A l'appui de sa demande, monsieur P. expose qu'il a subi un préjudice en ne pouvant réaliser la vente des trois parcelles qu'il projetait de lotir, et considère que l'EARL du Relais de la Poste porte la responsabilité de ce préjudice dès lors qu'elle a décidé en 2007 de réunir son exploitation d'élevage, précédemment exploitée sur deux sites, sur la parcelle située [...], faisant ainsi passer son exploitation, d'une exploitation classique à une exploitation classée ce qui a eu pour effet de rendre inconstructibles les parcelles objets du litige. Il estime que la seule décision de l'EARL tendant à exercer son activité dans le cadre d'une installation classée, entraine nécessairement pour lui un préjudice dès lors qu'il ne peut plus exercer pleinement son droit de propriété sur deux des parcelles, et plus du tout sur la troisième.
Il considère qu'il s'agit bien là d'un trouble de jouissance et rappelle que toute personne lésée par le fonctionnement d'une installation classée peut saisir le juge civil, et ce indépendamment du caractère valable de l'autorisation administrative. Il soutient que les nuisances propres à toute installation classée justifient à elles seules le caractère anormal du trouble, qui réside dans la restriction au droit qu'il a de jouir comme il l'entend des terrains qu'il possède depuis bien avant l'installation classée.
Il indique qu'il a finalement réussi à vendre les parcelles litigieuses, mais n'en a pas moins subi un préjudice très important dès lors qu'il avait souscrit un prêt relai qui aurait du être remboursé par la vente des parcelles et ne l'a pas été, qu'il a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et a du acquitter de nombreux frais.
Il résulte de l'argumentaire de monsieur P. que celui-ci fonde sa demande de dommages et intérêts sur la notion de trouble anormal du voisinage, voire sur la responsabilité civile de droit commun de l'EARL du Relai de la Poste, bien que aucun autre texte plus général en la matière ne soit visé.
Un trouble de voisinage peut se définir comme une nuisance générée par une personne, une chose ou des animaux dont elle est responsable, et qui cause un préjudice aux personnes se trouvant dans la même aire de proximité.
Il est donc nécessaire de définir l'activité, ou l'état de fait générant une nuisance, en termes de bruits, odeurs, etc..., de même qu'il est nécessaire de caractériser le trouble en résultant dans les conditions d'existence du voisinage.
En l'occurrence, et ainsi que relevé par le premier juge et par l'intimée, monsieur P. n'invoque aucun préjudice lié à ses conditions d'existence. L'allégation selon laquelle toute personne lésée par le fonctionnement d'une installation classée peut obtenir réparation, n'est exacte que dans la mesure où le caractère anormal de ce fonctionnement est démontré et constitue une gêne dans l'existence quotidienne du voisinage, ce qui résulte de la jurisprudence produite par l'appelant mais ne correspond pas en revanche à la situation de l'espèce.
Monsieur P. n'allègue à aucun moment être gêné dans ses conditions d'existence par la proximité d'une installation agricole classée et par les nuisances générées par cette activité.
Le fait que son projet de lotissement n'ait pu aboutir, tel qu'il était formulé initialement, en raison de la proximité d'une telle installation, ne caractérise aucun trouble anormal du voisinage, mais uniquement une perte de valeur de ses terrains, qu'il pensait vendre comme terrains à bâtir. De surcroit, seule la configuration qu'il entendait donner à son terrain, en le divisant en trois lots, générait l'opposition de la commune, alors qu'il résulte du courrier de la Chambre d'Agricultude de la Moselle en date du 18 août 2015 et de l'arrêté de non opposition pris par le maire de Roussy le Village le 1er septembre 2015, que la modification du projet, qui ne comportait plus que deux lots, a permis, au moins pour partie, de lever l'opposition.
Il apparaît en outre que le passage de l'EARL en installation agricole classée s'est fait en octobre 2007 soit sept ans avant que monsieur P. ne décide de constituer sur ses terrains trois parcelles à lotir, et que l'affichage du récépissé de la déclaration relative à une installation classée a été effectué durant un mois, du 13 novembre 2007 au 13 décembre 2007.
L'existence de cette installation était donc largement antérieure au projet de monsieur P., et celui-ci n'était pas sensé l'ignorer. Le fait qu'il ait été lui même avant 2007 propriétaire des terrains litigieux, n'est pas de nature à faire porter une quelconque responsabilité à l'EARL, qui justifiait des raisons la faisant passer sous le statut d'installation classée, et n'a rencontré aucune opposition à cet égard. Aucune faute ne peut donc lui être imputée, autorisant à mettre à sa charge la dépréciation éventuelle des terrains de monsieur P. à raison d'un projet qu'il n'a formalisé que largement après l'initiative prise par l'EARL de mettre aux normes sa propre exploitation, ce qui avait pour conséquence de la faire passer sous le régime des installations classées.
Il appartenait à monsieur P. de se renseigner sur la situation et la faisabilité de son projet en 2014 et d'attendre la réponse de la commune avant de décider de contracter un emprunt important ainsi qu'il l'a fait, et le préjudice financier qu'il a subi à raison de l'impossibilité momentanée de vendre ses parcelles, ne peut être imputé à une quelconque attitude fautive de l'EARL.
En l'absence de tout trouble anormal du voisinage ou de toute attitude fautive de l'EARL du Relais de la Poste, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dédommagement présentée par Monsieur P., et le jugement de première instance doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Il est équitable d'allouer à l'EARL du Relais de la Poste, en remboursement des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la présente instance, une indemnité de 4.000 EUR.
- Cour d'appel de Metz, 1re chambre civile, 24 novembre 2020, RG n° 18/02790