Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 24 décembre 2021

 

Suivant acte authentique du 30 mars 2012, M. André X. et Mme Margarita B. épouse X. ont fait l'acquisition auprès de la SCI C'ur Daurade d'un appartement en état futur d'achèvement de type T4 et de deux places de parking au sein d'une résidence sise à Toulouse, pour un montant total de 265.000 EUR.

Cet investissement locatif s'inscrivait dans un programme immobilier ouvrant droit aux avantages de défiscalisation offerts par la loi dite « Scellier », commercialisé par la société Indigo Patrimoine mandatée à cet effet par la société Crédit Agricole Immobilier, gérant et associé de la SCI C'ur Daurade.

Cette acquisition immobilière a été financée par un prêt consenti par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Finistère (ci-après « Crédit Agricole du Finistère »), intervenue pour ce faire à l'acte du 30 mars 2012, d'un montant de 275.255 EUR remboursable au taux de 4,25 % en 216 mensualités hors anticipation, d'une durée maximale de 36 mois, représentant des échéances d'un montant de 974,86 eEUR avant déblocage des fonds puis d'un montant de 1.825,46 EUR.

Le bien immobilier a été livré aux époux X. en juin 2013 et loué dès juillet 2013.

En février 2014, M. X. a pris sa retraite. L'année suivante, les époux X. ont déposé une demande de traitement d'une situation de surendettement qui a été déclarée recevable le 10 novembre 2015. Ils ont bénéficié d'un plan conventionnel de redressement sur 2 années entré en application le 31 mars 2016, au cours duquel le remboursement du prêt immobilier s'est trouvé suspendu.

Par assignations des 13 et 14 février 2017, ils ont introduit une action en responsabilité contre le Crédit Agricole du Finistère et le Crédit agricole Immobilier pour divers manquements précontractuels, estimant avoir été trompés.

--o--

Il est constant que les emprunteurs ont souscrit l'assurance groupe proposée par la banque prêteuse, qui à ce titre est tenue d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, et d'apporter la preuve du conseil prodigué à l'emprunteur.

En l'espèce, l'assurance souscrite à la conclusion du contrat de prêt était manifestement inadaptée à la situation de M et Mme X. dès lors que la garantie obligatoire ne couvrait que 7 années sur un prêt remboursable sur 21 ans, et que M X. était déjà âgé de 63 ans lors de la souscription de l'emprunt.

Pour s'exonérer de sa responsabilité, la banque avance tout d'abord (page 14 de ses conclusions) qu'il n'est pas démontré que M X. avait informé la caisse de son départ en retraite. Or, ce point est sans rapport avec le risque décès dont la couverture était ici insuffisamment assurée par le contrat litigieux.

Elle soutient ensuite que les emprunteurs ont reçu la notice d'information qui rappelait la limite d'âge de 70 ans, que les modalités de l'ADI souscrite par M X. étaient précisées dans les dispositions particulières du prêt qu'ils ont dûment paraphées, en dépit de quoi ils n'ont pas émis le souhait de souscrire une assurance complémentaire pour couvrir M X. au-delà de 70 ans, alors qu'en page 6 du contrat ils ont été informés de leur possibilité de souscrire auprès de l'assureur de leur choix une assurance dans les conditions fixées à l'article L312-9 du Code de la consommation. Elle en déduit qu'ils avaient « sans doute » [sic] l'intention de revendre le bien avant le 70e anniversaire de M X.. Cette déduction toute personnelle de la banque ne tient cependant pas compte de ce que l'opération de défiscalisation dans laquelle prend place l'investissement ainsi financé emporte l'engagement des candidats à l'avantage fiscal escompté à ne PAS revendre le bien avant 9 ans, soit bien après que M X. ait atteint l'âge de 70 ans.

Quoi qu'il en soit, il ne suffit pas à la banque pour s'exonérer de son obligation de conseil à ce titre de s'abriter derrière le fait que l'emprunteur a été suffisamment informé sur les limites de la garantie par les clauses du contrat et les notices remises, encore faut-il qu'elle démontre que dûment informé sur le caractère inadapté à sa situation de la couverture proposée, et l'existence de solutions plus adéquates, l'emprunteur a sciemment fait le choix de la première solution, et fait son affaire personnelle de compléter son assurance auprès d'un autre assureur de son choix.

