Aux termes des dispositions de l'article 778 du Code civil et d'une jurisprudence constante, le délit civil de recel suppose pour le successible le fait de dissimuler certains effets de la succession afin de se les approprier indûment et d'en frustrer les autres ayants droit.
Le recel impose donc la réunion de deux éléments cumulatifs :
- un élément matériel, c'est-à-dire des faits tels que le détournement, l'omission, la dissimulation d'éléments dépendant de la succession ou toute man'uvre frauduleuse impliquant une rupture de l'égalité du partage,
- un élément intentionnel, à savoir, la volonté délibérée de modifier l'équilibre successoral à son avantage, en fraude et au détriment des autres successibles.
Les consorts B. contestent le jugement en ce qu'il a considéré que la sanction du recel n'était pas applicable, alors qu'ils maintiennent leur demande de la voir appliquer à l'encontre de leur tante Mme Nicole B. concernant, tant au titre des demandes de Mme Valérie B. que de celles de M. Jean-Christophe B. :
- La dot constituée à son profit en 1971 ;
- La donation du 29 novembre 1976 (appartement du [...]) ;
- Les retraits et paiements, non justifiés, effectués à l'aide de la carte de Suzanne B. ;
- La donation de la somme de 150.000 EUR qui lui a été faite au moyen d'un chèque bancaire par Suzanne B. ;
- La donation de la somme de 5.255 EUR qui lui a été faite au moyen d'un chèque bancaire par Suzanne B. ;La donation de la somme de 23.000 EUR correspondant au chèque tiré à l'ordre de Citroën Dijon en mai 2010 ;
- La donation de la somme de 30.000 EUR remise par chèque tiré par Mme Nicole B. au profit de sa fille Séverine ;
- La libéralité de 48.937,50 EUR réglée en trois chèques tirés sur le compte de Suzanne B. auprès de la Barclays pour le paiement de charges de copropriété ;
- Les sommes résultant de chèques tirés sur les comptes de Suzanne B. lui ayant bénéficié ou ayant bénéficié à ses enfants,
Y ajoutant, pour la première fois à hauteur de cour :
S'agissant des sommes résultant de chèques tirés sur les comptes de Suzanne B. lui ayant bénéficié ou ayant bénéficié à ses enfants: "et sous réserve de ceux qui se révèleront ultérieurement" ;
Ainsi que, pour la première fois en appel :
Pour les biens et valeurs minorées figurant dans la déclaration de succession de Jean B. ;
- l'ensemble des libéralités des sommes payées pour le compte des enfants de Mme Nicole B. au titre des charges leur incombant depuis 1998 ;
- les libéralités pour les travaux sur l'appartement du 1er étage du [...], identifiés déjà au montant minimum de 50 048 EUR en 1999, qui lui incombaient en sa qualité de nu-propriétaire depuis 1983 ;
- les libéralités pour les travaux sur l'appartement de Trouville réalisés entre 1981 et le décès de Jean B., qui lui incombaient en sa qualité de nu-propriétaire depuis 1981;
- les libéralités de l'encaissement des locations de l'appartement de Trouville ;
- les libéralités des paiements de charges travaux de copropriété, qui lui incombaient en sa qualité de nu-propriétaire depuis 1981, sur l'appartement de Trouville et celui du [...] (outre les charges sur cet immeuble qui était, depuis 2003, sa résidence) ;
- pour les biens et valeurs minorées figurant dans la déclaration de succession de Suzanne B.
Au soutien de ses demandes, Mme Valérie B. blâme sa tante à propos de ses réticences et de son silence, estimant que les éléments auraient dû être révélés dès le début des opérations liquidatives, et que, compte tenu des montants, Mme Nicole B. ne pouvait ignorer que ses dissimulations répétées porteraient préjudice à ses cohéritiers en rompant l'égalité du partage.
Elle estime les montants soustraits intentionnellement de la succession de sa grand-mère entre 2.880.396 EUR et 2.950.396 EUR, outre les éléments soustraits de la succession de son grand-père, compte tenu notamment des chèques, créances et travaux dissimulés, des fonds reçus des donations dissimulées de 1971 et 1976, de la part acquise sur la propriété de Touillon avec les fonds de cette donation de 1971, de la donation du [...] inexistante dans la déclaration de succession, de la suspiscion concernant l'encaissement du prix de la vente par la SCI de l'Ermitage et l'absence de reprise par Suzanne de ses parts, ainsi que la minoration des biens immobiliers.
Concluant à la confirmation du jugement, Mme Nicole B. s'inscrit en faux à l'encontre de ce qu'elle qualifie de "procès d'intention" quant à l'interprétation de son comportement lors de l'établissement des projets de partage, alors qu'elle reproche pareillement à ses neveu et nièce leur manque d'exhaustivité s'agissant des sommes reçues de leur grand-mère.
Elle impute leurs accusations à leurs rancoeur et vénalité personnelles, estimant qu'ils cherchent à augmenter leurs droits et à rétablir un équilibre que Suzanne B. n'avait jamais souhaité au regard des liens fusionnels l'unissant à sa fille et de l'aide et des soins quotidiens qu'elle lui apportait, et elle rappelle point par point son argumentation précédemment développée s'agissant des présents d'usage, des actes de gestion courante, et de remboursements de frais.
