Par acte notarié du 14 octobre 2013, la Direction départementale des finances publiques de Meurthe-et-Moselle, agissant en qualité de curateur à la succession vacante de Mme Solange B., a cédé à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'Alsace des parcelles de terre situées sur la commune de Neuwiller, inscrites au cadastre sous les numéros 165/23, 166/23 et 28 de la section 18.
Par acte introductif d'instance reçu au greffe le 25 février 2014, M. Peter W., se prévalant d'un bail rural sur les parcelles cédées, a saisi le Tribunal de grande instance de Mulhouse afin de faire annuler l'exercice par la SAFER d'Alsace de son droit de préemption ainsi que les ventes subséquentes.
Suivant jugement en date du 5 avril 2018, le tTGI de Mulhouse a déclaré recevables, mais mal fondées les demandes de M. Peter W., l'en a débouté et l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.500 EUR par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour l'essentiel, le tribunal a considéré que la SAFER d'Alsace avait fait usage de son droit de préemption en acceptant l'offre amiable transmise en application de l'article L. 143-2 du Code rural, que le litige ne relevait pas des contestations entre bailleurs et preneurs au sens de l'article L. 491-1 du code précité et qu'il n'était donc pas de la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux, que l'action avait été engagée le 20 février 2014, moins de six mois après la publication de la décision de préemption par avis affiché le 28 août 2013, mais que M. Peter W. ne justifiait pas d'une exploitation des parcelles en vertu d'un bail rural durant plus de trois ans.
Le 24 avril 2018, M. Peter W. a interjeté appel de cette décision.
La circonstance qu’une offre amiable préalable ait été adressée à la SAFER est sans emport, puisque l’exercice du droit de préemption est obligatoire en cas d'adjudication volontaire. La SAFER est donc mal fondée à soutenir que les parcelles ont été acquises dans le cadre d'une vente amiable, sans exercice de son droit de préemption.
La contestation de la décision de préemption de la SAFER est bien intervenue dans les 6 mois de l’avis public de la décision de préemption. Il est indifférent que la Direction départementale des finances publiques, vendeur de la succession en déshérence, dont dépendent les parcelles en litige n’ait pas été appelée à la cause. L’action du preneur à bail rural des parcelles est donc recevable.
Le preneur à bail rural justifie d’un bail conclu plus de 3 ans avant l’exercice du droit de préemption de la SAFER, l'enregistrement du bail n’étant pas requis pour sa validité. En outre, la SAFER a été avisée de ce bail dont elle a déclaré faire son affaire personnelle. Par ailleurs, le paiement effectif du fermage n’est pas une condition posée par l'article L. 143-6 alinéa 2 du Code rural. Le preneur justifiant de l’exercice de la profession d’agriculteur et d’une autorisation préfectorale d’exploitation, il est fondé à demander l’annulation de l’exercice du droit de préemption de la SAFER exercé au mépris du droit de préemption du preneur.
- Cour d'appel de Colmar, 2e chambre civile, 24 décembre 2020, RG n° 18/01822