Dans le cadre d'une vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement (VEFA), M. S. a conclu en qualité de réservataire (contrat préliminaire), un contrat de réservation en dates des 12 et 13 juin 2018, portant sur un appartement sis à [...] et d'une surface de 42 m2 constituant le lot 7 d'une résidence à construire dénommée GREEN VALLEY.
En contrepartie de cette réservation, M. S. a remis un chèque de 10.000 EUR à titre de dépôt de garantie émis au profit de maître Y., notaire chargé de la régularisation de la vente. Le contrat préliminaire de réservation a été notifié en recommandé avec accusé de réception à M. S. le 13 juin 2018.
Le projet d'acte notarié a été notifié à M. S. par courrier du 14 décembre 2018.
Le 12 février 2019, l'étude du notaire P.. informait la société P. IMMOBILIER chargée de la commercialisation des lots de la résidence de GREEN VALEY, que M. S. se présenterait à l'étude le 15 février 2019 pour signer la procuration aux fins de signature de l'acte authentique de vente. Ce dernier ne s'est toutefois pas présenté.
Le 15 mars 2019, la SNC GREEN VALLEY écrivait au notaire pour lui indiquer que le délai de réalisation de la vente était dépassé, et qu'elle revendiquait l'intégralité du dépôt de garantie consigné chez maître Y, notaire.
Le chèque a été mis à l'encaissement, et a été rejeté par un avis du 21 mars 2019 suite à une opposition formée pour perte du chèque.
Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 16 avril 2019, le conseil de la SNC GREEN VALLEY a mis en demeure M. S. de donner mainlevée de son opposition.
Par LRAR du 29 avril 2019, le conseil de la SNC GREEN VALLEY a écrit à la Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin sur laquelle était tiré le chèque de dépôt de garantie, pour l'informer de la situation et lui rappeler son obligation de bloquer la provision du chèque pendant une durée d'un an suivant l'expiration du délai de présentation du chèque, soit jusqu'au 20 juin 2019.
Le litige a été porté devant la cour d'appel après appel sur une ordonnance du juge des référés par la SNC.
Il n'est admis d'opposition au paiement par chèque qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse du chèque, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur. Si le tireur fait une opposition pour d'autres causes, le juge des référés doit, sur la demande du porteur, ordonner la mainlevée de l'opposition. En l'espèce, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, et en contrepartie de la réservation, le réservataire a remis au réservant un dépôt de garantie sous la forme d'un chèque de 10 000 euros émis au profit du notaire chargé de la régularisation de la vente, or le chèque a été rejeté suite à une opposition formée pour perte de chèque. En l’espèce, le débiteur a soutenu n'avoir jamais prétendu avoir perdu son chèque et que le motif d’opposition résultait d’une erreur de la banque : que l'opposition était uniquement justifiée par l'utilisation illégale du chèque et non par la perte. Pourtant est produit le courrier électronique du client selon lequel il lui demande expressément de faire opposition au chèque en question suite à sa perte.
Ainsi, il est établi que le client a avancé un motif fallacieux, à savoir la perte du chèque, pour faire opposition. D’ailleurs, si les paiements effectués ou reçus par un notaire pour le compte des parties à un acte reçu en la forme authentique et donnant lieu à publicité foncière doivent être assurés par virement lorsque le montant dépasse 3.000 EUR, le contrat de réservation n'étant pas un acte authentique, le caractère illégal du chèque n'est pas établi. Le simple constat que le motif d'opposition est erroné suffit à ordonner la mainlevée de l'opposition, et ce sous astreinte de 100 EUR par jour de retard passé un délai de huit jours suivants la signification de l'arrêt, astreinte qui courra pendant un délai maximum de quatre mois. En effet, la banque tirée d'un chèque frappé d'opposition est tenue d'en immobiliser la provision et de payer au bénéficiaire le montant jusqu'alors bloqué de la provision du chèque, sous la seule réserve que le titre puisse lui être remis en contrepartie.
En revanche, la banque ne subit pas de préjudice lié à une atteinte à son honneur et à sa réputation, puisque si son client prétend qu’elle aurait par erreur mentionné comme motif d'opposition au chèque "perte", étant dans la cause depuis le début de la procédure, elle pouvait rectifier les affirmations du client à tout moment. La demande symbolique de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.
- Cour d'appel de Riom, 3e chambre civile et commerciale réunies, 2 septembre 2020, RG n° 19/02383