M. Ariel M. expose qu'il est français par filiation paternelle comme étant né le 27 septembre 1988 à [...], de Abdoul'hafour M., de nationalité française en raison de la souscription d'une déclaration récognitive de nationalité française le 26 novembre 1987 devant le juge d'instance d'Aubervilliers.
N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à M. Ariel M. de rapporter la preuve de l'établissement de sa nationalité française conformément à l'article 30 du Code civil.
Par ailleurs, conformément à l'article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».
Nul ne peut donc se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article.
Selon la coutume internationale, pour être opposables en France et sauf convention internationale contraire, les actes publics étrangers doivent être légalisés. Aucune convention liant la France aux Comores ne dispensant les actes de comoriens de cette formalité, pour qu'un acte public comorien puisse satisfaire aux exigences de la légalisation, celui-ci doit être légalisé par le consul de France aux Comores ou par le consul des Comores en France.
M. Ariel M. expose que son acte de naissance n° 301 dressé le 17 août 1989 a fait l'objet d'un jugement d'annulation par le tribunal de première instance de Moroni (Comores) le 31 décembre 2004. Il produit une copie, délivrée le 2 décembre 2010 par l'officier de l'état civil de Moroni (Comores), de cet acte de naissance, ainsi que l'expédition certifiée conforme le 14 novembre 2011 et le 20 octobre 2018 de ce jugement. Aux termes du jugement d'annulation, l'acte de naissance n° 301 du 17 août 1989 a été annulé car il a été établi « hors la loi » en raison de la violation de l'article 69 de la loi n° 85-011/AF du 9 décembre 1985 portant modification de la loi n° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil, qui dispose que « lorsqu'une naissance ou un décès n'aura pas été déclaré dans les délais légaux prévus aux articles 31 et 41, il ne pourra conformément aux articles 32 et 57 être relaté sur les registres de l'état civil qu'en exécution d'un jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Moroni ou le Cadi du lieu où l'acte aurait dû être dressé ».
M. Ariel M. expose ensuite qu'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 83 a été rendu le 26 janvier 2005 par le tribunal de Cadi de Moroni (Comores), en application duquel un nouvel acte de naissance n° 480 a été dressé le 5 mars 2005. L'appelant produit la copie certifiée conforme le 15 novembre 2012 et le 19 octobre 2018 de ce jugement supplétif et la copie, délivrée par le l'officier de l'état civil de Moroni (Comores) le 15 novembre 2017 et le 2 octobre 2018, de son acte de naissance n° 480.
Mais le ministère public soutient que le jugement supplétif en application duquel cetacte de naissance a été dressé n'est pas conforme à la conception française de l'ordre public international en raison de la violation du principe du contradictoire faute de communication du dossier au ministère public comorien pour conclusion préalablement au jugement.
En effet, il résulte du jugement supplétif n° 83 en cause, rendu le 26 janvier 2005, que celui-ci ne fait mention ni d'une communication préalable au ministère public pour avis ou conclusions, ni de la présence de ce dernier à l'audience, le tampon « vu et communiqué au Parquet le 29 janvier 2005 » apposé en bas de page, sur lequel figure la signature du procureur de Moroni, étant postérieur au prononcé du jugement.
Contrairement à ce que prétend M. Ariel M., la présence de la signature du procureur de Moroni sur le jugement critiqué n'apporte pas la preuve de la présence de celui-ci à l'audience et du respect du principe du contradictoire, au regard de la date du cachet et de l'absence de toute mention dans le corps du jugement de conclusions du ministère public ou de la présence de ce dernier à l'audience.
Pour démontrer que le principe du contradictoire a été respecté, M. Ariel M. produit :
- la copie d'un document en date du 6 novembre 2018, intitulé « attestation aux fins de confirmité », émanant du procureur de la République près le tribunal de première instance de Moroni, qui expose que le jugement supplétif de naissance n° 83 de « Mr M. Ariel » rendu par le tribunal de cadi de Moroni le 26 janvier 2005 respecte le principe du contradictoire conformément aux articles 69 et suivants de la loi 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil ;
- deux attestations identiques, en date du 15 novembre 2019, émanant du procureur de la République de Moroni et du juge auprès du tribunal cadial de Moroni, qui attestent que « pratiquement, une fois qu'une requête est déposée au Tribunal dans le but d'obtenir un jugement supplétif de naissance ou de décès et que ledit tribunal a procédé à toutes les mesures d'instruction jugées nécessaires, le dossier est transmis au Ministère Public pour conclusions » et que « l'article 69 de la loi 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil comorien a donc bien été respecté ».
Or, la copie de l'attestation en date du 6 novembre 2018 n'est pas légalisée, elle est donc dépourvue de toute valeur probante. Les attestations en date du 15 novembre 2019 sont quant à elles valablement légalisées, mais contrairement à la précédente, celles-ci ne font plus état du jugement supplétif concernant l'acte de naissance de M. Ariel M., de la procédure initiée par ce dernier devant le tribunal cadial de Moroni, ou même du nom de l'appelant. Ces attestations « délivrée[s] à tout intéressé pour servir et valoir ce que de droit » ne sont aucunement circonstanciées et ne font que relater laprocédure édictée par la loi comorienne. Elles ne sont pas adressées à M. Ariel M., de sorte qu'il n'est pas possible de conclure au respect de l'article 69 de la loi 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil comorien dans le cas de la procédure concernant l'appelant, peu important le conclusif général qu'elles contiennent à cet égard. Ces attestations ne permettent pas de rapporter la preuve de la conformité au principe du contradictoire du jugement supplétif d'acte de naissance n° 83 rendu par le tribunal de cadi de Moroni le 26 janvier 2005 et, partant, à l'ordre public international de procédure.
Le jugement supplétif en vertu duquel l'acte de naissance de M. Ariel M. a été dressé ne pouvant pas produire d'effet en France, l'acte de naissance lui-même perd toute force probante. L'appelant ne justifie donc pas d'un état civil fiable et certain au sens de l'article 47 du Code civil, son extranéité doit être constatée. Le jugement est confirmé.
M. Ariel M. qui succombe à l'instance supportera la charge des dépens.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 3, chambre 5, 12 janvier 2021, RG n° 19/17173