Hervé C., né le 29 juin 1937, est décédé le 12 juillet 2015 à Neuilly-sur-Seine.
Il était le père de MM. Gilles et Jean-Pierre C.
Il était aussi l'époux en secondes noces de Mme Michelle U., suivant mariage du 2 juillet 2005 devant l'officier d'état civil de la mairie de Neuilly-sur-Seine (92), après avoir conclu un contrat de mariage le 3 juin 2005 établissant le régime de la séparation de biens. Aucun enfant n'est né de cette union.
Après un rendez-vous d'une heure trente, le 3 janvier 2013, avec M. Guy G., membre de la SCP G.D.B., notaires associés à Paris, Hervé C. a de nouveau été reçu par M. G. en son étude le 9 janvier 2013, également pendant une heure trente.
Le 9 janvier 2013, Hervé C. a rédigé un testament olographe devant M. G. excluant totalement Mme U. de ses droits de conjoint survivant en ces termes :
" Je soussigné Hervé Ignace Marie Paul Yves C., né à Brest le 29 juin 1937, demeurant à [...], ne veux pas que mon épouse Michelle U. hérite de moi. Je la prive de tout droit successoral légal. A Paris le 9 janvier 2013 [signature] ".
Hervé C. a de nouveau rencontré M. Guy G. le 15 mai 2013 et a rédigé, le même jour, un codicille en ces termes :
" Codicille. J'ajoute que les subsides que j'ai fournis à Michelle U. avant notre mariage et depuis notre mariage vont bien au deladu (sic) des [extrait raturé] besoins de financement de notre ménage. A Paris le 15 mai 2013 ".
Par assignation en référé du 11 décembre 2015, Mme Michèle U. a sollicité la désignation d'un expert judiciaire avec pour mission notamment de déterminer de manière précise et circonstanciée l'état de Hervé C. au 9 janvier 2013 et au 15 mai 2013 et de préciser s'il était ou non à ces dates, atteint de troubles de nature à vicier son consentement.
Par ordonnance de référé du 28 janvier 2016, il a été fait droit à cette demande et le docteur Thierry D. a été désigné en qualité d'expert, remplacé successivement par le docteur Marie S., puis par le docteur Philippe E.. Aux termes de son rapport déposé le 23 novembre 2016, Hervé C. était, le 9 janvier 2013, atteint de troubles neurologiques qui ont pu affecter sa prise de décision, altérer son discernement ou le rendre vulnérable.
Le Dr E. a précisé, en conclusion de son rapport, que la maladie de Parkinson dont souffrait Hervé C. avait entraîné une " démence parkinsonienne " ayant pour caractéristique un " syndrome dysexécutif " susceptible de faire envisager d'emblée des difficultés à établir un testament. Il a ajouté que la difficulté est " bien plus importante encore si se rajoute un élément confusionnel aigu, ce qui était le cas le 9 janvier 2013
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Il convient de prononcer la nullité du testament olographe et de son codicille rédigés par le défunt, dès lors qu'au moment de la rédaction de ces actes, les troubles cognitifs de celui-ci avaient atteint un niveau de gravité ne lui permettant pas de tester avec discernement et lucidité. Par conséquent, son insanité d'esprit au moment de la rédaction desdits actes est démontrée. En l'espèce, le défunt avait rédigé un testament olographe et un codicille dans le but d'exclure totalement sa seconde épouse de ses droits de conjoint survivant. Le défunt souffrait d'une maladie de Parkinson. Cette maladie, ainsi que cela résulte des écrits du neurologue, et du psychiatre, comporte, outre des troubles du langage et de la motricité, des troubles des fonctions cognitives, notamment un syndrome dysexécutif, c'est-à-dire une difficulté à élaborer une stratégie, à programmer ou à maintenir une stratégie, à prendre des décisions élaborées, l'ensemble de ces symptômes s'aggravant avec le temps. Peu avant la rédaction du testament litigieux, il est établi que le défunt a souffert d'un syndrome confusionnel aigu nécessitant un passage aux urgences à l'hôpital, et cinq jours après la rédaction du testament, il a fait l'objet d'une hospitalisation.
L'insanité d'esprit du défunt au moment de la rédaction du testament et du codicille est parfaitement établie par les éléments médicaux et l'expertise du neurologue, nonobstant le fait qu'il était polytechnicien et disposait d'un bagage culturel et intellectuel élevé.
- Cour d'appel de Versailles, 1re chambre, 1re section, 29 Mars 2022, RG n° 20/01942