En application de l'article 595 du Code civil, l'usufruitier ne peut sans le concours du nu-propriétaire donner à bail un fonds rural.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les baux litigieux passés sous seing privé ne comportent pas la signature des nu-propriétaires et qu'aucune information concomitante ou postérieure ne leur a été donnée par le notaire chargé de la succession de leur mère, de telle sorte qu'ils n'ont pu concourir à l'acte, leur concours implicite par connaissance des baux ayant été exclu par les dispositions qui précèdent.
Monsieur Marc P. soutient qu'au moment du décès de son épouse, monsieur Jean P. usufruitier pour 50 % des terres et pleinement propriétaire de 50 % restants sur les biens communs a pu donner à bail les terres en question en agissant comme mandataire apparent de l'ensemble des indivisaires dont il faisait partie avant son option successorale.
Mais d'une part, l'indivision était ouverte dès le jour du décès de madame P. mère, l'article 815 - 3 dernier alinéa exclue la possibilité d'un mandat tacite pour conclure des baux sur les terres indivises et en tout état de cause la théorie de l'apparence soutenue par Marc P. ne peut être utilement invoquée même s'il était de bonne foi en se présentant comme successeur légitime de l'exploitation viticole parentale, le mandat apparent nécessitant des indices vraisemblables de nature à induire le fait qu'il était seul propriétaire des parcelles données à bail au moment où il les a conclus .
Or en l'espèce, aucun élément ne tend à démontrer que monsieur Jean P. se serait présenté comme seul propriétaire d'une partie des parcelles en cause les 23 mai 1994 et 24 février 1997, alors même que la succession de son épouse était ouverte et que la liquidation de la communauté n'était pas intervenue, les baux étant conclus au nom de Jean et Marc P. sur l'ensemble des parcelles sans précision de qualité, ou que l'usufruitier aurait été mandaté postérieurement par la famille postérieurement au décès de son épouse pour consentir un bail sur l'ensemble des terres litigieuses, n'ayant jamais fait part de ses intentions au notaire ni à aucun de ses autres enfants pour obtenir leur aval.
Par conséquent, à défaut de preuve du concours effectif de madame Martine P. et monsieur Henri P. à la conclusion ou à la ratification des baux, la nullité des baux conclus les 23 mai 1994 et 24 février 1997 sera confirmée, ainsi que l'expulsion de monsieur Marc P. des parcelles occupées.
- Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 18 février 2021, RG n° 19/01464