Or, la « FICHE CONSEIL ADI », annexée au contrat, censée rendre compte du conseil personnalisé apporté aux emprunteurs, affirme que « Notre contrat d'assurance ADI souscrit auprès de CNP Assurances et PREDICA, est la solution adaptée à votre besoin[']. Nous vous conseillons de vous assurer à 100% pour l'ensemble des garanties proposées. ['] L'incapacité temporaire totale n'est pas couverte par ce contrat ;ce contrat ne vous garantit pas contre le risque perte d'emploi [']. Attention : ce contrat vous garantit jusqu'à ' ans pour la garantie décès, ' ans pour la garantie PTIA. Si votre prêt se poursuit au-delà de ces limites, vous ne serez plus assuré ['] Compte tenu de votre situation, si vous estimez que notre contrat ne couvre pas complètement vos besoins, vous pouvez naturellement rechercher une assurance complémentaire ».

Ainsi, même si la notice remise à l'assuré indique la limite d'âge de la garantie décès à 70 ans, le conseil personnalisé, dû par la banque en tant que souscripteur d'assurance de groupe, d'une part affirme que son contrat est adapté ce qui n'est pas le cas, et d'autre part, a laissé non renseignés les champs les plus importants dans le cas de M et Mme X., à savoir l'âge à compter duquel le risque décès statistiquement le plus prégnant pour ces emprunteurs seniors, ne serait plus couvert.

Or, selon les termes de l'offre, les emprunteurs ont l'obligation de fournir annuellement au prêteur leur attestation d'assurance obligatoire, avec cette précision que ce manquement constitue un cas d'exigibilité anticipé des sommes prêtées, de sorte que toute assurance dite « complémentaire » qu'ils devraient souscrire pour garantir le prêt au-delà des 70 ans de M X., n'est pas une simple faculté, mais une assurance obligatoire.

Dans ces conditions, contrairement au moyen de la banque retenu par le tribunal, la simple référence dans les conditions de remboursement du prêt au fait que le nombre d'échéances est de 216, et que le montant de la prime ADI serait de 96,33 € du 1er au 83e mois, même associée à la précision en page 6 selon laquelle l'emprunteur peut souscrire auprès de l'assureur de son choix une assurance dans les conditions de l'article L312-9 du code de la consommation, ne fait pas la démonstration de ce que la banque a informé M et Mme X. que s'ils acceptaient l'assurance groupe, alors ils devaient souscrire une assurance complémentaire couvrant l'encours du prêt au-delà de la 83e échéance de remboursement.

La banque a donc bien manqué à son devoir d'information et de conseil portant sur la souscription d'une assurance adaptée à la situation personnelle de M et Mme X.

Les appelants justifient de ce que le 19 juin 2019, ils sont parvenus à souscrire une assurance courant jusqu'à la fin de l'amortissement du prêt, soit couvrant 175 échéances. Pour chiffrer leur demande de dommage et intérêts à la somme de 19.686,54 EUR, ils ont pris pour référence le montant mensuel de l'assurance groupe souscrite initialement soit 96,33 EUR, qu'ils ont déduit du montant mensuel de leur nouvelle cotisation, rapporté aux 175 mensualités à couvrir, afin de déterminer le surcoût auquel les a contraints le manquement de la banque.

Le préjudice issu d'un manquement de l'assureur ou du banquier en tant que souscripteur d'une assurance de groupe, à son obligation de conseil et d'information sur la garantie la mieux adaptée à la situation de l'assuré consiste en une perte de chance de ne pas contracter, ou de contracter à des conditions plus favorables, soit en l'espèce, de contracter dès la souscription du prêt en mars 2012, alors que M X. était âgé de 63 ans, une garantie couvrant le prêt sur la totalité de sa durée, période d'anticipation comprise.

Le manquement de la banque rend vaines ses objections tenant au fait que la situation de M X. en 2019 ayant déterminé ce nouveau montant de cotisations ne pouvait être connue en 2012, puisque c'est sa propre carence qui a exposé M et Mme X. à une preuve impossible.

Il convient de condamner le Crédit Agricole du Finistère à leur rembourser ce montant de 19.686,54 EUR.

Référence: 

- Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 9 décembre 2021, RG  n° 20/05870