Aux termes de l'article 678 du Code civil, on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions.
L'article 679 du Code civil dispose qu'on ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a six décimètres de distance.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux de constat d'huissier dressés les 5 décembre 2016 et 14 mai 2018, que la terrasse édifiée par Mme R. au fond de son jardin, sur le toit d'un appentis préexistant, crée des vues droites et obliques sur les fonds des époux F.-B. et des époux B.-M.
Il est en outre établi par les photographies communiquées que, contrairement à ce que soutient Mme R., la configuration antérieure ne permettait aucune vue depuis la propriété de celle-ci sur les fonds voisins.
Il apparaît que les vues ainsi créées par l'édification de la terrasse subsistent nonobstant l'installation de brise-vues en bois, dans la mesure où, d'une part ceux-ci sont constitués de lames espacées par des interstices importants, d'autre part la terrasse n'est pas équipée d'un brise-vue en sa partie sud, étant précisé encore que la mise en place de treillis et de panneaux côté ouest et la végétation plantée afin de limiter l'accès visuel sur les fonds voisins laisse cependant persister des vues obliques depuis la partie sud de la terrasse.
Mme R. propose une alternative à la suppression pure et simple de la terrasse par la mise en place de brise-vues particuliers, sur lesquels elle produit une documentation, permettant à la fois d'occulter totalement le regard, tout en laissant passer la lumière. Ce dispositif ne pourrait toutefois être efficace que s'il était également installé sur la partie sud de la terrasse, qui serait ainsi totalement close.
Par ailleurs, et surtout, c'est à juste titre que le premier juge a relevé que cette solution ne pouvait être retenue dans la mesure où la structure mise en place méconnait également la servitude non aedificandi dont bénéficie le fonds de M. et Mme B.-M., expressément mentionnée dans le titre de propriété de Mme R. en date du 23 novembre 1990.
Contrairement à ce que soutient Mme R., les termes de la clause de servitude sont parfaitement clairs, s'agissant tant des propriétaires successivement tenus par l'interdiction que de la désignation du fonds dominant, identifié, et de l'emplacement de la servitude, à savoir, « à la limite de la cour réservée », soit la petite cour située sur la propriété B.-M., et « du jardin vendu », correspondant à la propriété de Mme R.
La teneur de l'interdiction est également définie : ainsi, la lecture de l'acte de vente révèle que Mme R. n'est autorisée à bâtir, sur la limite de propriété, à ce moment-là déjà matérialisée par un mur, « aucune construction de tout ordre » d'une hauteur supérieure à 2,50 mètres ». L'acte explique encore, en ces termes, l'objectif poursuivi par les parties : « toutes ces dispositions ont pour but de conserver en toutes circonstances l'air et la lumière au rez-de-chaussée et à la cour de la maison de la [...] (') ».
Or, le procès-verbal de constat du 14 mai 2018, qui fait une description précise des lieux, illustrée par de nombreuses photographies, fait apparaître que la structure mise en place sur la limite séparative, d'une hauteur totale de 5,50 mètres avec les brise-vues installés, mesurant eux-mêmes 2,24 mètres, prive d'ensoleillement la cour de la propriété des consorts B.-M., alors que celle-ci est déjà étroite et encaissée, ce que cette servitude avait précisément pour but d'éviter ainsi que cela résulte des termes de l'acte notarié.
À cet égard l'huissier relève : « force est de constater que la surélévation réalisée par Mme Catherine R. (') enferme véritablement de manière verticale la cour de M. Laurent B. et Mme Chrystèle M., positionnée immédiatement en contrebas à l'aspect nord. Les privations d'air, de lumière et d'ensoleillement liées sont manifestes (') le terme de "cour enterrée'" apparaît parfaitement adapté à la situation ». Il souligne également que la locataire de l'appartement du rez-de-chaussée est catégorique pour indiquer que les lieux sont particulièrement sombres et que cette situation est amplifiée du fait de la surélévation réalisée par Mme Catherine R. avec la mise en place des brise-vues.
Il ressort de ces explications que c'est à juste titre que le premier juge a accueilli la demande des voisins de Mme R., visant à la suppression de la terrasse, alors que l'ouvrage d'une part crée des vues illicites, d'autre part contrevient à la servitude par laquelle est tenue l'appelante.
Le jugement sera dès lors confirmé, sans qu'il y ait lieu d'augmenter le montant de l'astreinte prononcée.
Il le sera également s'agissant du rejet de la demande de dommages et intérêts présentée par les intimés, qui n'est pas davantage justifiée en cause d'appel qu'en première instance.
- Cour d'appel de Riom, 1re chambre civile, 21 septembre 2021, RG n° 19/02040