tribunal a fixé l'indemnité de réduction à la charge de Alain P. à la somme de 68'088,96 EUR, les critiques de Danielle C. sur la non prise en compte des biens entrés en communauté du chef de sa mère Gabrielle G. n'étant pas justifiées au vu de l'acte établi par maître A. qui énonce, d'une part, en page 13 les reprises par la succession des biens apportés (soit les sommes de 166,67 EUR et 25'000 EUR), et d'autre part, le sort des appartements achetés par Gabrielle G. le 22 décembre 1976 et le 3 janvier 1995 qui ont été revendus le 18 décembre 2003 et le 23 janvier 2004, lesquels ne peuvent plus être pris en considération par application du principe posé à l'article 922 du Code civil selon lequel la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès.
Le jugement est en conséquence confirmé.
- Cour d'appel d'Agen, 1re chambre civile, 5 novembre 2020, RG n° 18/00610