Par infirmation du jugement entrepris, la société de vente par correspondance est condamnée à payer 1.002.000 euros à la destinataire de 83 courriers lui annonçant des gains de loterie publicitaire.
Si la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a réduit la durée de prescription à cinq ans, aucune des 83 demandes en paiement n'est prescrite. Les 83 annonces de gain de loterie adressées nominativement à la destinataire des courriers publicitaires procèdent d'affirmations fermes et catégoriques qui la présentent comme la gagnante des sommes litigieuses. La mention de l'aléa figure toujours en caractères minuscules, de manière à peine lisible et rédigée en termes abscons dissimulés en marge des documents. En outre, l'envoi de chèques bancaires nominatifs contredit cet aléa. La destinataire, personne âgée et isolée, pouvait raisonnablement considérer qu'elle était la gagnante des loteries en cause. La mauvaise foi de l'intéressée ne peut résulter de la simple succession des envois litigieux. Bien au contraire, la multiplication par la destinataire d'achats inutiles auprès de la société de vente par correspondance tend à démontrer le crédit qu'elle accordait à ces promesses de gain.
Condamnation de la société de vente par correspondance
La société de vente par correspondance est condamnée à verser 10.000 EUR en réparation du préjudice moral de la destinataire des courriers publicitaire. La société a commis une faute en multipliant les annonces de gains de loterie sans jamais les régler. Ce comportement fautif a causé un préjudice particulier à la destinataire lié à l'attente de ses gains qui ne lui ont jamais été payés.L'huissier de justice et la SCP sont condamnés in solidum avec la société de vente par correspondance à payer les 83 gains promis, soit 1.002.000 EUR, ainsi que les dommages-intérêts de 10.000 EUR en réparation du préjudice moral de la consommatrice.
Condamnation de l'huissier de justice
L'huissier, en apportant sa caution d'officier ministériel aux agissements de la société de vente par correspondance qui promettait des gains de sommes d'argent à la consommatrice alors que son nom et sa qualité étaient particulièrement mis en avant dans les documents litigieux, a favorisé, soutenu et crédibilisé les manoeuvres déployées pour annoncer ses gains à l'intéressée. L'huissier a commis une faute délictuelle qui a directement concouru à la mise en oeuvre des 83 opérations de loteries organisées par la société de vente par correspondance, qui ont toutes été suivies d'une inexécution par cette dernière de ses obligations quasi-contractuelles. Les agissements de l'huissier ont contribué à créer l'apparence trompeuse de cette loterie pour la personne informée d'un gain ferme et définitif alors qu'elle n'était que pré-sélectionnée.
Le fait que la société de vente par correspondance soit tenue quasi-contractuellement ne fait pas obstacle à une responsabilité in solidum entre l'organisateur de la loterie et l'huissier fautif qui a collaboré à cette loterie et mis en oeuvre les artifices destinés à tromper les bénéficiaires des gains annoncés.
- Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 6 mai 2021, RG n° 15/01893