Mme Nicole B. conteste encore les allégations de sa nièce concernant la prise en charge de travaux et de charges par sa mère, et de "main-mise" sur les affaires de cette dernière, rappelant que la procuration dont elle bénéficiait était connue de tous, sa nièce ayant elle-même bénéficié de chèques établis par sa tante lors des hospitalisations de Suzanne B.
Considérant ainsi que les faits envisagés ne relevaient pas de la succession (présents d'usage, actes de gestion courante de la défunte, remboursement de frais...), elle explique que c'est la raison pour laquelle elle n'avait pas à en faire état, en l'absence de libéralités, et elle soutient n'avoir jamais eu l'intention de frauder les autres héritiers.
En ce qui concerne la donation déguisée du 29 novembre 1976 , elle invoque sa bonne foi et l'absence d'élément intentionnel, expliquant avoir estimé que cette opération ne relevait pas de la succession de sa mère, croyant que cette acquisition avait été réalisée, alors qu'elle vivait aux Etats-Unis avec son mari, par sa tante Augustine G. pour protéger sa soeur Gabrielle, d'autant qu'elle n'a pas participé à la signature de l'acte, qu'elle n'en n'a jamais eu de copie, et qu'à son retour des Etats-Unis, sa grand-mère, Gabrielle G., était installée dans l'appartement nouvellement acquis.
S'agissant plus particulièrement de la minoration alléguée des biens immobiliers, évoquée pour la première fois en appel, elle conteste toute mauvaise foi, reprochant à sa nièce ses propres erreurs de chiffres, et expliquant avoir été en droit de refuser les estimations initiées unilatéralement par sa nièce avec laquelle aucune discussion n'était déjà plus possible à la suite de ses différents changements de conseils, pour se fonder sur les évaluations du redressement ISF de 2009 majorées au cours du marché et calculées par M. A., expert immobilier et exécuteur testamentaire de sa mère. Elle ajoute que la prétendue minoration concernerait d'ailleurs l'ensemble des héritiers et ne saurait dès lors constituer l'élément matériel d'un recel.
Tout d'abord, il convient de relever que les éléments visés par Mme Valérie B. dans ses écritures, au titre du recel, invoquant les circonstances du paiement différé des droits de succession de Jean B. et sa suspicion d'établissement d'un faux par le notaire, ainsi que les questions relatives à la liquidation de la SCI l'Ermitage, outre leur caractère étranger à la demande de recel successoral, ne sont pas repris par Mme Valérie B. au dispositif de ses conclusions, et qu'il ne sera ainsi pas statué dessus, faute de demande.
S'agissant de la somme reçue par Mme Nicole B. en 1971 à l'occasion de son mariage, cette somme ayant été qualifiée de cadeau d'usage, il ne peut y avoir lieu à recel, de même que concernant le chèque de 1.000 EUR et les dix chèques faits à David B., pareillement qualifiés de cadeaux d'usage.
Concernant la donation déguisée du 29 novembre 1976 de l'appartement sis à Paris [...], il ressort des relations familiales complexes au sein de la famille G-B., et particulièrement de l'histoire particulière des trois soeurs G., de leur solidarité familiale forte et de leur fonctionnement clanique, rendant la version des faits relatée par Mme Nicole B. plausible, celle-ci justifiant avoir suivi son mari pendant la même période, ce dont il résulte que sa mauvaise foi n'est pas établie.
Quant aux dépenses et retraits constatés sur les comptes de la défunte ensuite de son placement en maison de retraite ayant été considérés comme compatibles avec l'évolution de son état de santé et de ses besoins, et ainsi non rapportables, il ne peut y avoir lieu à recel.
Par ailleurs, les sommes de 5.255 EUR, 800 EUR et 700 EUR ayant été estimés plus haut comme non rapportables, comme correspondant au remboursement de sommes avancées par Mme Nicole B. il ne peut y avoir lieu à recel.
En ce qui concerne les chèques de 150.000 EUR et de 23.000 EUR, le seul fait que Mme Nicole B. disposait de procurations sur l'ensemble des comptes bancaires de la défunte et que ces sommes n'aient pas été déclarées lors de l'établissement des projets de partage ne suffit pas à établir son intention frauduleuse de rompre l'égalité dans le partage.
Enfin, si les sommes de 30.000 EUR et de 48.937,50 EUR ont été jugées ci-dessus comme réintégrables, l'intention frauduleuse qu'implique la sanction du recel ne saurait résulter des seuls explications de Mme Nicole B., relatées plus haut concernant lesdites sommes, qui n'établissent pas sa mauvaise foi, non plus que le seul fait qu'elle disposait de procurations sur l'ensemble des comptes bancaires de la défunte.
Il s'ensuit que le jugement est confirmé sur ce point.
- Cour d'appel de Dijon, 3e chambre civile, 27 février 2020, RG n° 17/01484